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Antisémitisme en France : il est très tard, peut-être trop tard

Faute de combattre l’antisémitisme là où il se trouve, l’antisémitisme s’étend

Antisémitisme en France : il est très tard, peut-être trop tard(info # 013101/16)[Analyse]

Par Guy Millière ©MetulaNewsAgency

 

Qui peut l’ignorer ? Un débat a récemment eu lieu en France concernant le port de la kippa. Ce débat venait après l’agression d’un enseignant juif à Marseille par un adolescent musulman passé au djihad. Zvi Ammar, président du consistoire israélite de Marseille, a recommandé aux Juifs français de s’abstenir de porter la kippa, par prudence. De vives critiques se sont élevées à son encontre. Joël Mergui, président du consistoire central, tout en disant comprendre la volonté de prudence de Zvi Ammar, a ajouté que le non port de la kippa ne résoudrait pas la question du terrorisme. Meyer Habib et Claude Goasguen, portant la kippa dans le hall de l’Assemblée Nationale, ont appelé à ne pas reculer. Roger Cukierman et Haïm Korsia sont allés dans le même sens. Divers dirigeants politiques français non juifs ont eux aussi appelé les Juifs à « ne pas renoncer ».

 

Je comprends la recommandation de Zvi Ammar. Je suis toutefois en plein accord avec Joël Mergui, Meyer Habib, Claude Goasguen, Roger Cukierman et Haïm Korsia. Je comprends aussi les dirigeants politiques français non juifs qui ont appelé les Juifs à « ne pas renoncer ».

 

Je pense, cela dit, qu’il est très tard, peut-être trop tard.

 

Le nombre des agressions antisémites en France s’est considérablement accru ces dernières années, et il risque fort de continuer à augmenter.

 

Les raisons à cela sont claires.

 

La première de ces raisons est que le combat contre l’antisémitisme en France a été fort peu et fort mal mené ces dernières années. Les organisations antiracistes déclarées comme telles combattent volontiers l’antisémitisme quand il vient de l’extrême droite. Elles sont beaucoup plus mal à l’aise quand il provient de la communauté musulmane et quand il participe ainsi de l’antisémitisme islamique.

 

Le problème réside en cela que l’essentiel de l’antisémitisme en France aujourd’hui n’est pas un antisémitisme d’extrême droite, mais précisément un antisémitisme islamique : ni Mohamed Merah, ni Medhi Nemmouche, ni Amedy Coulibaly, ni le jeune musulman de Marseille qui a agressé le professeur ne relèvent en quoi que ce soit de l’extrême droite. Lorsqu’on veut mener un combat efficace, je l’ai déjà écrit, et je dois l’écrire encore, il faut viser juste : viser à côté de la cible conduit immanquablement à rater celle-ci. Le combat mené contre l’antisémitisme en France aujourd’hui vise, quasiment sans cesse, à côté de la cible.

 

La deuxième raison est qu’il existe, bien plus largement, une peur de regarder en face l’islam tel qu’il est aujourd’hui. Il en résulte concrètement que des ouvrages antisémites circulent dans les librairies islamiques de France, à l’instar de nombre de pays musulmans où l’antisémitisme est omniprésent et légal. La principale organisation musulmane en France est une branche des Frères Musulmans, organisation antisémite guidée par les écrits d’hommes vecteurs d’un antisémitisme virulent, tels Sayyid Qutb. L’un des principaux prêcheurs de l’organisation, Youssouf al Qaradawi, est non seulement un antisémite virulent, mais également un admirateur avéré d’Adolf Hitler. La peur fait que ces données, pourtant élémentaires et flagrantes, ne sont jamais rappelées à la population, ou bien de manière fragmentaire et très édulcorée. La peur crée un effet d’aveuglement, voire de complaisance.

