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"Bienvenue chez les Juifs" : un film contre les clichés antisémites

"Bienvenue chez les Juifs" : un film contre les clichés antisémites

 

 

Yvan Attal termine le tournage de son nouveau film, une comédie à sketches avec Dany Boon et Benoît Poelvoorde visant à dynamiter les clichés antisémites.

Il a pris le parti d'en rire. De l'antisémitisme et du reste… Yvan Attal est sur le point de terminer le tournage de son nouveau film, qui s'est déroulé sans accrocs selon le planning prévu. Seul problème, il n'a toujours pas trouvé le bon titre. Il l'aurait bien appelé "Heureux en France". Son producteur, Thomas Langmann, préfère "#The Jews", plus accrocheur pour le marché international. Heureusement, de nouvelles pistes sont explorées. "J'hésite entre "L'Empire contre Attal", "Goys Don't Cry" ou "Judaïc Park", expliquait le réalisateur et comédien à Dany Boon à l'heure du dîner, avant une nuit de tournage au cœur d'une cité de Bagnolet, en région parisienne. "Sinon tu peux essayer 'Bienvenue chez les Juifs'…", tentait le comédien chti. L'humour, l'autodérision, l'absurde sont justement les armes utilisées par Yvan Attal pour s'attaquer à un sujet complexe s'il en est, l'antisémitisme.

Politiquement incorrect

Une demi-heure plus tard, on retrouve l'équipe de tournage, une quarantaine de personnes, dans un petit F3 avec une vue imprenable sur Paris. Dany Boon arrive en dernier, un peu essoufflé. Il a grimpé les 19 étages à pied, claustrophobie oblige, prêt à jouer sa scène. Entre deux prises, Yvan Attal revient sur la genèse du film. "J'avais ce projet depuis longtemps, mais il s'est imposé comme une urgence ces deux dernières années." Il parle même d'une "obsession" nourrie par la litanie d'une actualité lourde : le drame d'Ilan Halimi, l'affaire Dieudonné et la libération de la parole antisémite, la tuerie de Merah, la négation de la Shoah et sa portée universelle, le poison de la concurrence victimaire… Alors il a pris son stylo pour signer ce film à sketches assez culotté et politiquement incorrect, coécrit avec la romancière Émilie Frèche.

Talmudistes et métaphysique

Il le sait, le terrain est glissant, propice à toutes les récupérations, mauvaises interprétations et critiques malveillantes. "Un Juif qui réalise un film contre l'antisémitisme, je me suis dit : "Il va s'en prendre plein la gueule." Du coup, j'ai foncé", nous racontait unBenoît Poelvoorde en pleine forme, quelques semaines plus tôt dans un palace parisien où il tournait alors un bal en costumes organisé par des néonazis autrichiens… Le film fut d'ailleurs compliqué à monter : "Les chaînes hertziennes ont refusé de s'engager financièrement. Elles ont trouvé le sujet trop risqué, c'est dommage. En même temps, c'est bon signe, ça veut dire que le projet est original", souligne Thomas Langmann. Du coup, l'ensemble des comédiens a accepté d'être payé au tarif syndical pour porter cette succession de cinq sketches bien sentis et finement écrits, axés chacun autour des pires poncifs antisémites : "Les Juifs sont partout", "Les Juifs et l'argent", "Les Juifs s'entraident", "Ils ont tué Jésus"…

Autant le dire, on rit de bon cœur à la lecture du scénario, même si l'émotion n'est jamais très loin, notamment dans le sketch Ras le bol de la Shoah, totalement délirant et finalement bouleversant (avec François Damiens). Benoît Poelvoorde incarne le mari de la chef d'un parti d'extrême droite (Valérie Bonneton) en goguette dans le fameux bal de nostalgiques du IIIe Reich. Dans un autre sketch, digne d'un Monty Python, le Mossad invente la machine à remonter le temps pour envoyer son meilleur agent (Gilles Lellouche) régler son compte à Jésus, et ainsi épargner aux Juifs deux mille ans d'antisémitisme chrétien pour déicide. On croise également deux talmudistes (Denis Podalydès et Grégory Gadebois) en pleine discussion métaphysique.

Entre deux sketch, on retrouve Yvan Attal chez son psy, analysant avec autodérision son obsession antisémite, se demandant s'il est vraiment parano et rappelant des faits précis sans langue de bois :Charlie Hebdo et l'Hyper Cacher, l'excuse sociale à l'antisémitisme des banlieues, l'importation du conflit israélien…

Le sujet suscitera sans doute des débats, même s'il évite bien des écueils. "Je ne voulais stigmatiser personne, ni tomber dans les travers du film communautaire. Je veux dire combien j'aime la France et combien je suis triste de voir des Français de confession juive avoir peur dans leur pays, au point de le quitter pour certains. Au-delà de l'antisémitisme, la question est celle de tous les replis communautaires." Sortie prévue courant 2016. D'ici là, le film aura enfin trouvé son titre. 

Eric Mandel - Le Journal du Dimanche

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