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Actualité Juive condamné pour diffamation dans l’affaire al-Dura

 

Actualité Juive condamné pour diffamation dans l'affaire al-Dura

« Les blessures de Jamal […] existaient déjà en 1993 sans la moindre ambiguïté possible. »

 

(De nos archives) C'est un procès à double étage : énième rebondissement de l'affaire al-Dura et apogée d'une détestation entre frères jumeaux.

L'un, Guillaume Weill-Raynal, est un ami proche de Charles Enderlin, le journaliste de France 2 qui a commenté les images de la mort de Mohammed, 12 ans, dans un échange de tirs entre Israéliens et Palestiniens, le 30 septembre 2000.

Son sujet, diffusé au journal de 20 heures, a fait le tour du monde et lui vaut d'être mis à l'écart de la communauté juive française. (Voir le reportage du 30 septembre 2000)


 

L'autre, Clément Weill-Raynal, chroniqueur judiciaire et rédacteur en chef adjoint à France 3, défend avec énergie la thèse de la manipulation des images, voire de leur mise en scène. Il pense que les rushs tournés ce jour-là par le vidéaste Abu Rahma, au carrefour de Netzarim (Gaza), sont plus que louches. Et conforte la thèse du scénario en écrivant dans le journal Actualité Juive, sous le pseudonyme de Daniel Vavinsky.

Le premier, Guillaume, a participé à l'organisation du procès dans lequel comparaissait le deuxième, Clément, mardi, à la 17e chambre du tribunal de grande instance de Paris.

Clément Weill-Raynal : « 36 secondes, c'est long »

En tant que chroniqueur judiciaire, Clément Weill-Raynal connaît par cœur « la 17e » (« C'est mon bureau »). Cette fois, c'est lui l'accusé. Mal à l'aise, il tapote son front avec un mouchoir en papier.

Il est jugé pour complicité de diffamation à l'égard de Jamal al-Dura, le père de Mohammed. Est-il allé trop loin dans sa démonstration ? Il est accusé d'avoir réalisé, dans Actualité Juive, en septembre 2008, une interview comportant des propos diffamatoires.

Dans cet article, il donne la parole au médecin israélien, Yehouda David, qui affirme que les blessures sur le corps du père sont antérieures à la fusillade de Netzarim. Elles dateraient d'une rixe à la hache en 1992 et d'une opération pratiquée par lui deux ans plus tard. Le titre du papier, que Clément assure ne pas avoir choisi, est : « Les blessures de Jamal al-Dura existaient déjà en 1993 sans la moindre ambiguïté possible. »

On comprend pourtant, lors de l'audience, que l'altercation et cette opération pourraient au mieux expliquer quelques cicatrices, notamment au pied et à la main. Mais en aucun cas, celle au niveau du bassin (ne résultant pas d'un élément tranchant).

« On devine un impact de balle »

Deux heures avant le procès, nous avons rencontré Clément Weill-Raynal, chez lui. Pas encore rasé, pas encore en costume, pas encore stressé. Le journaliste assure ne pas avoir beaucoup de temps. Il veut bien nous « garder » une demi-heure, « parce que vous êtes une consœur ».

Finalement, il veut tout nous raconter pour nous convaincre. Il fait des allers-retours entre le salon et son ordinateur et nous propose de visionner avec lui les fameux rushs de France 2.

Clément Weill-Raynal les commente, les repasse, les compare avec d'autres images au ralenti. « Vous voyez là, on devine un impact de balle préexistant. On le devine, vous voyez ? Là. »

Il pointe comme cela « huit à dix éléments objectifs » qui, selon lui, discréditent les images : « Moi, si vous voulez, j'ai l'impression que France Télévision s'est fait enfler. » Concentré sur des détails, le chroniqueur judiciaire ne voit plus l'enfant crier :

« Regardez ici, j'ai compté, il y a 36 secondes pendant lesquelles il n'y a aucun coup de feu (il compte sur ses doigts). 36 secondes, c'est long. Pourquoi Jamal et Mohammed n'ont pas décidé d'en profiter pour s'échapper ? Je ne comprends pas. Ce n'est pas logique. »

 

« Je sais que mon frère est derrière tout ça »

Plus tard, à l'audience, l'avocate de Jamal al-Dura, Orly Rezlan, réagira sur ce point : « Sérieusement, comment auraient-ils pu savoir qu'ils avaient 36 secondes devant eux ? »

Dans sa plaidoirie, l'avocate ne cache pas son écœurement. Elle accuse Clément Weill-Raynal et « ces gens » de distiller le poison pour que personne ne puisse regarder ces images sans douter : « Ils ne débattent pas, ils affirment. »

Puis, elle poursuit :

« Vous ne supportez pas ces images et vous cherchez à les combattre, avec une multitude de petites questions additionnées. […] Pensez-vous vraiment que personne n'aurait retrouvé l'enfant s'il était vivant ? »

 

L'avocate n'a aucun allié sur les bancs. Et son client, Jamal al-Dura, n'est pas en France : « Je ne voulais pas leur faire le plaisir de le faire venir et il risquait sa sécurité. » En réalité, si Jamal a impulsé le procès ou en a plus accepté l'idée, il n'a pas pu l'organiser de Gaza.

