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«Juifs en pays arabes. Le grand déracinement 1850-1975», de Georges Bensoussan

«Juifs en pays arabes. Le grand déracinement 1850-1975», de Georges Bensoussan

 

 


Pourquoi n’y a-t-il plus de Juifs ou presque dans les pays arabes? Georges Bensoussan retrace, dans une conference mémorable, cet exode qui selon lui n’est pas dû au conflit israélo-palestinien mais aux forces longues, profondes et implacables de l’histoire 

 

Il n’y a presque plus de Juifs dans les pays arabes de nos jours. La faute au conflit israélo-palestinien? Non pas. C’est une bien plus longue histoire, même si c’est ­effectivement après 1945 que l’exode des Juifs devient massif. Après avoir lu Bensoussan, on comprend que cette histoire est avant tout celle d’une misère humaine, que la colonisation européenne puis les guerres mondiales et la décolonisation n’ont fait qu’exacerber. 

 

L'histoire extraordinaire des Juifs de Perse, d'Irak, d'Égypte, du Maroc, d'Algérie, de Tunisie ... du Moyen-Orient au Maghreb, installés avant que Mahomet ne structure l'Islam, participant au rayonnement de ces pays, ils découvrent l'éducation par le réseau d'écoles de l'Alliance. Sous-dhimmis, traités comme les femmes, victimes de pogromes, alors qu'ils fournissent médecins, avocats, rattrapés par l'antisémitisme nazi au sortir de la deuxième guerre mondiale, les Juifs sont expulsés sans Avis : -" c'est comme une corde que l'on vous met autour du cou et que l'on sert un peu plus chaque jour".
Beaucoup de ces Juifs iront reconstruire Israël. Leurs traces sont effacées : synagogues, cimetières...

En attendant une hypothétique acceptation du rôle des Juifs dans leur histoire, un nouveau négationnisme arabe se met en place. Basé sur des archives privées, associatives et diplomatiques, le fantastique travail de Georges Bensoussan est un flash-back qui ravive peines et joies Judéo-musulmanes qui ont fait le passé.

Le judaïsme est né en Orient. Les enfants d’Ismaël ont le même grand-père – Abraham – que les enfants d’Israël. Pendant très longtemps, l’immense majorité des Juifs ont habité en terres arabes. La cohabitation entre «cousins» fut millénaire. Elle connut, dès le départ, des tensions mais aussi des réussites dont la plus célèbre est celle de l’Andalousie médiévale. Ce qu’on oublie souvent de nos jours, c’est que les deux peuples vivaient côte à côte depuis des millénaires avant même la naissance de Mahomet. Les Croisades puis l’expulsion des Juifs d’Espagne, en 1492, vont rendre cette cohabitation de plus en plus difficile. 

L’objet de l’ouvrage monumental de Georges Bensoussan n’est pas celui-là. La période qu’il envisage avant tout est celle qui va de la moitié du XIXe siècle à 1975, date à laquelle on peut dire que les derniers Juifs sont partis. Focalisant son attention sur cinq pays – le Maroc, la Libye, l’Egypte, le Yémen et l’Irak –, il retrace avec une masse considérable de détails la condition de cette cohabitation où bien entendu les Juifs n’ont jamais pu jouer d’autre rôle que celui du partenaire minoritaire, parfois toléré, le plus souvent haï. 

Conditions de vie misérables 

La condition des Juifs en terres arabes ne diffère d’ailleurs pas fondamentalement de leur condition ailleurs. Sur les quelque cinq millions de Juifs dans le monde vers 1950, pas plus de 400 000 (moins de dix pour cent) jouissent des mêmes droits civils et politiques que les autres. Sur le plan économique, et c’est ce qui ressort peut-être avec le plus de force de ces pages, les Juifs en terres arabes appartiennent aux classes les plus défavorisées. Les rapports de voyageurs ou d’envoyés européens sont unanimes: pauvreté, faim, promiscuité, crasse, insalubrité, – le mellah , le quartier juif des villes musulmanes, offre un tableau effarant, qui à son tour alimente soit la compassion, soit, beaucoup plus souvent, le mépris. La sociologie contemporaine a souvent mis le phénomène en lumière: ce sont les populations les plus menacées (économiquement) qui deviennent le plus facilement racistes. Les terres de l’islam ne font pas exception. 

La nouveauté du livre de Bensoussan est que son information est puisée à la fois dans les archives de l’Alliance israélite universelle créée en 1860 – qui, par le biais de subventions et surtout de création d’écoles et d’interventions juridiques, va, partout où c’est possible porter secours aux Juifs de tout le Maghreb et du Moyen-Orient – dans les archives diplomatiques françaises et les archives sionistes à Jérusalem. Cette triple source lui permet de mettre en lumière aussi bien les aspects de la vie quotidienne, les enjeux politiques que les enjeux militaires de cette douloureuse histoire. 

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