Judaïsme, Animaux et Végétarisme
« l’E-ternel est bon envers tous, et sa tendre pitié est sur toute ses créatures. »(Psaume 145,9)
Le Judaïsme exige un traitement humain des animaux
Le concept juif de tsaâr baâlei ‘haïm, l’obligation de ne pas causer de souffrance aux animaux, est un des plus beaux éléments de la pensée juive. La tradition juive est remplie de compassion envers les animaux, et s’oppose fortement au fait d’infliger une douleur à une autre créature vivante. Voyons ce que dit le judaïsme au sujet de notre propre façon de traiter les animaux.
De nombreuses histoires de la tradition juive reflètent notre préoccupation des animaux. Voici une belle histoire tirée du Midrash :
Pendant que notre maître Moïse prenait soin du troupeau de Jéthro dans l’étendue sauvage, un agneau s’enfuit loin de lui. Il courut après lui jusqu’à ce qu’il atteint Hasuah. Alors qu’il atteignait Hasuah, il arriva à un point d’eau où l’agneau s’arrêta pour boire. Lorsque Moïse arriva à lui, il lui dit : « Je ne savais pas que tu courrais parce que tu avais soif. Tu dois être fatigué. » Il le plaça sur son épaule et commença à marcher. Le Saint Béni-soit-Il, le bénit et dit : « Tu es compatissant dans la conduite des troupeaux appartenant aux mortels ; Je fais le serment que tu seras de la même façon le berger de mon troupeau Israël. » (Exode Rabbah 2,2)
Le Judaïsme est clair en commandant l’attention envers les animaux. La Bible nous le dit explicitement : « L’homme juste prend soin de la vie de ses animaux. » (3) Dans le livre de l’Exode, D.ieu soutient que « Si tu vois l’âne de celui qui te hait succomber sous sa charge, et que tu hésites à le décharger, tu l'aideras à le décharger. » (2) Le Code de la Loi Juive établit qu’ « il est interdit, en accord avec les lois de la Torah, d’infliger une souffrance à quelque créature vivante que ce soit. En sens contraire, il est de notre devoir de soulager de la douleur chaque créature, même sans être propriétaire des biens d’un non-Juif. »(3) Le Talmud explique que l’obligation de soulager un animal de la souffrance ou de lui éviter un danger prévaut sur les ordonnances rabbiniques relatives au Shabbat.
En effet, le bien-être des animaux est si important que le cinquième commandement les mentionne spécifiquement, et il leur est permis de se reposer le Shabbat. (4) Rachi, l’immense commentateur de la Torah explique que cela signifie que les animaux doivent être laissés errant le jour de Shabbat, paissant et se réjouissant des beautés de la nature.
Le Talmud soutient plus loin qu’ « une personne ne devrait pas manger ou boire avant d’avoir nourri ses animaux. »(5) En effet, le Shoul’han Aroukh nous enseigne qu’il est si important que nos animaux ne soient pas affamés pendant que nous mangeons et qu’une personne est légalement autorisée à interrompre l’exécution d’un commandement rabbinique afin de s’assurer que cela a été fait.
Dans le Deutéronome, la Torah nous apprend à ne pas prendre ensemble un oiseau femelle et ses petits. (6)
Maïmonide explique que cette injonction est destinée à prévenir toute souffrance causée à la mère par la vue du retrait de ses petits. La Torah nous commande plus loin « vous ne devez pas le [un animal] tuer et son petit ensemble le même jour. » à propos de quoi Maïmonide dit « afin que les gens soit retenus et empêchés de tuer les deux ensemble, de telle manière que le petit soit tué à la vue de la mère, parce que la souffrance des animaux dans une telle circonstance est immense. Il n’y pas de différence en ce cas entre la souffrance des gens et la souffrance d’autres êtres vivants, parce que l’amour et la tendresse de la mère pour son jeune petit n’est pas produite par le résonnement mais par le sentiment, et cette faculté existe non seulement chez les gens mais chez la plupart des choses vivantes. »(7)
Les rabbins démontrent plus loin leur intérêt pour les animaux par une très forte désapprobation de la chasse et le Talmud interdit toute association avec les chasseurs.
Les lois de l’abattage casher reflète également un profond respect pour le bien-être des animaux. En accord avec la loi juive, le cho’het (boucher) doit être un homme pieux et instruit, l’animal doit être en parfaite santé, le couteau doit être parfaitement tranchant sans aucune imperfection qui puisse cause une souffrance momentanée au moment de la mort, et l’animal doit être tué avec une coupure rapide sectionnant les artères majeures allant vers le cerveau. Ainsi, le judaïsme exige que si un animal doit être tué, le moment de la mort soit aussi rapide et indolore que possible.
