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Ci-gît Le Petit Matin

 

 

Ci-gît Le Petit Matin

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Un chantier pas comme les autres suit son cours, rue Ali Bach Hamba. En effet, un immeuble des plus anciens vient d’être démoli dans la perspective d’une nouvelle construction. Beaucoup de liens m’attachent à ce vieil immeuble qui, longtemps, fut le siège du Petit Matin, un journal quotidien paru jusqu’en 1967.

La rotative du Petit Matin

Tout en haut de l’immeuble trônaient jusqu’à ces derniers jours , les lettres massives « PM » pour les nom du journal fondé en 1923 par Simon Zana.

Ce qui me lie encore à cet immeuble, c’est d’abord son emplacement rue Saint-Charles, devenue rue Ali Bach Hamba. Cette rue constituait mon chemin des écoliers puis, adulte, j’y ai vécu et travaillé puisque tous les grands quotidiens de Tunis s’y trouvaient: La Presse, Le Temps et bien entendu Le Petit Matin.

Ensuite, par un miraculeux hasard, lors de mes premières années avec le journal Tunis-Hebdo, j’ai pu travailler dans les anciens ateliers du Petit Matin. La rotative de ce journal et son atelier ont en effet été le berceau de Tunis-Hebdo et je me souviens bien de la presse massive, des linotypes, des flans, des maurasses ou des titreuses qui occupaient l’atelier.

Hungaria, Bosphore, Orient, Chantilly et le casse-croûte de Nanou

A un niveau plus personnel, l’immeuble avait accueilli des services de la Banque du sud et, jeunot, je passais y saluer un de mes oncles aujourd’hui décédé. Et pour l’anecdote, l’immeuble du Petit Matin se trouvait à la confluence de quelques unes des tables les plus fameuses de la restauration tunisoise.

En effet, à proximité du Bosphore, de l’Orient et du Carthage, cet immeuble jouxtait le Hungaria et se trouvait non loin du Chantilly et de la désormais oubliée Brasserie Guillaume Tell. N’oublions pas de mentionner l’inoubliable Nanou qui avait son échoppe de casse-croûte dans les parages immédiats.

Un concurrent pour La Dépêche

C’est vous dire si cela me fait un pincement au cœur de voir cet immeuble en ruines, en souffrance de reconstruction. Cela me pousse résolument à partager cette chronique que je voudrais essentiellement consacrer au Petit Matin qu’encore enfant, il m’était arrivé de lire…

Au tournant du vingtième siècle, et durant l’entre-deux-guerres, le journal qui dominait la place de Tunis avait pour titre La Dépêche tunisienne. Créé en 1899, ce journal était en quelque sorte l’organe officieux de la Résidence.

En 1923, en créant Le Petit Matin, Simon Zana allait briser ce monopole et rapidement réussir à hisser la nouvelle publication vers les sommets. Avec Pierre Laffite pour rédacteur en chef, Le Petit Matin allait grignoter des parts de marché et s’imposer rapidement.

Le rapide essor du Petit Matin

Sept ans après sa fondation, le journal quittera ses premiers locaux de la rue de Bretagne (actuelle rue du 18 janvier) pour s’installer dans l’hôtel particulier qui vient d’être démoli cette semaine. En novembre 1930, la rotative Duplex-Tubular de 30 tonnes sera installée dans la cave de l’immeuble puis inaugurée le 5 février 1931.

Juif tunisien, Simon Zana avait fait fortune dans le commerce du blé. Il avait lancé son journal avec aussi pour objectif de rallier les lecteurs locaux. D’ailleurs, du 6 février au 9 avril 1931, il lancera une édition en arabe du Petit Matin sous le titre « Al Fajr ».

Avec ses deux pages, cette édition allait rapidement disparaitre à cause d’un complexe jeu d’influences entre les principaux journaux arabophones (« Ennahdha » et « Azzohra »), le résident français et Simon Zana.

Quarante-quatre ans au service de la presse tunisienne

Contre vents et marées, Le Petit Matin poursuivra sa carrière jusqu’en 1967. Epousant la cause des nationalistes, Zana saura négocier sa présence sur la place médiatique tunisienne mais mettra la clé sous la porte une dizaine d’années après l’indépendance.

Demeurent les collections du Petit Matin qui, pendant 44 ans, aura suivi de près l’actualité en Tunisie…

H.B.

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Bonjour, Simon ZANA est mon arrière-grand-père, mon seul regret, ne pas avoir véritablement trace de son passage sur terre et de son travail, juste quelques brides ici et là... Mon grand-père, que je n'ai d'ailleurs malheureusement pas connu aussi, y travaillé aussi durant un temps.

Bonjour, Simon zana était également mon arrière-grand-père. Quel regret que l'immeuble ait été détruit...
Marjorie zana

C'est curieux, bien qu'ayant épousé la cause nationaliste, M.Zana a été obligé, 10 ans après l’indépendance, de mettre la clé sous la porte.

mon pere a commence sa profesion de typographe chez Zana, au Petit Matin.
c'est un journal que j'ai lu, jusqu'a mon dernier jour en Tunisie, en 1953.
Dommage que les autorites tunisiennes n'attachent pas d'importance au patrimoine tunisien.

Merci à Hatem Bourial pour cet article très intéressant.

Où serait il possible de trouver la collection du PETIT MATIN ?

Merci d'avance
Renato Bensasson

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