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Débat sur la circoncision: pourquoi les juifs et les musulmans s’inquiètent-ils?

Débat sur la circoncision: pourquoi les juifs et les musulmans s’inquiètent-ils?

 

 

"Non à l'interdiction de la circoncision": le titre de la pétition lancée, jeudi 17 octobre, par le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) est sans doute exagéré mais il dénote bien l'exaspération et l'inquiétude d'une partie des communautés juive et musulmane, suite à une résolution de l'assemblée parlementaire du conseil de l'Europe en date du 1er octobre sur "Le droit des enfants à l'intégrité physique".

Que dit cette résolution, -adoptée par 78 et rejetée par 13 des parlementaires présents sur les 318 membres que compte cette assemblée- ? L'assemblée parlementaire s'y dit "préoccupée par les violations de l'intégrité physique des enfants", au rang desquelles elle place "les mutilations génitales féminines, la circoncision de jeunes garçons pour des motifs religieux, les interventions médicales à un âge précoce sur les enfants intersexués, et les piercings, les tatouages ou les opérations de chirurgie plastique pratiqués sur les enfants, parfois sous la contrainte". Cet amalgame a particulièrement choqué les juifs et les musulmans. Mais, si elle demande aux Etats membres de "condamner publiquement les pratiques les plus préjudiciables, comme les mutilations génitales féminines et d'adopter la législation les interdisant", la résolution, qui n'a aucun effet contraignant, n'élargit pas cette injonction à la circoncision.

"Atteinte à l'essence du judaïsme"

Sur ce point,  elle demande une "définition claire des conditions médicales, sanitaires et autres à respecter pour la circoncision médicalement non justifiée des jeunes garçons". Elle recommande en outre aux États "de sensibiliser davantage leurs populations aux risques potentiels que peuvent présenter certaines des pratiques susmentionnées pour la santé physique et mentale des enfants" et "d'adopter des dispositions juridiques spécifiques pour que certaines interventions et pratiques ne soient pas réalisées avant qu’un enfant soit en âge d’être consulté". Les enfants juifs sont généralement circoncis à leur 8ème jour, par un mohel, à leur domicile ou à la synagogue. L'âge est plus variable pour les garçons musulmans et l'acte est généralement pratiqué en milieu médical en France ou, parfois, dans le pays d'origine de la famille. La résolution européenne invite enfin les pays "à instaurer une formation spécifique au personnel médical et éducatif et, sur une base volontaire, aux représentants religieux, portant sur les risques que présentent certaines pratiques et les solutions de substitution à ces dernières".

Pour le CRIF, dont la pétition a été signée par une cinquantaine d'intellectuels, de religieux, de médecins, de responsables politiques, cette résolution constitue bel et bien "une remise en cause inacceptable de la liberté religieuse et porte atteinte à l'essence même du judaïsme. Elle agresse les communautés juives d'Europe déjà exposées à une résurgence sans précédent de l'antisémitisme et est inconcevable pour tous ceux qui ont vécu la shoah". "Toute comparaison de cette tradition avec la pratique barbare et condamnable de la mutilation génitale féminine relève au mieux d’une ignorance profonde et au pire de la diffamation et de la haine antireligieuse », avait de son côté estimé le ministère israélien des affaires étrangères, début octobre.

En France, une pratique "admise"

Côté musulman, le président de l’Observatoire national contre l’islamophobie, Abdallah Zekri, avait également dénoncé une "décision scandaleuse". En France, la circoncision est considérée comme une "pratique religieuse dépourvue de tout fondement légal mais néanmoins “admise” ", selon les termes du Conseil d'Etat, en 2004.

En réponse à ces critiques, Marlene Rupprecht (sociale-démocrate allemande), qui a présenté le texte, a affirmé dans un communiqué que celle-ci ne cherchait "à stigmatiser aucune communauté religieuse ou ses pratiques ". "Au contraire, ajoute-t-elle, l’Assemblée appelle au débat public, y compris à un dialogue interculturel et interreligieux, pour dégager un consensus le plus large possible sur le droit des enfants à la protection contre les violations de leur intégrité physique".

Cette résolution européenne intervient quelques mois après la controverse qui a agité l'Allemagne sur ce sujet en 2012. Après une décision de justice qui avait jugé la circoncision "illégale", l'assimilant à "une blessure", et le tollé international qu'elle avait provoqué le Parlement allemand avait adopté une loi encadrant la circoncision pour des motifs religieux, imposant de "respecter les règles de la médecine et de traiter efficacement la douleur ".  Le gouvernement avait immédiatement rassuré les communautés concernées. "Au nom de ce gouvernement, disons les choses clairement : nous tenons à ce qu’une vie religieuse juive, à ce qu’une vie religieuse musulmane soient possibles en Allemagne", avait déclaré le porte-parole de la chancelière Angela Merkel.

Stéphanie Le Bars

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