Charles Enderlin et Guillaume Weill-Raynal se sont activés. A la fin de notre entretien chez lui, Clément Weill-Raynal, qui pense que son frère a « des problèmes psychologiques », s'énerve :

« Je sais très bien que mon frère est derrière tout ça. Charles Enderlin ne connaissait pas Orly Rezlan. Jamal a accepté d'attaquer, mais il n'en a pas eu l'idée tout seul. Vous avez déjà vu ça, vous, un jumeau qui traîne son frère au tribunal ? »

 

« C'est une maladie psychiatrique de la communauté juive »

Le jumeau de Clément, ancien avocat, n'est pas venu au procès. Il n'avait pas envie de croiser le regard de son frère avec lequel il est brouillé depuis 1999. Ni celui d'Aude Weill-Raynal, sa sœur aînée et avocate qui défend le directeur de la publication d'Actualité Juive.

Il ne supporte plus depuis longtemps leurs prises de position, même si « Aude a glissé vers la droite plus lentement. Elle a revoté pour Mitterrand en 1988, avant de se tourner vers Philippe de Villiers ».

Mais Guillaume Weill-Raynal – un peu plus épais que son frère – a accepté de nous rencontrer dans un café près de la rue Vavin, fief familial (d'où le pseudo Vavinsky), la veille du procès. Il ne confirme pas être à l'origine de la procédure mais explique avoir aidé Orly Rezlan, « juive intello de gauche dans le bon sens du terme », à monter son dossier :

« Nous avons fait une boîte à idées pour réfléchir à la bonne défense. »

 

A ce stade, deux options possibles : soit Guillaume Weill-Raynal veut réduire en miettes la thèse de la manipulation, soit il veut réduire en miettes son frère. En fait, c'est les deux.

« Clément a vrillé un soir de shabbat »

Guillaume s'attarde d'abord sur leurs désaccords politiques et la rupture idéologique. La famille Weill-Raynal est historiquement de gauche (grands-parents ami de Léon Blum et SFIO, père PSU dans les années 60) :

« A 20 ans, mon frère et moi étions dans un trip de gauche, dans ce qu'on appelle le “camp de la paix”. Nous allions en vacances au kibboutz. »

 

Puis, en 1981, les Israéliens bombardent la centrale d'Osirak, en Irak. Quelques jours après l'installation de son gouvernement, Mitterrand fait un communiqué qui condamne l'action militaire :

« Ce jour-là, en arrivant au dîner de shabbat, Clément a hurlé que les socialistes nous avaient poignardés dans le dos. C'était Munich. »

 

A partir d'ici, leurs chemins se séparent. Guillaume Weill-Raynal, « mauvais juif » de son frère, vit une vie dissolue avant d'épouser « une goy plus Groseille que Le Quesnoy » (en écho au film « La Vie est un long fleuve tranquille »). Il écrit « Une haine imaginaire : contre-enquête sur le nouvel antisémitisme » (Armand Colin, 2005), livre qui déconstruit des discours qu'il juge paranos et aboutit, selon certains, à une réalité édulcorée.

Son frère décide lui de suivre les préceptes de la religion.

Un élément structurant de la communauté juive

Sur l'affaire al-Dura, Guillaume Weill-Raynal n'a aucun doute :

« C'est une maladie psychiatrique qui s'est emparée de la communauté, qui fait que même un mec qui a un bac +11 va voir à la place du sang de Mohammed un chiffon rouge, alors qu'il n'y en a pas. Etre contre ce reportage, c'est quasiment aussi fort que respecter shabbat. C'est un élément structurant de la communauté juive. »

 

Richard Prasquier, président du Crif et proche des opinions de Clément Weill-Raynal, cité comme témoin, a d'ailleurs déclaré : « Depuis qu'Israël existe, rien n'a généré autant de conséquences. »

Guillaume Weill-Raynal pense que si son frère a décidé d'épouser la thèse de la mise en scène, c'est parce qu'il est « devenu un bon petit soldat de la communauté ou qu'il a voulu m'embêter parce que je suis pote avec Enderlin ». Au-delà des désaccords politiques, le conflit gémellaire affleure à tous moments.

« Il m'a poussé dans le camp des alters »

L'ancien avocat raconte avec émotion qu'ils dormaient dans le même lit, enfants. Leurs rapports se sont corsés à l'adolescence. En période d'examens, tous deux en droit, quand l'un allait aux toilettes, l'autre allait regarder où en étaient ses fiches :

« Chez les jumeaux, la construction des terrains de chacun se fait à retardement et dans la douleur. »

 

Lequel s'est construit à l'opposé de l'autre ? « Je considère que c'est lui qui m'a poussé dans le camp des alters juifs et que je m'y suis trouvé bien. »

Clément Weill-Raynal semble lui beaucoup moins dans l'introspection concernant son jumeau : « Guillaume est derrière tout ça pour des conflits anciens qui m'échappent. »

Le jugement a été mis en délibéré au 29 mars. Pour l'affaire al-Dura contre Clément Weill-Raynal.

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