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Juifs de Tunisie : Entre l’héritage de Bourguiba et Ennahdha

 

Juifs de Tunisie : Entre l’héritage de Bourguiba et Ennahdha

 

 

 

 

Le soutien sans équivoque accordé par Haïm Bittan, le Grand Rabbin de Tunisie, à Ennahdha n’a pas fini de susciter des remous, auprès de l’opinion publique et au sein même de la communauté juive. Le rabbin a ainsi affirmé que c’est le mouvement de Ghannouchi qui défend le mieux les Juifs de Tunisie.

C’est pour cela, précise-t-il, qu’ils ont choisi de voter pour ce parti lors des élections du 23 octobre 2011. L’homme qui se déclare ouvertement opposé au projet sioniste, soulignant que sa communauté est «plus en sécurité en Tunisie qu’en Israël ou aux États-Unis», s’expose aujourd’hui à une volée de bois vert de la part de ses coreligionnaires et concitoyens tunisiens.

C’est que pour certains, Haïm Bittan, Grand Rabbin de Tunisie depuis 2004, a failli à son devoir de réserve en tant que leader avant tout religieux. En s’occupant de problèmes politiques ne risque-t-il pas de tomber dans les travers des polémiques par trop «terrestres» ? Les réactions n’ont d’ailleurs pas tardé à fuser. La page des «Patriotes Juifs Tunisiens» qui compte plus de 10 000 membres, et qui affiche d’emblée, en guise de couverture, une photographie d’un Habib Bourguiba triomphal sur son cheval blanc, s’érige contre les déclarations du Grand Rabbin. Les juifs bourguibistes rétorquent donc en 6 points :

«Suite aux déclarations du grand rabbin de Tunisie qui ont suscitées une vraie bombe dans la société civile tunisienne et étrangère, nous insistons sur le fait que :

  1. Le Rabbin doit s'occuper seulement que des affaires religieuses de sa communauté.

  2. Le Rabbin ne représente pas les opinions politiques de la communauté.

  3. Le Rabbin n'a pas le droit d'influencer sur le vote de la communauté.

  4. Son soutien à un parti politique pour des raisons religieuses et non pour un programme politique est un acte anti-démocratique.

  5. Nous lui demandons de cesser de parler au nom de la communauté juive car elle n'a jamais été aussi proche du peuple pour son patriotisme et sa loyauté à la Tunisie. Ses déclarations ne font qu'isoler la communauté.

  6. Nos relations avec tous les partis politiques sont excellentes y compris Ennahdha.

Une prise de position qui a à son tour suscité une avalanche de commentaires, notamment le sixième point, que les détracteurs d’Ennahdha ont jugé inapproprié (doux euphémisme). Peut-on pour autant réduire les positions de cette communauté enracinée en Tunisie depuis des millénaires, aux opinions de quelques-uns de ses représentants ? Peut-on aussi aisément schématiser les courants politiques qui traversent les Juifs tunisiens ? Clairement non.

Les Juifs de Tunisie ont offert à la patrie des résistants, et des combattants irréductibles pour l’Indépendance, de la stature de Georges Adda. Et des militants de la gauche révolutionnaire commeGilbert Naccache, emprisonné sous Bourguiba, continuent aujourd’hui leur lutte pour les libertés contre vents et marées, sans verser dans le panégyrique bourguibiste ni s’aligner sur Ennahdha. En définitive, il est difficile d’attribuer une seule couleur politique aux Juifs Tunisiens, qui, comme leurs concitoyens musulmans, peuvent avoir des choix politiques les plus divers et variés. Mais rien de surprenant à cela. Ne sont-ils pas avant tout Tunisiens ?

Soufia Ben Achour

 

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