Share |

Comment croire en Dieu après la Shoah

MAIMONIDE

 

Comment croire en Dieu après la Shoah
par Daniel Horowitz

 

 

Beaucoup de juifs ont cessé de croire en Dieu après la Shoah, cependant que d’autres ont fait le chemin inverse. Mais Yeshayahou Leibowitz, philosophe, scientifique, juif orthodoxe, adepte et exégète de Maïmonide, pense que ceux qui quittent comme ceux qui adhèrent à la religion sur base d’évènements terrestres ne saisissent pas l’essence du judaïsme, et se trompent probablement de religion.

 

En transposant Maïmonide en termes modernes, on peut dire que le monde est contingent, qu’il aurait pu ne pas être, ou être différent, ou sans hommes, ou sans vie, ou sans matière, ou encore sans rayonnement. Dieu en revanche est immuable, mais c’est parce qu’il ne fait pas partie du monde, n’étant ni éternel ni mortel puisqu’il se situe en dehors du temps.

Beaucoup de juifs croient avec ferveur à un Dieu anthropomorphique qui récompenserait les justes et punirait les méchants. Il y a là un paradoxe parce que bien que Maïmonide constitue la référence majeure du judaïsme, beaucoup de croyants ne sont pas vraiment imprégnés de sa théologie.

Le philosophe Hans Jonas a écrit un opuscule intitulé « Le Concept de Dieu après Auschwitz », où il exprimait le besoin de repenser Dieu après la Shoah. Il y explique que face au mal absolu que représente Auschwitz, il y a lieu de repenser le rapport à Dieu parce que la réalité des camps d’extermination nazis s’accommode mal d’un Dieu attentif à ce qui déroule au monde.

Hans Jonas constate qu’il n’y eut pas d’intervention divine lors de la Shoah, mais l’attribue à la Contraction (Tsimtsoum, dans le langage de la Kabbale) de Dieu et non pas à son absence dans l’absolu. Confronté à cette Contraction, le monde fonctionnerait donc selon des lois de la Nature uniquement. C’est d’une certaine manière la conception de Spinoza, tout comme celle de Lucrèce bien avant lui. Sauf que Spinoza ne voit là rien de temporaire et y trouve la base de sa dénonciation du monothéisme.

Le judaïsme de Hans Jonas n’est pas conforme à Maïmonide, et lui est même contraire, bien qu’il soit cité à plusieurs reprises dans son ouvrage. Hans Jonas avance que le concept traditionnel de Dieu veut qu’il soit le Seigneur de l’Histoire, et qu'il porte le souci de ses créatures, ce qui d’après lui relèverait des principes de la foi juive. Il propose donc de réfléchir à l’idée de Dieu qu’il convient de se faire après la Shoah, ou il s’avère qu’il n’a mis en œuvre ni sa bonté ni porté le souci de ses créatures. Mais c’est antithétique de la pensée de Maïmonide, qui pense que Dieu ne s’est jamais manifesté nulle part depuis que le monde est monde. Ce géant de la pensée du 12e siècle n’a donc pas attendu la Shoah pour dire que Dieu n’intervenait ni dans l’Histoire ni dans la Nature. La Kabbale à laquelle se réfère Hans Jonas est aux antipodes de la pensée de Maïmonide. Du point de vue de Leibowitz c’est une forme d’idolâtrie, c’est-à-dire une pratique contre laquelle, justement, le judaïsme a été conçu dès le départ.

Mais si comme le dit Maïmonide, Dieu ne fait pas partie du monde, si on ne peut pas parler de lui, ni lui parler, s’il n’influe en rien sur la Nature ni sur l’Histoire, on peut se demander à quoi cela peut-il bien servir de le servir. Et quand bien même cela servirait-il à quelque chose, par quel moyen peut-on déterminer si les Commandements tels que prescrits par le judaïsme correspondent bien au service de Dieu.

