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Explosion en Iran : merci le hasard, par Stéphane Juffa

 

Explosion en Iran : merci le hasard (info # 011311/11) [Analyse]

Par Stéphane Juffa © Metula News Agency

 

Le hasard fait souvent bien les choses, certes, mais à la condition que l’on se garde d’exagérer dans ce qu’on lui demande de faire. C’est, en substance, ma réaction, après une après-midi et une nuit de travail de notre petite équipe, à enquêter sur l’explosion survenue hier à l’ouest de Téhéran.

 

L’erreur principale des apprentis sorciers de la presse ou des sites, ceux qui minimisent abusivement l’information autant que ceux qui en exagèrent la portée, consiste à ne pas passer assez de temps sur les faits vérifiables qu’il est possible de recueillir.

 

Si on dispose de la patience nécessaire, ainsi que des clés de lecture, il est alors possible de savoir assez précisément ce qu’il s’est passé, hier, à 13 heures locales et à 37 km de Téhéran, à l’intérieur d’une base de missiles balistiques appelée Modarres, ou, parfois, Sajad, à l’état-major de l’armée perse.

 

Cette base est située sur le territoire du village de Bigdeneh, non loin des bourgades de Shahryar et de Malard. Elle est exclusivement desservie par la branche du corps d’élite des Gardiens de la Révolution Islamique, chargée de la logistique et des tirs des missiles balistiques de moyenne portée Shihab 3 et Shihab 4 (pouvant atteindre Israël et la moitié de l’Europe).

 

Des sources dignes d’intérêt affirment que la base de Modarres serait également en charge du maniement des engins sol-sol Zilzal, mais nous ne possédons aucune évidence absolue quant à cette dernière hypothèse.

 

A ce point de notre moisson d’informations, il est nécessaire de livrer un élément de compréhension d’ordre stratégique : si Israël et/ou d’autres nations s’en prenaient à l’infrastructure nucléaire de la "République" Islamique, elles choisiraient les cibles à frapper selon un ordre de priorité évident.

 

D’abord elles détruiraient précisément les capacités de lancement des Shihab, afin de priver les ayatollahs de la possibilité de riposter sur Tel-Aviv, les camps US en Irak et dans le Golfe, ainsi que sur les villes du sud de l’Europe et de pays arabes.

 

Ensuite, ces armées tenteraient de neutraliser les moyens de protection antiaériens disposés autour des usines et laboratoires qu’elles comptent neutraliser. Ce, afin que leurs avions et leurs pilotes ne soient pas gênés dans leur travail.

 

En troisième, ces "agresseurs" détruiraient les infrastructures routières, ferroviaires et aéroportuaires qui permettraient à l’ennemi de dépêcher des renforts vers les sites ciblés par les "envahisseurs" ou contre leurs lignes arrières et d’approvisionnement. Les Israéliens et/ou d’autres nations neutraliseraient, dans la même phase, les forces militaires ennemies les plus susceptibles de leur livrer bataille.

 

Et c’est ensuite uniquement que la destruction des sites de l’industrie nucléaire iranienne commencerait, depuis les airs, et, si nécessaire, grâce à l’intervention ponctuelle de commandos au sol.

 

Cette quatrième phase n’interviendrait que lorsque les populations civiles des Etats de la coalition et de leurs alliés auraient été mises à l’abri, et que la junte théocratique de Téhéran se verrait pratiquement privée de tout moyen d’intervenir contre l’attaque de ses installations survenant sur son territoire, et serait condamnée à observer les dégâts qu’on lui infligerait, en spectatrice forcée.

 

Ce, à moins, bien sûr, que les "assaillants" n’entendent agir également sur le plan politique, en vue d’aider l’opposition à prendre le pouvoir, auquel cas, ils soumettraient aussi les dirigeants du régime à des bombardements en règle. En fait, une opération comprenant un volet politique dépend largement de la participation de l’Amérique à l’entreprise : si les Hébreux sont amenés à agir seuls, ou avec un ou deux alliés mineurs, ils se contenteront d’éliminer le risque atomique, sans chercher, systématiquement, à neutraliser Khamenei, Ahmadinejad et leurs complices.

 

Reste que, dans tous les cas de figures envisagés, une opération en Iran commencerait par la neutralisation des pas de tir des Shihab, des unités qui les manient et de leurs officiers supérieurs. Et, dans cette dialectique, le premier site à détruire – ou à mettre hors d’usage – serait celui, - mais vous l’avez deviné ! – de Modarres, celui qui a été touché hier en début d’après-midi.

 

Et le hasard faisant si bien les choses, dans cette explosion, le général Tehrani-Moqadam, l’homme à la tête du Bureau de l’autosuffisance chez les Pasdaran, autrement dit du commandement stratégique, en charge des missiles et du transport des armes non-conventionnelles de destruction massive sur leurs objectifs, a perdu la vie. Que faisait un officier de cette importance sur le lieu d’un simple transfert de munitions ? Cette hypothèse paraît, elle aussi, totalement aberrante.

 

De même que toutes les victimes étaient des soldats d’élite appartenant à cette unité. Décidément, le hasard sait choisir le lieu et le moment idéaux pour attraper le plus d’oiseaux de proie dans ses filets.

 

Il n’y a, par ailleurs, aucun intérêt à s’arrêter sur le nombre exact des victimes. Le bilan fourni par Razan Sharif, change d’heure en heure... à la baisse. Sharif aurait été trompé par des caractères illisibles inscrits sur le premier fax qu’il aurait reçu, et… répété sans les comprendre et sans soulever son téléphone avant d’annoncer le décès de 27 Pasdaran.

