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137 Tunisiens expulsés manu militari d’un squat parisien par les forces de l’ordre

 

          137 Tunisiens expulsés manu militari d'un squat parisien par les forces de l'ordre

 

Plus d'une centaine de migrants tunisiens, qui ont pour la plupart transité par l'Italie, ont été expulsés mercredi d'un immeuble insalubre appartenant à la Ville de Paris. Placés aussitôt en garde-à-vue, ils risquent l'expulsion.

 

Par Sarah LEDUC (texte)

 

Peu après 14 heures ce mercredi, 137 ressortissants tunisiens ont été violemment évacués, d’un immeuble insalubre du 19e arrondissement parisien qu’ils squattaient depuis trois jours.

Plus de 200 CRS, équipés de casques, boucliers et matraques, ont embarqué 137 Tunisiens, ainsi qu’une vingtaine de militants. Plusieurs témoins font état de violences policières gratuites à l’égard des squatteurs.   

 

"Des membres de comités de soutien ainsi que des élus ont fait une chaîne humaine devant le bâtiment. Mais ils ont été bousculés sans ménagement par les forces de l’ordre qui ont défoncé dans la porte avant d’y pénétrer", explique à FRANCE 24 Ariane Calvo, adjointe au maire du 20e arrondissement, présente lors de l’évacuation.

 

"Les 137 Tunisiens ont été sortis les uns après les autres, molestés et certains plaqués au sol sans aucune utilité. Ils étaient morts de peur. Beaucoup sont mineurs, ils seraient montés dans le camion de toute façon", continue l’adjointe Ariane Calvo.

 

Détention pour "dégradation de bien public"

 

Ces Tunisiens ont été immédiatement placés en garde-à-vue dans trois commissariats des 18e, 19e et 20e arrondissement. Sept seulement ont été relâchés. Les 130 autres ont été maintenus en détention après avoir eu droit à la visite d'un avocat ainsi qu’à une visite médicale.

 

D’après plusieurs sources, le parquet s’est emparé du dossier. Les migrants, en situation irrégulière, sont poursuivis pour "dégradation de bien public en réunion".

 

À 19 heures, mercredi soir, nul n'était en mesure d'en dire plus sur le sort qui allait leur être réservé. Mais vu la détermination du gouvernement dans sa volonté de contenir les flux migratoires en provenance de Lampedusa, les associations comme les élus de gauche mobilisés par cette évacuation craignaient un renvoi pour tous ses détenus en centre de rétention administrative (CRA) suivi d’une expulsion.

 

"Nous demandons que le gouvernement respecte l’accord de coopération signé entre la France et la Tunisie en 2008 prévoyant l'accueil de 9 000 tunisiens souhaitant travailler en France. Et nous réclamons la mise en place d'un plan adapté pour aider ceux qui souhaitent rentrer en Tunisie", déclare à FRANCE 24 Pascale Boistard, adjointe au maire de Paris chargée de l’intégration et des étrangers non communautaires.

Hébergement précaire d’urgence 

 

Les jeunes migrants dormaient depuis plusieurs jours, voire plusieurs semaines, dans des jardins parisiens, notamment au Parc de la Villette ou  le Parc de Belleville. Survivant dans la plus grande précarité et dans des conditions d'hygiène minimales, les migrants recherchaient  un toit à tout prix. 

 

"J’ai visité le Parc de la Villette mardi matin avec Eva Joly et c’était vraiment indécent. Une épidémie de gale était en train de se propager. Un autre avait une leucémie. C’était vraiment non assistance à personne en danger", raconte Julien Bayou, membre du collectif Jeudi noir.

 

Ils ont donc investi l’immeuble, situé au 51 avenue Simon Bolivar, dans la nuit de dimanche à lundi. Selon la police, entre 80 et 100 Tunisiens ont occupé le bâtiment de l'avenue Bolivar, tandis que certains occupants évoquent un chiffre de 200, dont plusieurs mineurs.              

 

"Ils étaient harcelés sans cesse par la police, dormaient à la belle étoile depuis des nuits et des nuits. Ils voulaient juste avoir un toit", raconte Oumeya Sedik, membre de la Fédération des Tunisiens des deux rives (FTRD), à leur côté depuis dimanche soir.

 

Mauvais choix cependant. Le bâtiment, à l’abandon depuis plusieurs années, est dangereux. Les risques d’incendie et d’écroulement avaient fini de convaincre le collectif Jeudi noir de quitter les lieux qu’ils avaient investis à la mi-avril.

 

Echec des négociations

 

Estimant le lieu "dangereux et nullement conçu pour servir d’hébergement", selon un communiqué, la Ville de Paris a fait la demande d’évacuation après 48 heures de négociations qui se sont soldées sur un échec.

"La situation s’est vraiment tendue après avoir échoué dans les négociations. Face à une telle situation, nous avons pris nos responsabilités et demandé une évacuation. Mais on le regrette", explique à FRANCE 24 Pascale Boistard.

Dans la journée de mardi, des élus et représentants de la ville avaient tenté de convaincre les Tunisiens de quitter l’immeuble pour rejoindre des hébergements financés pas la Ville : 100 places avaient été mises à disposition immédiate dans trois centres d’hébergement, avec une promesse de 50 places supplémentaires.

 

Une proposition insuffisante par rapport au nombre de demandeurs, toujours plus nombreux. Craignant d’être séparés, arrêtés ou pris dans un guet-apens lors du transfert, les Tunisiens ont refusé de quitter l’avenue Bolivar. 

 

"Les migrants se sont retrouvés dans une situation impossible à devoir choisir qui allait rester et qui allait partir, explique Oumaya Sedik. Il n’était pas question que certains soient logés et d’autre jetés à la rue. En plus, ils n’ont pas risqué leur vie pour arriver là et mendier un logement pour SDF", s’insurge Oumeya Sedik qui souligne que certains avaient un titre de séjour émis en Italie.

 

"Il ne suffit pas d’avoir une autorisation de séjour pour venir en France", avait prévenu Claude Guéant, lors de sa rencontre avec son homologue italien, le 8 avril dernier à Milan. D’après plusieurs sources, le ministre de l’Intérieur se trouvait dans le commissariat du 19e arrondissement ce mercredi, l'après-midi même où les forces de police ont procédé à cette évacuation musclée. 

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