 

La troisième raison est que des organisations qui cachent leur antisémitisme derrière un discours « antisioniste » répandent sans cesse leur venin et leurs mensonges, et, qu’en parallèle, les reportages et les nouvelles diffusés dans la quasi-totalité des media sont résolument biaisés et ressemblent souvent à des appels à la haine à l’encontre d’Israël. Dès lors que le public exposé à ce genre de reportages et de nouvelles n’ignore pas qu’Israël est le pays juif, il n’y a rien d’étonnant à ce qu’en résulte une animosité antijuive qui ne cesse de croître. La haine aux dépens d’Israël s’est ainsi ancrée dans les esprits.

 

La quatrième raison est qu’il existe en France, comme en divers autres lieux d’Europe, un antisémitisme subconscient qui vient de deux millénaires d’antisémitisme omniprésent.

 

Je suis persuadé, en ce contexte, que si, en janvier 2015, il y avait eu uniquement une attaque contre un supermarché casher, il n’y aurait pas eu de manifestation du 11 janvier, car l’agression n’aurait touché que des Juifs. Je suis convaincu que le fait que l’ambassadeur de France aux Etats Unis ait, au lendemain des attentats du 13 novembre dernier, utilisé des mots qui ressemblaient à ceux de Raymond Barre après l’attentat de la rue Copernic en 1980, et fait une distinction entre un attentat visant des Juifs et un attentat touchant des Français innocents n’est pas un hasard, mais la traduction d’un sentiment malsain et latent, très répandu en France, et que je vois trop souvent suinter à la surface des discours.

 

Je pense, malheureusement, qu’il est très tard, peut-être trop tard.

 

Des tendances lourdes, très lourdes, sont à l’œuvre.

 

Je ne m’attends pas à ce que le combat contre l’antisémitisme en France, comme ailleurs en Europe, se mette à viser ce qui devrait être sa cible. Des associations de lutte contre l’ « islamophobie » pousseraient aussitôt de hauts cris, et seraient très vraisemblablement entendues : il y a au moins dix fois plus de musulmans que de Juifs en France, et cela rend certains cris plus audibles que d’autres.

 

Je ne m’attends pas non plus à ce que des tentatives de regarder l’islam en face, tel qu’il est aujourd’hui (et ce qui en résulte concrètement) et à ce que la peur, l’aveuglement, la complaisance, se dissipent. Ce, pour la même raison qu’il y a au moins dix fois plus de musulmans que de Juifs en France. Le poids de l’islam et de ses versions radicales s’accentue dans la société et ce phénomène va vraisemblablement se poursuivre et s’accentuer. Les livres portant un regard critique, ou simplement lucide, sur l’islam sont en voie de disparition.

 

Je m’attends à ce que le venin et les mensonges répandus par les organisations qui cachent leur antisémitisme derrière l’ « antisionisme » se répandent davantage encore, et à ce que les reportages et les nouvelles biaisés, ressemblant à des appels à la haine d’Israël, se multiplient, toujours plus haineux. Le nombre de militants d’organisations « antisionistes » persuadés de défendre une juste cause semble s’accroitre, et ces militants ne discernent même plus qu’ils répandent du venin et des contre-vérités. Le nombre de journalistes auteurs de reportages et de nouvelles biaisés s’accroît également, et les journalistes en question n’ont pas conscience de diffuser des informations bidouillées. La haine aux dépens d’Israël va continuer à se répandre dans les esprits, de même que l’animosité antijuive qui en résulte.

 

L’antisémitisme subconscient s’appuie sur deux millénaires d’antisémitisme et ne s’effacera pas si facilement, d’autant plus qu’il est subconscient.

 

Les propos de Raymond Barre en 1980 avaient choqué. Les propos de l’ambassadeur de France aux Etats Unis, en 2015, n’ont choqué que des Juifs.

 

Manuel Valls a dit plusieurs fois, ces derniers mois, que sans les Juifs, la France ne serait plus la France, or je crains fort que, très bientôt, la France ne soit plus la France.

 

Il m’arrive de douter que la France soit encore la France. J’aimerais croire à un sursaut mais j’ai passé l’âge de croire aux contes de fées. 

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