En effet, il existe tant de commandements exigeant un traitement humain des animaux que les rabbins ont déclaré explicitement comme loi biblique la considération envers les animaux. Comme le Talmud l’établit : « Une grande importance est attachée au traitement humain des animaux, autant l’est-il déclaré fondamental que l’est la vertu humaine.(9) Comme Rabbi Samson Raphaël Hirsch l’a écrit : « Ici vous êtes confrontés à l’enseignement de D.ieu, lequel vous contraint non seulement à vous abstenir d’infliger une souffrance à quelque animal, mais à l’aider et, quand vous le pouvez, à diminuer la souffrance lorsque vous voyez un animal souffrant, même si cela n’est pas de votre faute. »(10) Tsaâr baâlei ‘haïm est une idée si importante au sein du judaïsme, que le Grand Rabbin d’Angleterre J.H. Hertz a dit : « C’est une des gloires du judaïsme que, des milliers d’années avant aucun autre, furent totalement reconnu nos devoirs envers (les animaux).» Il est absolument clair que la préoccupation pour le bien-être des animaux est une obligation pour les Juifs.
La façon dont les animaux sont traités de nos jours, dans les fermes, viole totalement les enseignements juifs.
Le Judaïsme est sans équivoque en exigeant de tous un traitement humain des animaux. Comment appliquer ces importants enseignements juifs à ce que nous mangeons ?
Si vous êtes comme beaucoup de personnes, vous imaginez une ferme telle que les livres d’histoire la présente, avec des poulets grattant dans la saleté, des cochons se roulant dans la boue et des vaches broutant paisiblement dans les prés, les animaux vivant une vie heureuse et idyllique jusqu’à ce que vienne, des mains du boucher, une mort rapide et indolore. Cette image est bien loin de la réalité. Ce type de ferme, norme dans les temps bibliques et talmudiques a littéralement disparu de l’Amérique moderne. Les techniques de production de masse qui conduisent notre révolution industrielle, dominent maintenant autant nos fermes, et aujourd’hui d’importants conglomérats d’agro-business sont sur le point d’occulter les fermes familiales traditionnelles qui parsemaient autrefois nos campagnes.
De nos jours, plus de 90% des animaux des fermes américaines sont élevés en utilisant des méthode d’élevage intensif, dans des « fermes industrielles ». Ecoutez ce qu’il se passe dans ces fermes industrielles et considérez de quelles façons les animaux sont élevés aujourd’hui pour la consommation, entrez-y avec notre tradition juive de compassion pour les animaux.
Les poulets, par exemple, sont élevés dans des conditions absolument atroces. Ceux-ci sont élevés pour leur chair et vivent leur courte vie entièrement enfermés, sans jamais voir d’herbe, de soleil ou de ciel, serrés si étroitement que chaque poulet dispose d’un espace de 78 cm pour déployer les ailes et a une moyenne de seulement de 50/90 cm2 dans lesquels vivre sa vie. Leur déjections de sont pas nettoyées, aussi passent-ils leur vie entière dans leur propre crasse. En conséquence de l’ammoniaque, de la poussière et des maladies dans l’air, les fermiers se plaignent d’avoir les yeux endoloris, de toux et de bronchites chroniques et ont été prévenus d’éviter d’entrer dans ces lieux. Si cela est vrai pour les fermiers, qu’est-ce que cela doit être pour les poulets, qui doivent vivre leur vie entière en respirant cet air ? En conséquence, tous développent des problèmes respiratoires, et l’ammoniaque brûle leurs yeux quelquefois jusqu’à les rendre aveugles. Les fermiers utilisent la manipulation génétique et hormonale afin de faire grandir sept fois plus vite que la normale leurs poulets, ce qui entraîne tellement de stress dans leur corps que 90% des poulets souffrent de déformations des pattes et quelques uns ont des convulsions et meurent. Bien que leur durée de vie naturelle soit de 15-20 ans, ils sont abattus à 7 semaines seulement, parce que s’ils sont laissés grandir plus longtemps, leur taux de mortalité augmente à cause des attaques cardiaques, des infections et d’autres maladies. Dans ces conditions de stress et de frustration extrêmes, les poulets se picorent en fait les uns les autres jusqu’à la mort et c’est, en réalité, un comportement inconnu dans des conditions ordinaires où les poulets peuvent « picorer selon un ordre normal ». Malgré cette perte, les fermiers augmentent leur rentabilité, non pas en soulageant les conditions qui conduisent à un tel comportement, mais en coupant leur bec avec un couteau brûlant. Ce n’est pas une intervention sans souffrance comme couper un ongle, car les oiseaux ont des nerfs très sensibles au niveau de leur bec, et en fait, pour beaucoup de poulets cela crée un telle souffrance qu’ils ne peuvent plus manger et meurent de faim.
