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Helios Azoulay, compositeur de musique incidentale

Helios Azoulay, compositeur de musique incidentale

 

A 37 ans, le compositeur extravagant Hélios Azoulay dirige l’ensemble de Musique Incidentale à Rouen. Il présentera à la salle Sainte-Croix-des-Pelletiers, les musiques dégénérées des oeuvres composées dans les camps de concentration. 

Il a le débit d’un passionné par sa matière, la mèche souple et grisonnante de l’artiste et les postures de celui qui s’abreuve de lecture. Lorsqu’on lui pose une question, il aime y répondre par une autre ou une citation. Il se dit subversif, anarchiste. Et lorsqu’on lui demande comment il se décrirait, il répond : « Laissez-moi tranquille ».

A 37 ans, Hélios Azoulay a le parcours d’un rêveur. Avec des origines maltaises, tunisiennes, siciliennes, il grandit à Nice. A 13 ans, il commence la clarinette en école de musique. Un instrument qu’il envisage de perfectionner en entrant au Conservatoire de Nice à 16 ans. Un conservatoire duquel il se fera « virer » très vite. Parce qu’il n’arrivait pas à entrer dans le moule, selon lui : »On me disait d’étudier telle partition, j’en avais étudié une autre. Je lisais beaucoup, j’arrivais en cours de clarinette avec mes poèmes de Lamartine ».

C’est lorsqu’il quitte le Conservatoire, qu’il « commence à peindre. Et c’est lorsque je commence à peindre que je me mets à composer », explique-t-il simplement. L’une de ses premières pièces, c’est à Nice, « un grand vernissage », se rappelle-t-il : « J’avais accroché des partitions aux murs et devant chacune d’entre elles, postait un musicien ». Une vraie cacophonie, dont les spectateurs ne pouvaient percevoir les subtilités qu’en s’approchant.

Mais son « plus gros chef d’oeuvre », c’est son sabotage de la représentation de Jules Cesar de Haendel, le 16 septembre 2002 à l’opéra Garnier de Paris. « J’ai placé une bombe à retardement musicale dans l’opéra. Je voulais bouleverser la situation de concert », explique Helios Azoulay. A ce moment là, « la confrontation public-artiste me semble toucher à sa fin. Il y a d’autres réseaux : internet, la musique au casque ». Le compositeur niçois, rouennais depuis sept ans, tente de bousculer, de recréer les règles musicales. « Sans jamais dépasser les limites de l’éthique », précise-t-il.

Cet « acte de terrorisme, attentat, sabotage », comme il aime à l’appeler, c’est un peu le manifeste de la musique incidentale, nous dit-il. Voila un terme à expliquer. La musique incidentale, c’est « le meilleur moyen de s’éloigner du terme musique contemporaine qui est déprimant. Demandez aux gens pourquoi ils n’achètent pas de musique contemporaine. Quatre-vingt-dix-neuf fois sur cent, elle ne devrait pas sortir de ses laboratoires de création », considère-t-il, avant d’asséner : « Tout est possible mais tout n’est pas nécessaire« .

Alors pourquoi s’intéresser aux musiques dégénérées. Ce sont les oeuvres créées dans les camps de concentration. Sous Hitler, les musiques dégénérées, c’est tout ce qui ne correspond pas aux musiques allemandes. Blues, musique contemporaine, tout est interdit. On privilégie « les oeuvres hiératiques et imposantes ». Dans les camps de concentration, à l’inverse, « pour distraire les nazis, les kapos et faire marcher les morts vivants », explique Hélios Azoulay, « il y avait une curieuse permissivité. Des oeuvres magnifiques ont vu le jour. »

Depuis quatre ans, Hélios Azoulay, d’origine juive, bouillonne pour le sujet : « Ce n’est pas un sujet qui me passionne, il me dévore ». La faute à la naissance de ses enfants. Celui qui a porté pour la dernière fois une kippa « pour rentrer dans la synagogue de Prague, comme un touriste », se rappelle l’arrivée de son fils, il y a six ans. « Mon gamin est né avec un nom qui lui aurait posé problème il y a quelques années. Ca m’a inquiété ». Alors, on comprend pourquoi la musique incidentale rejoint les musiques dégénérées : « Ce n’est pas un intérêt morbide. Je ne cherche pas à avoir des subvention de la région ». Il souligne la nécessité dans la musique dégénérée de « créer pour pouvoir vivre ». Et pour que l’on comprenne mieux il cite Rainer Maria Rilke : « Une oeuvre d’art est bonne qui surgit de la nécessité ».

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