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Dans le train de banlieue : Chronique du pays réel

Dans le train de banlieue : Chronique du pays réel

Amaury Grandgil
 

 

 

Plutôt que de disserter savamment et doctement sur l’islamisme et ses conséquences, de l’évoquer sur le ton de la conversation mondaine, feutrée et policée, j’ai eu envie d’en parler de manière plus directe en faisant la chronique du pays réel en 2016. Dans un train de banlieue de Paris-Montparnasse à Versailles-Chantiers sans rien de particulier ni de remarquable en fin d’après-midi…

Une jeune femme voilée avec sa mère qui elle ne l’est pas et un bébé sont accroupies par terre, la poussette en travers du passage sur la plateforme du wagon. La plus jeune tapote constamment son portable tout en parlant entre ses dents à sa mère et à la cantonade. La plus jeune a un visage de madone, pâle et délicat, la mère a des traits fins en contradiction avec leurs attitudes. Elles boivent nerveusement au goulot d’un pack de jus de fruits toutes les dix secondes.

Toutes deux sont très agressives, fébriles au dernier degré. Elles lancent sans cesse piques et railleries, pour la plupart infantiles, sur les « Françaises » autour d’elles. Elles leurs reprochent entre autres de se protéger du soleil avec un chapeau de paille et non avec un voile.

« Ma sœur tu finiras en enfer »

Intelligemment, les injuriées ne réagissent pas mais pâlissent de colère à vue d’œil. Les mains se crispent sur la lanière des sacs à main. Une gamine apparemment « issue de la diversité » se fait sermonner, elle porte un de ces shorts très courts à la mode : « Ma sœur tu finiras en enfer, je ne te juge pas mais Allah ne va pas aimer te voir indécente comme ça. »

C’est la jeune femme voilée transpirant à grosses gouttes sous ses lourds vêtements, sans doute plus décents selon son jugement, qui lui dit cela…

Elles engueulent un voyageur qui râle un peu car obligé de les enjamber, un type en « cycliste » violet et « ticheurte » vert pomme. Il est de suite traité de raciste. Le pauvre ne sait pas quoi répondre, rougit puis s’enfuit presque.

Elles me voient lire le journal dans lequel je me suis abstrait depuis le début du voyage pour les décourager de me provoquer. Bien sûr, il parle de la tuerie de Nice. Elles lancent prenant à témoin le reste du wagon dont un « lascar » avachi sur un strapontin qui s’en fout comme l’an 40 et les regarde avec un mépris appuyé : « De toute façon, c’est la faute des juifs les attentats, ils les organisent pour que les gens ils soient racistes contre les musulmans parce que ce sont les juifs qui dirigent la France… »

Je suis resté jusqu’à Versailles sans changer de wagon pour voir jusqu’où elles iraient dans l’abjection plus ou moins consciente, elles vont loin, très loin dans la haine. Elles sont loin d’être les seuls dans leur cas, leur haine se banalise, métastase progressivement toute la société. Elle n’a besoin de personne. Elle naît de trop de lâcheté, de compromis, de fuites des responsabilités…

Et dans le même temps je ne pouvais m’empêcher de penser que c’était deux pauvres femmes complètement égarées, voulant que le monde brûle dans la guerre, le sang et les larmes pour se consoler de leurs frustrations. C’est ainsi que sont engendrés les totalitarismes, non ? Ces deux femmes à la limite du pathologique, personne n’aurait pu les raisonner. Car il est bien trop tard pour cela…

Source : Causeur

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