Les poulets élevés pour leurs œufs vivent une situation pire. Après l’éclosion, puisque les poussins mâles sont sans utilité pour l’industrie de l’œuf, ils sont simplement jetés dans des sacs plastiques où il s’étouffent les uns sur les autres, ou jetés vivants dans un broyeur pour servir de nourriture à leurs sœurs. Les femelles sont élevées dans des cages grillagées empilées une sur l’autre, de telle sorte que les excrément tombent sur la cage de l’oiseau au-dessous. Les oiseaux sont généralement entassés à 4 ou 7 dans une cage de la taille d’un journal plié. Ils ne peuvent se tenir debout ou se percher confortablement sur le sol non naturel, oblique et grillagé. Le résultat est un grave inconfort et de sérieuses déformations des pattes, et leurs ongles se trouvent accrochés dans le grillage les immobilisant complètement. Il est typique pour une poule d’être systématiquement piétiné par les autres. Les poules ont un important besoin de pondre leur œufs dans l’intimité, des études ont montrées que ce besoin est aussi important que le besoin de manger après avoir été affamé durant une journée. Bien sûr, l’intimité est totalement impossible dans ces conditions. D’autres besoins, comme se laver de la poussière ou nicher sont aussi totalement frustrés. Avec le temps, le frottement de leur corps contre le grillage cause la perte de leur plumes et leur peau est marquées de traits rouges et bleus dus au frottement. En effet, il apparaît que les oiseaux sont rendus littéralement fous par leur traitement, comme l’indique leur bruit hystérique alors qu’ils sont ordinairement des animaux très calmes. Les conditions sont si mauvaises que 20 à 25% d’entre eux meurent avant la boucherie avant deux ans d’âge. Au moment où elles vont être tuées, à cause du confinement et du transport, 88% de ces poules ont les os cassés. En plus, lorsque les pondeuses finissent leur cycle de ponte, elles sont souvent « stimulées par force ». Cela implique de les laisser sans nourriture, dans l’obscurité totale durant 18 jours quelquefois, afin de choquer leur corps et de démarrer un nouveau cycle. Les oiseaux peuvent, par ce processus, perdre jusqu’à 25% de leur masse corporelle et il est habituel que 5 à 10% en meurent. Et comme le reste, les poules pondeuses finissent à l’abattoir.
Les vaches que nous mangeons sont habituellement marqués au fer rouge, recevant une brûlure au troisième degrés; leurs cornes sont aussi arrachées ou retirées et elles sont castrées. Tout cela sans anesthésie, bien sûr. La plupart des vaches laitières sont attachées sur place pour leur vie entière, incapable de marcher alentours. Afin de garder leur flux de lait continu, elle sont fécondées chaque année et leurs veaux sont immédiatement retirés afin qu’ils ne boivent pas de lait. Ceci cause une souffrance immense à la mère et au petit et une vache beugle souvent des jours après son bébé. Ces bébés deviennent des veaux et sont élevés dans l’obscurité et l’isolement dans des box trop petits pour pouvoir se coucher, nourris selon un régime carencé en fer afin de les maintenir anémiés et sont abattus à six semaines seulement. L’industrie laitière et l’industrie du veau sont la même industrie. Donnant naissance constamment, le corps des vaches s’use à tel point que ces animaux qui vivent jusqu’à 25 ans ne vivent plus que 6 années et, comme le reste, sont vendues à l’abattoir.
Tous ces animaux endurent le transport jusqu’à l’abattoir en passant plusieurs jours sans nourriture ni eau, accablés sous un été brûlant ou gelant à mourir dans le dur hiver. A l’abattoir, ils sont battus avec des verges électriques, y compris dans les yeux et l’anus, afin de les faire tomber et sentir le sang, et entendre les hurlements des animaux passés avant eux. Ils sont pendus en l’air par leurs pattes arrières, ce qui les meurtrit et les casse. Pour de la viande non-cacher, ils sont censés être assommés, mais avec 25% certifiés d’erreur d’assommement, ils ont régulièrement leurs membres coupés, leur peau dépecée et sont plongés dans une cuve d’eau brûlante, tout cela en étant pleinement vivant et conscient. Ceci est l’horrible et sanglante fin de leur misérable vie. Et tout cela seulement parce que nous aimons manger de la viande.