 

Ce qui est sûr, dans cette affaire, c’est que la déflagration a été si puissante, qu’elle a brisé des vitres dans les quartiers ouest de la capitale, et qu’elle a fait craindre un "tremblement de terre" jusqu’au centre de Téhéran.

 

De tels effets, à une cinquantaine de kilomètres de l’explosion, voilà qui suffit à la plupart des physiciens, pour définir précisément une fourchette assez étroite de puissance. Nous avons reçu une évaluation de ce genre, qui nous permet d’affirmer que la déflagration a été… très puissante. Terriblement puissante.

 

Cette information, mise bout à bout avec les témoignages indiquant, que plus de cinq heures après l’incident, l’incendie ravageait encore la base des Gardiens de la Révolution, et que les flammes et la colonne de fumée étaient toujours visibles depuis Téhéran, permettent une première graduation de l’étendue des dégâts.

 

Il pourrait y avoir des centaines de morts et de blessés, et, suivant ce qui a sauté, on peut aussi envisager que la base en question ne soit plus à même de lancer des missiles, pendant… un certain temps.

 

Il se pourrait ainsi que l’assaut principal contre l’infrastructure nucléaire de la "République" Islamique d’Iran ait débuté hier, c’est même assez probable, bien que cela n’oblige pas les responsables de cette attaque à poursuivre l’offensive.

 

Personne de bien informé ne s’imaginait que les "agresseurs" utiliseraient des moyens conventionnels afin de surprendre la vigilance des Iraniens. Ceux qui rêvaient à des vagues de bombardiers déferlant sur les usines, à l’instar des images de la Seconde Guerre Mondiale, vont être déçus. Aujourd’hui, tous les moyens sont bons, avec une préférence marquée pour les plus inattendus.

 

L’un des avantages évidents d’une opération de sabotage du type de celle d’hier, réside en cela que les Perses ne sont pas en situation légitime de répliquer militairement. Ce, car l’on considère qu’il leur appartient de sécuriser leurs bases, et qu’ils ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes s’ils se laissent berner.

 

De plus, s’ils admettaient publiquement avoir été victimes d’une opération de commando, dans la banlieue de Téhéran, ils reconnaîtraient implicitement que des agents étrangers sont présents en force sur leur sol, et qu’ils y font à peu près ce que bon leur semble. Cela équivaudrait, pour les ayatollahs, à admettre une défaite, en plus de constater la perméabilité de leur système de défense. Une authentique catastrophe pour un régime dictatorial.

 

A ce propos, Razan Sharif, le porte-parole des Pasdaran, parle d’un incident lors d’une activité de transfert de munitions et d’équipement. A l’en croire, ce serait un entrepôt qui aurait explosé, non une base de missiles.

 

Version que dément catégoriquement l’une des principales organisations d’opposition armée au régime, les Moudjahidin–e Khalk, souvent nommés par leur diminutif MEK. D’autres organisations d’Iraniens en exil, fiables, confirment, elles aussi, que l’explosion a effectivement sévi dans la base de Shihab.

 

Le pouvoir perse multiplie les accusations indiquant que les MEK, ainsi que d’autres mouvements de résistance à la théocratie islamique, épauleraient le Mossad dans la perpétration d’opérations commando sur le territoire de la "République Islamique".

 

A la Ména, on s’est aussi étonné du contenu des communiqués de l’agence semi-officielle Mehr, et de l’agence de presse du régime, Fars. A en croire ces sources, il n’y aurait eu que trois ambulances dépêchées sur les lieux de l’explosion. Trois ambulances, pour 17 ou 27 morts et des dizaines de blessés ?

 

Tout aussi surprenant, d’après les mêmes sources : les routes autour de la base auraient été fermées, afin de "faciliter l’accès aux secours". Boucler un périmètre, pour faire passer trois ambulances ?

 

Trois ambulances et six secouristes, qui seuls ont été autorisés à pénétrer à l’intérieur de la base de missiles, selon Mahmoud Mozaffar, cette fois-ci, le directeur du Croissant Rouge iranien.

 

Nous comprenons parfaitement que le régime n’ait pas souhaité que des pompiers et des ambulanciers pénètrent dans l’enceinte de Modarres, au risque que des agents occidentaux n’aient été intégrés aux secours. Ou même, plus simplement, que les secouristes parlent ensuite des équipements qu’ils auraient vus dans le camp, et de ceux qui ont été détruits.

 

Mais ces affirmations convergentes en suscitent une autre, de notre part : il est plus que probable – c’est-à-dire quasi certain – que les dirigeants politiques et les officiers des Gardiens de la Révolution aient ainsi laissé mourir les blessés, parmi les meilleurs de leurs soldats, sans soins. Préférant les soumettre à des souffrances probablement atroces, plutôt que risquer de fournir des informations à leurs ennemis. Cela donne une indication quant au degré de tension extrême qui règne, ces jours, entre Téhéran, Jérusalem et les capitales occidentales.

 

Hier soir, le Conseil d’urgence de la révolution s’est réuni pour parler de l’explosion. Une réunion extraordinaire des cadres du régime, pour deviser sur une erreur de manutention, qui n’aurait fait "que" dix-sept morts et aucun dégât au système des missiles ?

 

Sûr qu’ailleurs, au même moment, on sablait le champagne.

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