La réponse juive à cette question est que certains hommes arrivent à prendre de la distance par rapport à eux-mêmes à un degré tel, que tout ce qu’ils expriment relève de la vérité absolue, c’est-à-dire de ce qui ne dépend pas des sens mais de l’intellect. Ces hommes exceptionnels sont ceux que l’on appelle improprement les « prophètes », qui ne sont pas des diseurs d’oracle au sens grec du terme, mais qui ont une perception tellement aiguë de la réalité qu’ils arrivent à anticiper ce qui est susceptible d’arriver.

Ce sont ces prophètes qui ont tracé le long chemin de la tradition juive. Le premier et le plus grand d’entre eux fut Moïse, supposé avoir écrit la Thora. Maimonide explique que Dieu ne s’est jamais réellement adressé à lui, pas plus qu’aux autres prophètes, et que tout ce qui pourrait suggérer une telle communication doit être compris au sens métaphorique. Il en fait dans son ouvrage-clé « Le Guide des Égarés » une exégèse complexe, robuste, méthodique et cohérente, où il intègre la linguistique de manière itérative et approfondie afin de démontrer la nature poétique, allégorique et didactique du Récit Biblique.

L’homme ne doit donc ne jamais s’attendre à des phénomènes qui défieraient les lois de la Nature. Cette manière de voir les choses n’est ni simple ni facile à accepter pour le croyant sincère, mais au moins a-t-elle le mérite de rendre le silence de Dieu plausible. C’est en tout cas le message de Maïmonide, et l’explication du silence de Dieu de tout temps.

Vu sous cet angle, il n’y a ni plus ni moins de raisons de croire en Dieu après la Shoah.

Options d'affichage des commentaires

Sélectionnez la méthode d'affichage des commentaires que vous préférez, puis cliquez sur « Enregistrer les paramètres » pour activer vos changements.

Belle confrontation des différentes pensés philosophiques, ce sujet est une excellente matière à débattre.

.......

C O M M E N T CROIRE EN L 'H O M M E !!!!!!!!!!

APRES TOUS CES GENOCIDES

"religieux"
"politiques"
"ou commerciaux " ...........

Quelle est la formation religieuse de l'auteur de ces lignes?

a mr horowitch

vu de cette angle (et de part mes multiples rencontres avec les rescpes de la shoa et des camps ainsi que ceux qui ont ete cobaye d experience du dr mengele de par mon travail} ces personnes qui ont cesse de croire en D...
ou qui n ont jamais cru ont plutot cru au pere noel de par leur education bien loin de ressembler au judaisme

les explications de maimonide ou d autres philosophes viennent a calmer les esprits de celui qui n est pas juif ou de celui qui est juif sans l etre et comprendre la profondeur de l ame juive et du judaisme
combien en existent ils encore aujourdhui sans la shoa, de part le monde et en israel {ou je vis}
les atrocites de la guerre {du soldat} les seismes et les desastres de la nature n ont JAMAIS change la nature du vrai croyant de celui qui ne vit pas dans des chimeres de statuettes ou de photos de saints acrochees aux murs dans la contemplation de beatitude
le nazisme et leurs collaborateurs ont grave a jamais la face des innocents veillard homme femme enfant bebes et femmes enceintes morts vivants sans armes et depouilles nus devant la pervesite
c est innoubliable
le vrai croyant n a jamais suppose l existence de D... et n a jamais pense qu IL allait descendre du ciel
le face a face a oui existe en la presence de Moise
pourrait on le faire comprendre et l admettre
est ce que la phylosophie de Maimonide ou d autres est un analgesique
ou un calmant?
le judaisme differe de la croyance du GOY et cela releve de l etude de l education et de l appartenance et le meli melo d entres les cultures et les peuples
merci pour votre texte

Publier un nouveau commentaire

CAPTCHA
Cette question permet de s'assurer que vous êtes un utilisateur humain et non un logiciel automatisé de pollupostage.
2 + 18 =
Résolvez cette équation mathématique simple et entrez le résultat. Ex.: pour 1+3, entrez 4.

Contenu Correspondant