Destruction du tombeau de Jonas : le fanatisme iconoclaste de l'islam radical
FIGAROVOX/ENTRETIEN - Les djihadistes d'EEIL ont détruit la tombe du prophète Jonas à Mossoul. Pour Gérard Leclerc, plus qu'un symbole, cette exaction révèle une haine de l'art religieux consubstantielle à l'islamisme radical.
Gérard Leclerc est un journaliste, philosophe et essayiste. Il est éditorialiste à France catholique et à Radio Notre-Dame.
Figarovox: En Irak, les djihadistes d'EEIL ont détruit la tombe du prophète Jonas à Mossoul. Qui est Jonas? Quelle place occupe-t-il dans la civilisation judéo-chrétienne?
Gérard Leclerc: L'histoire de Jonas a frappé durablement l'imagination des fidèles. Jonas est envoyé par Dieu pour convertir l'incrédule Ninive. Mais celui, prenant peur, s'enfuit dans la direction opposée. Son bateau est pris dans la tempête, les marins tirent les sorts qui désignent Jonas comme coupable, et le jettent à l'eau. Il est avalé par un «gros poisson» -qu'on identifiera comme une baleine- qui au bout de trois jours et de trois nuits le rejette sur le rivage, d'où il repartira finalement convertir Ninive.
Jonas est considéré comme un «petit» prophète dans la tradition juive. Il est aussi présent dans la tradition chrétienne. La thématique de Jonas dans le ventre de la baleine sera reprise par les Pères de l'Eglise qui y verront une préfiguration du Christ qui disparait dans le ventre de la terre pour ressusciter au troisième jour. Jonas était un signe christique couramment utilisé chez les Chrétiens des premiers siècles. C'est aussi un prophète pour les musulmans, et son histoire est racontée dans le Coran.
S'il est reconnu dans la tradition musulmane, pourquoi les djihadistes ont-ils fait disparaitre son tombeau?
Si les djihadistes ont dynamité le tombeau de Jonas, ce n'est pas pour s'attaquer à la figure de Jonas, qui est présente dans le Coran, mais au nom d'un fanatisme qui refuse toute représentation et tout art religieux. Comme les talibans avaient détruit en 2001 les bouddhas de Bamiyan datant du Vème siècle, comme les djihadistes ont détruit les mausolées de Tombouctou, les combattants d'EEIL ont détruit le tombeau de Jonas par pur fanatisme iconoclaste.
Une passion iconoclaste qui n'est pas le propre de la religion musulmane…
La question de l'image religieuse est un thème récurrent de la théologie chrétienne. L'image, considérée comme une forme d'idolâtrie est un interdit biblique. Représenter le divin, c'est s'approprier le divin, en faire la chose de l'homme. L'orthodoxie chrétienne fait finalement triompher la représentation lors du deuxième Concile de Nicée en 787. Ce qui permet l'émergence de l'art religieux occidental et la production de merveilles artistiques inégalées.
Les djihadistes s'appuient sur cette tradition religieuse iconoclaste défaite par le christianisme. Ils appartiennent à une tendance extrême à l'intérieur de l'islam, une forme de purisme totalitaire. Une mentalité terrifiante, jusqueboutiste et cohérente qui les conduit à chasser les chrétiens, à mutiler les femmes et à détruire des sites religieux vieux de 2500 ans!
Que révèle cette passion iconoclaste des dérives de l'Islam?
Le purisme mystique d'une certaine frange de l'islam conduit à une haine de l'art. l'Islam a pourtant fait des choses sublimes en Espagne et sur tout le pourtour méditerranéen. Il n'y a pas de religion sans alliance sublime avec le beau.
Dans le djihad , il n'y a aucune alliance du religieux et de l'humain. Les formes sont refusées car trop humaines. Pour affirmer la transcendance radicale de Dieu et de sa loi, on efface toute médiation, et donc toute beauté humaine. On est dans une vision religieuse qui nie le visage. Or la thématique du visage est très importante dans la Bible, comme l'a très bien montré Lévinas. Cette épiphanie de Dieu dans le visage, cette transcendance révélée dans l'humain disparaissent totalement dans ce purisme religieux qui ne débouche que sur la violence.
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