LE DEFI DE L’ENFANT, PAR THERESE ZRIHEN-DVIR

L’année qui nous tourne le dos a été pleine de surprises, de hauts et de bas… mais n’est-ce pas là la nature de notre existence même ? C’est parfois une montée vertigineuse vers des extases inoubliables mais aussi des chutes abyssales lors de nos échecs… la vie continue. Les saisons suivent leur carrousel de joies et de peines alors que nous nous accrochons de toutes nos forces à ces petites brides invisibles de la vie, du bonheur, des couleurs, de la lumière…

Il y a à peine quelque jours, j’ai buté contre un enfant qui pleurait, triste d’avoir été tant malmené, peu importe par qui et comment. J’ai accouru vers lui pour l’aider à surmonter sa douleur, et ses yeux pleins de larmes, me défièrent avec leur question surprenante. « Pourquoi notre Seigneur a créé la souffrance, la tristesse, les défis, les maladies, le malheur ? »

J’ai reculé instinctivement en l’écoutant énoncer ce qui trop souvent me martelait les tempes quand j’avais son âge, puis la réponse jaillit brusquement de mes lèvres… « Mais voyons, mon cher enfant, si Notre Seigneur avait fait de la vie une succession infinie de joie, de bonheur, de succès… une route rectiligne sans aucun obstacle, ni montées en pentes et ni descentes hasardeuses, en serais-tu heureux ? Peut-être qu’au début cela te contenterait, mais bien vite tu serais las de cette monotonie, de cette route nivelée qui ne te défie jamais et qui t’ôte tout  désir de la poursuivre tant elle est prévisible. Pour que l’être humain puisse puiser de toutes ces forces miraculeuses dont Notre Seigneur l’a doté, il a fallu créer la diversité, les défis,  les montagnes, les forêts, les rivières et les torrents, les mers et les plages… une foison de créatures qui possède chacune son utilité, son devoir dans ce monde que Notre Seigneur Lui a confié. Comment pourras-tu savoir ce que c’est qu’être heureux, si tu ne connais pas la tristesse ? Comment sauras-tu que tu es malade ou sain si la douleur n’existait pas… comment pourras-tu découvrir les secrets de ton esprit s’il n’est pas galvanisé par le besoin, par l’aventure, par l’utilité, par l’ambition et la compétition ?

« Je ne doute pas qu’une réponse complète à toutes tes questions demeure loin de ta portée et de la mienne, mais vois-tu mon enfant, chaque matin lorsque je me réveille, je regarde de ma fenêtre le ciel et je découvre toutes les nuances moirées de son bleu, de ses nuages, le miracle du chant de l’oiseau dans son nid, le vent frais grisant de l’aube, le parfum timide de la fleur qui pousse entre mes pieds, l’éclat chatoyant des feuilles des arbres, et ces petits cailloux que je foule à mon pas et que je ramasse parfois tant ils brillent de feux étincelants sous la rosée matinale…  Et je me sens alors toute heureuse, toute reconnaissante de posséder ces facultés qui me rapprochent du Créateur et de Sa Création… cette création qui me subjugue par son immensité, sa grandeur et sa splendeur.

« Allons n’oublie pas que bientôt c’est le Nouvel An, Rosh Hashana. Dans quelques jours tu revêtiras tes plus beaux atouts, et de la cuisine de ta maman s’échapperons les parfums délicieux des mets très particuliers à ce jour très spécial, et la maison entière retentira de joie et de rires, de bonheur d’être ensemble, sous le souffle imperceptible de l’amour qui vous unit et vous submerge. Alors tu oublieras ces petites larmes qui perlent maintenant à tes yeux… Mais aussi et surtout, tu apprécieras davantage ce bonheur parce que justement, tu as été triste quelques jours plus tôt.

Les yeux de l’enfant s’élargirent brusquement et une ébauche de sourire s’esquissa sur ses petites lèvres roses. Il étancha ses larmes d’un revers de sa manche et me dit, « C’est vrai ce que vous dites là madame, ce matin en me rendant à l’école, j’ai vu des papillons voler autour de ma tête et je me suis élancé à leur poursuite… je me suis senti si heureux, et le vent frais du matin était exquis… c’est bien le mot, n’est-ce pas ?

« Mais oui, mon cher enfant, tu as bien trouvé le mot pour décrire ta joie, ton enthousiasme de vivre et cela tu le dois à Notre Seigneur… ne l’oublie jamais.

« Jamais, répéta-t-il en me serrant la main… BARUCH HASHEM. Shana Tova à vous aussi madame », me lança-t-il en riant et s’élançant d’un pas ferme vers la venelle menant à sa maison.

« Shana Tova » lui criais-je en le voyant disparaitre au coin. J’ai, moi aussi, goûté à son bonheur et à sa joie et je lui en suis reconnaissante.

SHANA TOVA,

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