Israël : qui veut tuer le rêve électrique de Shai Agassi ?
En Israël, l'annonce a pris le monde des affaires par surprise. Shai Agassi, le fondateur et P-DG de Better Place, le réseau de voitures électriques, a dû démissionner. Il est remplacé par Evan Thornley, le patron de Better Place Australie. Pour mémoire, ce petit génie avait pour ambition d'en finir avec le tout-essence et de démocratiser le recours à la voiture électrique.
Pour l'ensemble des médias israéliens, la chose est entendue. Shai Agassi n'est pas parti de son plein gré, mais a été purement et simplement écarté par les actionnaires, et notamment le patron du groupe Ofer, détenteur de 30 % des parts de Better Place. La raison ? D'abord les pertes colossales de la compagnie, qui tournent autour de 500 millions de dollars. Une somme énorme dans le climat actuel de récession et son corollaire, la diminution draconienne des investissements.
Dans ce contexte, les principaux actionnaires de Better Place ont fini par s'interroger : où investir ? En Israël, afin de booster les ventes, ou bien au plan international, notamment dans les pays émergents ? Selon ce qui se dit, Shai Agassi aurait été pour la première solution, alors que les administrateurs favorisaient la seconde. Au fil des jours, le désaccord s'est transformé en casus belli qui a abouti à la mise à l'écart du jeune entrepreneur et à la nomination immédiate de son successeur, dont la feuille de route tient en un mot : sortir du rouge et faire (enfin) du profit.
"Bâtons dans les roues"
Dans un éditorial intitulé "Des bâtons dans les roues", Sever Plotzker, de Yediot Aharonot, écrit qu'ils sont nombreux, ceux qui se réjouissent aujourd'hui de ce quasi-échec. À commencer par les fonctionnaires du Trésor, qui craignaient qu'un succès de la voiture électrique en Israël ne réduise de façon spectaculaire les rentrées de l'État en matière de taxes sur l'essence. À qui s'ajoutent le lobby des importateurs de voitures, les compagnies de location et, last but not least, les ministres et députés qui n'avaient pas envie de rouler dans la Renault Fluence de Better Place et préféraient leurs grosses voitures à essence.
L'État n'a pas aidé Agassi en ne réduisant pas les taxes sur les voitures électriques et en ne lui accordant pas de tarif préférentiel sur l'électricité. Toutes choses qui ont réduit la marge bénéficiaire de l'entreprise. Ce qui n'est pas le cas dans les autres pays où elle est implantée et se développe : leDanemark, l'Australie et maintenant la Hollande. "La vision de Shai Agassi, qui ébranlait toutes les conventions de la branche automobile, était du point de vue de ces gens-là une épine dans le pied", conclut le journal.
Reste une question qui n'a pas fini de faire couler l'encre : Shai Agassi a-t-il perdu définitivement son "bébé", celui à qui il s'était entièrement consacré depuis 2007 au point de mettre en péril sa vie privée ? Pas tout à fait, puisqu'il détient toujours 10 % des parts de Better Place et qu'il continuera à être membre du conseil d'administration mondial. "Bien peu de choses", affirment pourtant les experts, qui estiment qu'il a perdu toute influence. Cela étant, dans un communiqué de départ destiné aux employés, loin de s'avouer vaincu, il réaffirme sa fierté : "Nous avons transformé une curiosité en réalité..." À 44 ans, l'un des entrepreneurs les plus doués de sa génération a perdu une bataille. Peut-être pas la guerre.
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