« Il faut ! » : arrêtez avec ça !
Un jour, un ami m’a dit une phrase qui sur le moment m’a paru évidente mais très anodine : il m’a dit qu’il ne supportait plus d’entendre les mots « il faut ». En tournant cette phrase encore et encore dans ma tête et en avançant tranquillement dans ma journée, j’ai constaté que ces deux mots m’assaillaient de partout, c’est la phrase qu’on entend le plus : il faut faire ceci, il faut faire cela, il faut arrêter, il faut continuer… Des « il faut », il y en a partout : à la radio, à la télé, dans les journaux, sur le net, on a l’impression que tout le monde sait ce que doit faire l’autre, que chacun emploie ces mots à tort et à travers en s’érigeant comme donneur de leçon, connaisseur, expérimenté et sûr à cent pour cent, que si on appliquait ce qu’il dit, le monde se porterait beaucoup mieux. Mais le fait est que ces gens se contredisent continuellement, et si je décidais un jour de suivre tous ces conseils, je serais sans aucun doute atteinte d’une schizophrénie incurable.
De nos jours, le sujet qui ne s’oublie pas, c’est la politique, star de tous les médias, les discussions, les pensées, elle envahit nos vies, elle se faufile n’importe où, sème la zizanie entre les amis, les proches et parfois même au sein de la famille. Et vu que nous, Tunisiens, ne savons pas encore parler doucement ou entendre l’avis de l’autre, c’est le désordre qui prend vite le dessus, suivi de l’énervement puis de hurlements qui vont vite dégénérer sans qu’on s’en rende compte.
Chacun a le droit d’avoir un avis, des certitudes, des convictions, cela va de soi, ça peut animer une discussion ou permettre de mieux connaître l’autre, mais là où le bât blesse, c’est quand on veut imposer ses points de vue à autrui, quand il faut absolument convaincre l’autre qu’il a tort en usant des arguments les plus convaincants ; mais si l’autre n’est pas d’accord, est-il possible de dépasser cela et de se dire que c’est quand même une belle personne, même si ses convictions ne sont pas les vôtres ?
Franchement, par les temps qui courent, je ne sais vraiment plus, car la question ne s’est tout simplement pas posée avant. Maintenant, grâce ou à cause de la politique, j’ai vu des amis s’éloigner, des gens qui ne s’adressent plus la parole ou qui s’en veulent à mort, des débats violents qui bifurquent vers un plan personnel et qui détruisent toute sorte de relations. Quand j’étais enfant, mes parents m’ont appris à ne pas aborder les sujets sensibles quand on est invité chez quelqu’un, à table ou même pendant une réunion familiale. Ces sujets sont en l’occurrence : les penchants sexuels, la religion et la politique, car ce sont tout simplement des sujets qui peuvent créer des tensions dans un climat sensé être convivial, ce sont aussi des sujets très personnels, intimes et parfois secrets : on a tous nos convictions mais on n’est pas non plus obligé d’en parler.
La religion est une question entre vous et vous-même, que vous soyez athée, musulman, juif, chrétien, bouddhiste… faites ce que bon vous semble dans le respect de l’autre, vous n’êtes pas obligé d’étaler vos convictions religieuses sur la place publique. Cela s’applique aussi à la politique, et c’est d’ailleurs pour ça qu’on vote derrière un rideau, ça ne regarde que vous et personne d’autre. Quant aux penchants sexuels, c’est encore plus intime, personne n’a besoin de savoir de quel côté vous êtes. Parler de ces sujets, c’est se confier, donner un avis purement personnel qui ne devrait en aucun cas avoir une connotation d’obligation, personne n’est forcé de penser comme vous !
Regardez ce qui se passe quand vous défendez une idée propre à vous, sur Facbook par exemple, le temple des donneurs de leçons : vous vous retrouvez en deux temps trois mouvements attaqué de partout, les insultes fusent, les indignations, les « comment peux-tu dire ça ? », les suspicions, les accusations… Dire son opinion est désormais devenu suspect, tout le monde est sur ses gardes, prêt à vous étiqueter dès que vous partagez une idée. Il y en a même qui pensent que vous vous adressez personnellement à eux alors que vous avez exprimé une idée générale, sujette à discussion ou pas, d’ailleurs.
Le climat dans lequel nous vivons ces derniers mois a fait de nous des personnes fortes qui osent parler, mais cela ne veut en aucun cas dire que nous devons acquiescer sur tout et n’importe quoi. Dites ce que vous voulez mais n’imposez rien à personne. Si ce que vous pensez convainc, tant mieux pour vous. Si ce n’est pas le cas, ça reste votre opinion, que cela plaise ou pas ! Les sermons, les jugements, les ordres, les leçons, les accusations… tout ça complique encore plus les choses qui ne sont déjà pas simples, alors s'il vous plaît, baissez d’un ton et arrêtez avec vos « il faut ! ». C’est condescendant, hautain et surtout inutile.
François Ponsard a dit : Tout conseil est mauvais quand il est imposé.
N.Azouz
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