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Des 'tribals' indiens accueillis en Israël comme l’une des « 10 tribus juives perdues »

Des 'tribals' indiens accueillis en Israël comme l’une des « 10 tribus juives perdues »

 

 

La communauté indienne des Bnei Menashe, qui déclare descendre de l'une des « dix tribus perdues », vient de voir renouveler son alya ('retour en Israël'), malgré les doutes qui persistent au sujet de ses origines juives.

Lundi 21 octobre, environ 899 citoyens indiens, désignés sous le nom de Bnei Menashe, ont reçu l’approbation de la Knesset, le parlement israëlien, pour immigrer en Terre promise.

L’approbation, qui durera un an, est le fruit de l’action de Shavei Israel (2), un organisme qui s’est donné pour mission de retrouver les communautés juives exilées. L’association s'est particulièrement investie dans la recherche, la conversion et le rapatriement des Bnei Menashe.

Venus des Etats indiens du Manipur et du Mizoram, situés à l’extrême nord-est de l’Inde à la frontière avec la Birmanie, ces candidats à l'immigration en Israël sont considérés par l’Union indienne comme des ‘tribals’ (aborigènes). Issus de trois groupes ethniques, les Chin, les Kuki et les Mizo, regroupés sous le terme générique de Shinlung, ils sont d'origine mongoloïde et de langue tibéto-birmane.

Depuis une cinquantaine d’années, une partie de cette communauté aborigène déclare descendre de l’une des « 10 tribus juives perdues », qui auraient été dispersées à travers le monde après la chute du royaume d’Israël au VIIIe siècle avant J.C (1). Les Bnei Menashe, seraient ainsi les descendants de l'une ces tribus partie vers l'Orient et qui aurait conservé durant presque 3 000 ans ses coutumes juives, oubliant peu à peu ses origines.

La grande majorité des Mizo sont chrétiens –essentiellement protestants -, et c’est paradoxalement à travers l’étude de la Bible que certains d’entre eux crurent discerner dans leurs traditions pré-chrétiennes des réminiscences des pratiques décrites dans l'Ancien Testament.

Au début des années 1950, certains membres d’Eglises pentecôtistes au Mizoram, déclarèrent avoir reçu la certitude au cours de songes et de visions, que les Mizo descendaient des tribus perdues et qu'ils devaient « repartir vers Sion ». Au Mizoram et au Manipur, les Mizo, puis d’autres tribus Shilung commencèrent à pratiquer leur propre forme de judaïsme pour, dès les années 1970, s’essayer aux rites orthodoxes avec l’aide de rabbins venus les enseigner.

Mais c’est avec l’intervention de l’ONG Shavei Israël que le rêve du « retour à Sion » put véritablement prendre forme. Dans les années 1980, le rabbin Eliyahi Avichail venu enquêter sur la petite communauté, conclut que plusieurs pratiques rituelles ancestrales des Mizo attestaient de leurs origines juives. C’est lui qui leur donna le nom de Bnei Menashe, ‘fils de Manassé’ en hébreu, descendants de Joseph.

Au cours de la décennie suivante, des rabbins envoyés par Shavei Israël, fondée et dirigée par Michaël Freund, donnent leur accord à la conversion formelle des membres de la communauté. Ces derniers restent cependant minoritaires parmi les Mizo qui sont encore à l'heure actuelle, chrétiens protestants dans leur très grande majorité.

L’immigration des Bnei Menashe peut alors débuter véritablement : quelques centaines de membres des tribus indiennes sont installés dans les territoires de Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Mais se développe parallèlement  au sein des milieux érudits juifs, une controverse quant à l'authenticité du judaïsme de ces tribus aborigènes indo-birmanes, débat qui est toujours d’actualité.

Dans les milieux sionistes religieux, l'arrivée de ces nouveaux immigrants qui renforcent la démographie juive en Israël, en particulier dans les territoires occupés, est d'autant plus considérée favorablement qu'elle rejoint l’accomplissement très attendu des prophéties concernant « le retour à Sion des tribus perdues ».

Mais pour leurs opposants politiques, les motivations des Bnei Menashe sont qualifiées de "plus économiques que religieuses" et les ''tribals' indiens sont soupçonnés de prétendre avoir une ascendance juive afin de pouvoir bénéficier de la nationalité israélienne et de meilleures conditions de vie. Les Etats du Mizoram et du Manipur d’où viennent la majorité des candidats à l’immigration en Israël, passent en effet pour les régions parmi les plus pauvres de l’Union indienne (3).