Comment cela peut-il entrer en accord avec l’obligation du judaïsme de ne pas causer de souffrance à quelque animal que ce soit ? Comment comparer leur confinement toute leur vie à la déclaration de Rachi de devoir les laisser libre d’errer et se réjouir des beautés de la nature le jour de Shabbat ? Comment peut-on allier leur famine par des temps extrême lors de leur transport à l’abattoir avec le mandat de ne pas manger nous même avant d’avoir été assuré que nos animaux aient été nourris, au besoin même d’interrompre un commandement rabbinique ? Comment comparer la pratique de l’industrie laitière de retirer le veau à sa mère juste après la naissance, avec les paroles de Maïmonide disant qu’« il n’y a aucune différence en ce cas entre la douleur des gens et la douleur des autres être vivants » ? Comment pouvons-nous en tant que Juifs, à qui il n’est pas permis même une petite entaille dans le couteau utilisé pour tuer un animal, laisser causer momentanément une douleur, à qui il n’est pas permis de s’associer aux chasseurs, comment pouvons-nous infliger toutes ces souffrances à autant de créatures de D.ieu, au sujet desquelles la Torah nous dit « l’E-ternel est bon envers tous, et sa tendre pitié est sur toute ses créatures. » ? Où est la pitié ici pour ces pauvres animaux ?
Il est clair que la Torah envisage une vie paisible et joyeuse pour les animaux, et que s’il doivent être tués pour la nourriture, ils doivent finir leur vie heureuse rapidement et sans douleur. Aujourd’hui aux Etats-Unis, pourtant, nous ne pouvons pas manger des produits animaliers sans directement participer à une cruauté d’une incommensurable proportion. Chaque année, aux Etats Unis seulement, 10 milliards d’animaux sont tués pour la consommation. Comparez cela à la population humaine mondiale de 6 milliards et il n’y a personne comprenant la somme de souffrance impliquée. Nous ne pouvons pas être compatissants, nous ne pouvons pas détester la cruauté, nous ne pouvons pas être vrais avec une belle moralité et être attentifs au animaux tel que c’est écrit dans la Torah que D.ieu nous a donnée, en effet, nous ne pouvons pas être de bons Juifs, aussi longtemps que nous continuons à payer pour le tourment de ces êtres maltraités.
Les Juifs ont connu aussi bien le goût amer de la cruauté et de l’oppression, et les Juifs se sont rappelés notre tragique histoire lorsque nous avons vus les autres souffrir sous la froide main de la persécution. Les Juifs ont pris les rôles de premier plan dans les batailles pour les droits des travailleurs, les droits civils et même aujourd’hui les Juifs ont œuvré au secours des réfugiés du Kosovo. N’oublions pas la souffrance dont nous avons fait l’expérience en tant que peuple lorsque viens notre tour de choisir que d’autres soient brutalisés entre nos mains, chaque fois que nous nous asseyons pour manger. Comme l’auteur juif Isaac Barshevis Singer, Prix Nobel, l’a écrit « aussi longtemps que les êtres humains dépouilleront les animaux de leur sang, il n’y aura jamais de paix… il n’y aura aucune justice aussi longtemps qu’un homme tiendra un couteau ou un pistolet et détruira ceux qui sont plus faibles que lui ; » Continuons, en tant que Juifs, qui avons aidé à changer en mieux le monde de si nombreuses fois auparavant, à diffuser le concept detikkoun olam, à réparer le monde, auprès des animaux sans nombre qui vivent et meurent dans la misère la plus abjecte.
Des millions de personnes deviennent végétariennes chaque année. Envisagez, s’il vous plaît, de devenir végétarien vous-même, c’est ainsi qu’en tant que Juifs nous pouvons aider à créer un monde plus compatissant.
Traduit de l’anglais par Emmanuël Eliyahou Briglia, France
NOTES
(1) Proverbes 12,10
(2) Exode 23,5
(3) Rabbi Solomon Granzfried, Code of Jewish Law, New York: Hebrew
Publishing Co., 1961, book 4, chapitre 191, 84
(4) Exode 20,8-10, Deutéronome 5,12-14
(5) Deutéronome 11,15
(6) Deutéronome 22,6-7
(7) Maïmonide, Guide des Egarés, 3,4
(8) Talmud, Avodah Zorah 18b
(10) Rav Samson Raphaël Hirsch, Horeb, chapitre 60, section 416
Commentaires
Ce texte pertinent est émouvant mais il parle de l'abattage rituel aux USA.
Sans avoir la prétention en France, d'être plus attentif à la souffrance des animaux, il conviendrait de s'interroger sur nos procédures d'abattage de la filière cachère.
Une controverse rabbinique serait la bienvenue sur harissa.com, histoire de nous rassurer que les horreurs décrites dans ce texte ne se passent pas en France.
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