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En Tunisie, la campagne électorale démarre

En Tunisie, la campagne électorale démarre

 

La Tunisie votera le 26 octobre pour élire ses députés, un scrutin jugé crucial pour permettre au pays de tourner la page de la transition post-Ben Ali. La campagne électorale débute officiellement samedi 4 octobre, mais depuis plusieurs semaines les partis se sont mis en ordre de bataille pour convaincre des électeurs souvent déçus par la lenteur des changements intervenus depuis trois ans.

En octobre 2011, le parti islamiste Ennahda, auréolé de son opposition au régime de Ben Ali et fort de son réseau militant, était arrivé sans peine en tête face à une opposition divisée (89 sièges sur un total de 217). Ennahda espère à nouveau l’emporter, mais va devoir défendre un bilan difficile après trois années mouvementées à la tête du pays. Confronté à une contestation croissante, le parti a dû laisser les rênes du gouvernement à une équipe de technocrates en janvier. « Nous allons expliquer les réalités, les difficultés, et ce que nous avons réalisé », avance prudemment Ali Larayedh, ex-premier ministre et secrétaire général d’Ennahda, promettant « beaucoup de modestie cette fois-ci ».

DE NOUVEAUX VISAGES CHEZ ENNAHDA

Le parti fait valoir son manque d’expérience en 2011 en tant que parti de gouvernement après des décennies de clandestinité, mais aussi les « concessions » faites ces dernières années pour « sauvegarder la stabilité du pays », à commencerpar sa décision de quitter le gouvernement. « Nous voulons aussi dissiper les malentendus », poursuit M. Larayedh. Accusé par ses opposants d’être un danger pour la démocratie, de ne pas avoir fourni assez d’efforts pour lutter contre le terrorisme, le parti répète inlassablement son attachement à la démocratie. « La liberté et la démocratie, voilà ce qu’il faut, avant tout autre chose, garantir », martèle son secrétaire général. Pour preuve, avance-t-il : l’adoption en début d’année d’une nouvelle Constitution considérée comme l’une des plus progressistes du monde arabe.

Autre pilier de la stratégie d’Ennahda pour le 26 octobre : le renouvellement de ses candidats. Sur 89 députés sortants, seuls 33 se représentent. Les plus durs du parti ont été écartés. « Nous conservons un pourcentage d’élus pour l’expérience mais avec un nombre important de nouveaux candidats afin qu’ils soient le reflet de la société tunisienne », explique Ali Larayedh, qui reconnaît : « La compétition sera plus difficile cette fois. »

LE RETOUR DES CADRES « BENALISTES »

Créé en 2012, et présidé par l’ancien premier ministre de la transition, Béji Caïd Essebsi, le parti Nidaa Tounès (« Appel de la Tunisie ») se présente comme la principale force d’opposition à la mouvance islamiste. Le parti le reconnaît : il n’a ni expérience des élections ni tradition de militantisme. Mais « tout le monde attend Nidaa Tounès », avance son directeur exécutif, Ridha Belhaj.

La formation se pose en défenseure du modèle moderniste tunisien, héritière du père de l’indépendance, Habib Bourguiba. Et capitalise sur les difficultés du précédent gouvernement. « Pendant le gouvernement de la troïka [coalition gouvernementale associant Ennahda et deux partis de centre-gauche], l’Etat s’est affaibli. Ennahda et ses alliés n’ont pas réussi à redresser le pays. Il y a chez Nidaa Tounès des gens qui peuvent gérer le pays, reprendre l’activité de l’Etat », souligne Ridha Belhaj.

La formation compte dans ses rangs des indépendants, des syndicalistes, des représentants de la gauche mais aussi des personnalités ayant appartenu au Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), le parti de l’ex-président Ben Ali.L’arrivée en force de cette mouvance a provoqué d’importants remous au sein du parti, notamment entre le courant de gauche et les ex-RCD. Après plusieurs mois de tensions, Nidaa Tounès est parvenu à constituer ses listes électorales. « En 2011, il y a eu une vague Ennahda dans l’opinion. Aujourd’hui, nous sommes aussi présents sur le terrain. Cela va permettre un rééquilibrage du paysage politique », promet M. Belhaj, pour qui « Ennahda a perdu de son aura ».

LES RISQUES DE L’ABSTENTION ET DE L’ÉMIETTEMENT

Le parti islamiste a certainement pâti de son passage au gouvernement, mais il a aussi fait un gros travail auprès de sa base. « Les cadres sont allés sur le terrain pour dialoguerexpliquer la décision du parti de quitter le gouvernement en janvier 2014, ainsi que son soutien à une Constitution parfois éloignée de certaines positions de la formation », souligne un bon connaisseur de la vie politique tunisienne. Marquée par l’échec des Frères musulmans en Egypte, Ennahda reste également fidèle à sa doctrine énoncée en juin : ne pas occuper le pouvoir seul. « Quels que soient les résultats des élections, on devra surtout chercher un gouvernement d’union nationale », répète Ali Larayedh.

Pour les partis en lice, le plus difficile sera de mobiliser les électeurs. Sur les quelque 5 millions de Tunisiens inscrits sur les listes électorales, combien iront voter ? Près de quatre ans après la chute du président Ben Ali, beaucoup se disent déçus par une situation économique et sociale dégradée, et les querelles au sein de la classe politique. Autre inquiétude : l’émiettement des voix. Comme en 2011, l’opposition à Ennahda, et notamment la gauche, se présente en ordre dispersé. Quelque 1 500 listes ont été déposées pour ces élections législatives. L’objectif pour les partis ne sera alors pas d’atteindre une majorité absolue mais d’arriver en tête, en position de force pour former une coalition.

Par Charlotte Bozonnet

LE MONDE

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