A la fin des années 1990, à ces réticences du côté israëlien s’ajoute l’irritation des autorités indiennes face aux tensions provoquées par les conversions de milliers de Mizo au judaïsme. Dans cette région de l’Inde sujette à des troubles interreligieux récurrents, les réactions violentes des hindouistes à ces conversions de masse doivent même nécessiter l’intervention du gouvernement fédéral.

En 2003, l’immigration des Bnei Menashe est stoppée, sur décision du ministre de l’Intérieur israélien, Avraham Poraz, dans l’attente d’une « vérification de leur filiation juive ».

« [Les Mizos] n’ont rien à voir avec le judaïsme (...). Ce ne sont que des paysans qui cherchent à fuir la pauvreté », avait déclaré à l’époque le ministre. Des termes qu’il a repris, presque mot pour mot, le 21 octobre dernier, à l’annonce de l’alya accordée par le Grand Rabbin aux 899 Bnei Menashe.

Pendant cinq ans, aucun visa pour Israël n’est accordé aux Mizo pendant que la controverse fait rage dans les milieux érudits et les cercles politiques. Selon Hillel Halkin, auteur d’un livre en 2002 sur les Bnei Menashe, il ne fait aucun doute que leurs ancêtres récents « étaient animistes et ne pratiquaient rien qui ressemble de près ou de loin au judaïsme ». En outre, des tests ADN effectués au sein du groupe (et de l'ensemble des ethnies Shilong) en 2003-2004 en vue de démontrer leur origine juive se révèlent négatifs. Mais Shavei argue du fait que la séquence particulière de l’ADN recherchée ne se retrouve aujourd’hui que chez 40 % des juifs. .

Finalement, les Bnei Menashe sont en 2005 officiellement reconnus comme « descendants d'Israël » par le Grand Rabbin Shlomo Amar qui exige cependant que les Mizo se convertissent préalablement au judaïsme orthodoxe avant d'émigrer. Afin d’éviter les troubles engendrés par les conversions de masse en Inde (depuis 2005, le gouvernement israélien a rappelé, à la demande de Delhi, tous ses rabbins « missionnaires »), les Mizo sont envoyés au Népal par groupe de 200 à 300 personnes, pour y être formés et convertis discrètement. L’immigration reprend timidement en 2007, par vagues de quelques centaines de Bnei Menashe à chaque fois.

Aujourd’hui, un peu moins de 2 000 Bnei Menashe vivent en Israël et l’immigration de 7.000 autres est actuellement en cours. Mais selon Shavei il resterait encore près de 4 000 membres de la tribu perdue de Manassé, répartis en Inde et en Birmanie, qui attendent encore d’effectuer leur alya.

(eda/msb)

Notes

(1) Shavei Israël (‘Retour en Israël’) travaille pour la reconnaissance et le retour des groupes d’origine juive en Europe, en Amérique du Sud et en Chine. L’ONG prend en charge la plus grande partie de l’immigration de ces groupes, une fois leurs origines juives attestées. Le président de Shavei, Michael Freund, journaliste israélo-américain et ancien assistant de l'actuel Premier ministre Benyamin Netanyahou, s'est particulièrement investi dans le « retour à Sion » des Bnei Menashe. 
(2) Selon la tradition, après la mort du roi Salomon, les dix tribus juives du nord formèrent le royaume d'Israël, tandis que les tribus de Juda et de Benjamin se rassemblèrent autour de Jérusalem. Les Assyriens s'emparèrent du royaume du nord en 722 av JC déportant une grande partie des Israélites en Haute-Mésopotamie et en Médie.En 587 av. J.-C., Nabuchodonosor II s'empara de Jérusalem, mais une partie des juifs déportés à Babylone purt retourner à Jérusalem et reconstruire le temple. Les versions cependant diffèrent quant au sort des tribus israélites du Nord dont l’histoire n’a pas gardé trace. Si différentes hypothèses ont été émises (dont l’attestation de leur présence au Japon ou en Afrique), la majorité des spécialistes estime que ces communautés ont fini par s’assimiler aux populations au milieu desquelles elles avaient trouvé refuge.
(3) Selon le dernier recensement de 2011, la faible densité de population du Mizoram, est due à une très forte mortalité infantile et maternelle, nettement supérieures à la moyenne nationale, ainsi que qu’au manque d’infrastructures de santé, qui conduit à un important taux de décès des enfants de moins de 5 ans. Par ailleurs, plus de 21 % de ses habitants vivent au dessous du seuil de pauvreté et n’a que « peu accès au système de santé, par ailleurs particulièrement déficient. »

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