Bernard Baruch Steinitz, le "Prince des antiquaires"
Par Mélina Gazsi
Il était surnommé "l'Hercule Poirot" des antiquités. On l'appelait aussi "le Prince des antiquaires". Bernard Baruch Steinitz est mort le 17 octobre 2012 à l'âge de 79 ans. Il honorait l'une et l'autre de ces expressions et il s'en amusait tout autant qu'il en était fier. Sa carrière, débutée en autodidacte au début des années cinquante, fut toute entière vouée à une seule et dévorante passion : dénicher meubles et objets rares, et satisfaire des clients à la recherche de pièces souvent exceptionnelles, là où ses confrères criaient à l'impossible.
Sa galerie, dans un hôtel particulier XIXe siècle, au cœur du 8e arrondissement deParis, est telle qu'il l'a créée il y a quarante ans. Quatre étages de luxe et de beauté garnis de meubles et d'objets anciens de toutes les époques, avec une prédilection pour l'art français des XVIIe et XVIIIe siècles. Ils accueillent encore aujourd'hui une clientèle internationale de haut vol composée également des musées les plus prestigieux.
Il avait laissé les destinées de cette galerie il y a vingt ans à l'un de ses fils, Benjamin. Mais il veillait toujours et "grondait" parfois ce fils impétueux à qui il avait pourtant transmis sa gourmandise et sa crainte de voir une pièce de choix lui échapper.
LA FRANCE EN FOURGONNETTE
Bernard Steinitz voit le jour à Dijon, en 1933, premier enfant né en France d'unefamille juive émigrée d'un pays tantôt appelé la Pologne tantôt la Russie. Sa vie débute avec les horreurs de la Seconde Guerre Mondiale. Sa mère et sa sœur feront partie du convoi N° 6 en 1942, destination Auschwitz. Elles n'en reviennent pas. Réfugiés dans la campagne bordelaise, son père, son frère et lui-même sont sauvés. C'est dans cette région, que Bernard Steinitz commence sa carrière.
Avec femme et enfants, et sans le sou, il sillonne la France à bord d'une fourgonnette, à la recherche de quelques "vieilleries " qui, au lendemain de la guerre, n'intéressent personne mais qui vont constituer, dans les années 60, le stock de la première boutique Steinitz. Le jeune antiquaire se rapproche alors de la capitale qu'il convoite déjà mais où il n'a pas les moyens financiers d'ouvrir un commerce. Ce sera donc à Pantin, dans un ancien bar-tabac, non loin du marché aux Puces de Saint-Ouen, où il allait chiner dès l'aube, qu'il se lance.
Plusieurs années plus tard il y installe ses ateliers de restauration dans les anciennes usines Wonder. C'est d'ailleurs là, dans ces 25 000 mètres carrés remplis de sculptures, lustres, fauteuils, tables, boiseries et cabinets du XVIIe siècle, que bat toujours le cœur de l'institution Steinitz. Si Bernard Steinitz avait l'œil infaillible et le sens du commerce, il avait aussi le goût de l'art et des belles demeures pour lui-même et sa famille. Il adorait rénover les maisons, les restaureret les meubler richement, avec des pièces de premier plan.
Ces vieilles pierres lui ont pourtant joué un mauvais tour. Il y a dix ans, il a chuté de cinq mètres lors de l'écroulement du plancher de la chapelle de son château, " La Verberie ", dans l'Oise. Une chute dont il ne s'est jamais remis.
Commentaires
Publier un nouveau commentaire