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Iran : qui tue les scientifiques iraniens ?

 

Iran : qui tue les scientifiques iraniens ?

Téhéran accuse Israël et les États-Unis d'avoir abattu un ingénieur iranien qui travaillait sur le nucléaire. Qu'en est-il ?

Pour la quatrième fois en deux ans, un spécialiste iranien du nucléaire a été tué en Iran. L'ingénieur en chimie Mostafa Ahmadi Roshan, directeur adjoint pour les affaires commerciales de la centrale nucléaire de Natanz (centre), principal site d'enrichissement d'uranium du pays, a péri dans l'explosion d'une bombe magnétique placée par un motard sur sa voiture, alors qu'il circulait dans l'est de Téhéran. Moins de deux heures après l'annonce de l'attentat, le vice-président iranien Mohammad Reza Rahimi a accusé Israël et les États-Unis, ennemis historiques de la République islamique.

"Cette action terroriste commise par les agents de l'oppression (États-Unis, NDLR) et du régime sioniste (Israël, NDLR) vise à empêcher nos scientifiques de servir" leur pays, "mais ils doivent savoir que ceux-ci sont plus déterminés que jamais (...) à avancer sur le chemin du progrès scientifique", a déclaré le vice-président. Mostafa Ahmadi Roshan est la dernière victime d'une longue liste. Le 12 janvier 2010, le physicien nucléaire Massoud Ali Mohammadi décédait après l'explosion d'une moto piégée devant son domicile à Téhéran. Le 29 novembre de la même année, Majid Shahriari, fondateur de la Société nucléaire d'Iran et chargé d'"un des grands projets de l'Organisation iranienne de l'énergie atomique", était tué à Téhéran par l'explosion d'une bombe placée contre sa voiture à l'aide d'un aimant.

Le silence d'Israël

Le même jour, un autre physicien nucléaire, Fereydoun Abbassi Davani, était visé par un attentat dans des conditions identiques. Enfin, le 23 juillet dernier, le scientifique Darioush Rezainejad, qui travaillait sur des projets du ministère de la Défense, était abattu par balle par des inconnus à moto, toujours à Téhéran. À chaque attaque, c'est le même rituel : la République islamique pleure son mort et accuse dans la foulée Israël et les États-Unis, pendant que l'État hébreu frappe par son silence. Aucun démenti ni même aucune confirmation, ou seulement une étrange sensation de satisfaction. Ainsi, la radio de Tsahal a annoncé mercredi que l'attaque était le signe que la pression s'accentue sur Téhéran.

" Le silence est de mise en Israël", explique une source bien informée sur place. "Aucun politique ne parle. Quant aux journalistes, ils sont soumis à la censure et se cantonnent à citer la presse étrangère." Ainsi, en août dernier, c'est à l'hebdomadaire allemand Spiegel qu'une source au Mossad a annoncé que l'assassinat du scientifique iranien Darioush Rezainejad, tué en juillet, avait été piloté par Israël. Autre entorse au règlement, les réjouissances publiques du ministre israélien de la Défense, Ehoud Barak, après l'explosion à Téhéran en novembre d'un dépôt de munitions qui a fait 17 morts, dont le fondateur des forces balistiques des Gardiens de la révolution, armée d'élite du régime islamique. "Je ne sais pas" quelle est l'étendue de l'explosion, "mais ce serait souhaitable qu'elles se multiplient", a-t-il déclaré à l'époque.

Guerre secrète

Si l'omerta est de mise en Israël, il ne fait plus aucun doute que l'État hébreu mène une "guerre secrète" contre l'Iran visant à saboter l'avancée de son programme nucléaire. Aidée par les États-Unis, Tel-Aviv serait ainsi à l'origine du virus informatique Stuxnet qui a saboté 30 000 systèmes informatiques iraniens, diminuant considérablement la capacité opérationnelle des centrifugeuses du centre de Natanz. D'après le New York Times, le virus contenait un fichier comportant une référence au livre d'Esther, récit de l'Ancien Testament dans lequel le peuple juif déjoue un complot perse visant à le détruire.

Si les accusations de Téhéran contre l'État hébreu sont monnaie courante en Iran, notamment pour mieux discréditer et condamner les opposants au régime, la donne change-t-elle cette fois-ci, surtout quand Israël annonce vouloir empêcher "par tous les moyens" que la République islamique ne se dote de la bombe atomique ? "La politique du gouvernement israélien a toujours été de ne pas reconnaître ce genre d'opérations", explique au Point.fr Ely Karmon, chercheur en problématique stratégique et en contre-terrorisme au centre interdisciplinaire de Herzliya (Israël).

L'aide de l'AIEA

Il est vrai que Tel-Aviv n'a jamais reconnu officiellement avoir bombardé en 2007 un réacteur syrien ultrasensible de plutonium, malgré les détails irréfutables apportés par George W. Bush dans sa biographie. Ainsi, pour Ely Karmon, "il est vraiment possible qu'Israël soit derrière l'attaque contre le scientifique iranien, d'autant plus que le mode opératoire a déjà été utilisé par le Mossad dans le passé". Dans les années 1950 et 1960, le Mossad avait déjà organisé des attentats ciblés contre des scientifiques allemands qui travaillaient sur des projets de missiles et d'agents chimiques.

Puis, dans les années 1970, ce sont des leaders palestiniens qui étaient visés à leur tour. Néanmoins, ces deux dernières années, les preuves publiées par les services secrets et la justice iranienne ne se sont jamais révélées accablantes pour l'État hébreu. Ainsi, s'il trouve dans les attentats "une tentative d'arrêter le projet nucléaire iranien en usant de tous les moyens de pression possibles", le chercheur Ely Karon note que "d'autres pays occidentaux, comme les États-Unis, la Grande-Bretagne, mais aussi la France, sont engagés dans cette même voie", et pourraient, de fait, être tentés par une telle attaque.

Surtout que leur tâche est facilitée par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA). Dans son dernier rapport, très ferme à l'égard de Téhéran, celle-ci dévoile en annexe les noms des scientifiques iraniens travaillant sur le nucléaire.

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