L’histoire méconnue de Mohamed Ali avec le judaïsme
En Israël et dans le monde juif américain, la disparition du boxeur Mohamed Ali le 3 juin n’a laissé personne indifférent et est venue raviver la longue histoire d’amour-haine entre “The Greatest” et les deux grandes sociétés juives contemporaines.
Dans Ha’Aretz, Hemi Shalev s’attarde sur les rapports complexes entre une majorité de Juifs et ce fils de baptistes qui ne s’était pas contenté de rejeter son ‘nom d’esclave’ mais avait embrassé dès 1964 la religion musulmane dans sa version suprématiste noire, symbole de la volonté de renversement violent de l’Amérique blanche et donc juive. Il aura fallu des décennies avant qu’une partie de l’Amérique conservatrice admette d’où venait la rage d’Ali.”
Ce que beaucoup de Juifs américains et israéliens mirent du temps à “pardonner” à Mohamed Ali, c’est d’avoir, comme le rappelle Uzi Dan toujours dans Ha’Aretz, “embrassé la cause palestinienne, décroché des directs du droit à Israël et au sionisme, et tenu des propos souvent ambigus à l’égard des Juifs”.
A Beyrouth, en 1974, il déclara : ‘Les Etats-Unis sont le bastion du sionisme et de l’impérialisme. En mon nom et au nom de tous les musulmans américains, j’affirme mon soutien à la lutte des Palestiniens pour libérer leur patrie et expulser les envahisseurs sionistes.’”
Le journaliste rappelle également qu’en 1980, alors qu’il était en visite “officielle” en Inde pour soutenir le boycott des JO de Moscou après l’invasion soviétique de l’Afghanistan, “Mohamed Ali n’avait pu s’empêcher d’ajouter que les sionistes ‘contrôlent’ l’Amérique et donc le monde entier”. Enfin, en 1985, “Ali s’était rendu en Israël pour obtenir la libération de ‘frères’, 700 chiites libanais détenus au pénitencier d’Atlit [sud de Haïfa]”, une requête que le gouvernement israélien de l’époque avait poliment déclinée.
Mohamed Ali, fierté des musulmans américains
Pourtant, un fait qui est largement ignoré, c’est son rapprochement progressif avec l’islam soufiste et le fait d’avoir, en deux moments clés de son existence, exprimé sa compassion pour les Juifs, en paroles et en actes. “Comment s’en étonner ?” écrit Benjamin Ivry dans Forward, magazine juif libéral américain.
Juif, le propre entraîneur d’Ali, Drew Bundini Brown, était non seulement l’un des plus proches amis du boxeur, mais surtout celui qui lui écrivait les brefs poèmes qu’il prononçait sur les rings et en dehors. Khalia, la propre fille [musulmane] de Mohamed Ali, épousa un Juif, Spencer Wertheimer. Et en 2012, lorsque Jacob Wertheimer, son petit-fils, décida d’embrasser le judaïsme et de faire sa bar-mitzva, Ali se montra enchanté, soutint dès le début l’itinéraire de conversion de son petit-fils et assista à la cérémonie.”
Moins connue et plus dramatique fut l’implication du boxeur dans les vaines tentatives de libération du journaliste juif américain Daniel Pearl, enlevé et décapité par des islamistes pakistanais en janvier 2002. Dans Forward, Judea, la mère, d’origine israélienne, de Daniel Pearl, se souvient.
Nous avions demandé à Louis Farrakhan [leader controversé de Nation of Islam] d’intercéder, mais il nous répondit qu’il ne se sentait ‘pas prêt’. Mohamed Ali, lui, n’hésita pas une seconde et fit publier un communiqué demandant aux ravisseurs ‘de faire preuve de bonté et de compassion et de traiter Daniel de la manière dont ils voudraient que les musulmans soient traités’. Lors du service funéraire privé, Ali fut invité. Bien qu’il ne pouvait déjà presque plus parler, son regard s’illumina lorsque la famille rappela le rôle joué par le ‘champion de l’humanité’.”
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