La beauté du monde
Ô ma mère,
De combien de mots d’amour, de combien de tendresse, de combien d’affection suis-je, sommes-nous tous, tes fils et moi, en retard ?
De combien de mots de réconfort, de nuits sans sommeil te sommes-nous redevables ?
De combien de larmes de rage, de déceptions, d’angoisses sommes-nous responsables ?
J’aimerais, pour un instant, un instant seulement, pour un an, pour toujours, être ta propre mère pour ressentir ce que tu ressens pour nous, pour te comprendre, pour te rassurer, pour pleurer et rire avec toi. Pour t’aimer comme tu nous a aimés, comme tu nous aimes et comme tu nous a toujours aimés.
J’aimerais boire tes larmes et les faire disparaître à jamais de ta mémoire. Te couvrir d’or et de lumières pour que tu ne manques jamais de rien, t’inventer une histoire de reine que tu serais Ô notre reine à nous, Ô notre mère compatissante et vraie.
Mère courageuse et authentique défendant à tort ou à raison son nid avec ses dents avec ses ongles, en dépit du bon sens parfois, à son propre détriment.
-Couvre-toi maman, je ne veux pas que tu aies froid !
-Mange s’il-te-plaît, tu n’as rien mangé.
-Prend le temps de vivre, de rire puisque tu aimes vivre !
Puisque tu aimes rire !
Jamais tu n’as eu envie de tout casser, de tout abandonner et de partir ; partir n’importe où n’importe comment pour t’éloigner de cette marmaille insupportable et bruyante que nous étions parfois.
Fuir pour vivre un peu ta vie, La Vie.
Mais ta vie c’était nous !
Femme d’un seul homme, veuve à 40 ans jamais tu n’as eu envie d’un autre homme.
Sept enfants, nous étions sept enfants pas faciles, indépendants, entêtés.
Comment as-tu fait ?
Tu travaillais le jour, tu travaillais la nuit. À la mort du père, tu as tout repris en main, comme une grande fille débrouillarde et intelligente que tu étais.
Tu voulais tout ce qu’il y avait de mieux pour nous, que nous ne manquions jamais de rien et nous ne manquions jamais de rien.
Ô ma mère jolie et fraîche et propre.
Ta maison, comme toi, fleurait bon le printemps et la joie de vivre.
Tes placards, que tu montrais fièrement comme on montre des tableaux de maître, étaient toujours impeccablement rangés. Ta cuisine, si délicieuse, si pleine de toi, comme si tu mettais un peu de ton âme dans chaque miche de pain, dans chaque plat de soupe, dans chaque mets que tu préparais pour nous avec amour.
Comme as-tu fait pour rester si jeune, si pleine de vie malgré tes petits et grands malheurs ?
Comme la vie est lente et difficile parfois.
Et moi ton fils, ton frère, ton petit mari, ta force et ta faiblesse t’ai-je bien secondé ?
Tu comptais tellement sur moi.
Tu voulais que je sois ta revanche sur le monde, la victoire du bon droit et de la justice sur l’injustice et sur l’ingratitude. La consécration divine de ta droiture infinie.
Le temps se charge de tout remettre à sa place et je sens et je sais que ton « D » , e mien aussi, le même peut-être, revendicateur et bon te rendra justice.
Je t’aime toi la fille serviable et généreuse, l’épouse fidèle et responsable, je t’aime toi la mère exemplaire, la sœur altruiste et raisonnable.
Je t’aime d’avoir toujours cru en nous, quoi qu’il arrive, je t’aime pour ton courage indomptable, pour ta force de caractère, pour ton énergie, pour ton amour, pour ta lucidité, ta sagesse, ton intelligence innée, ta beauté intérieure
Plus belle que toutes les beautés du monde. Je t’aime d’avoir gardé ta dignité et ton optimisme en toutes circonstances, ta sympathie et ton rire merveilleux. Je t’aime d’avoir su comme le soleil te partager et rester entière.
La vie est là insouciante presque joyeuse, offrant ses plaisirs éphémères à nos appétits gourmands.
« Qu’as-tu fait toi que voilà pleurant sans cesse.
Qu’as-tu fait toi que voilà de ta jeunesse ? »
T’ai-je dit ce matin combien je t’aimais et combien tu comptais pour moi ?
T’ai-je répété encore et encore et encore
Que tu es la beauté du monde
Que tu es l’âme du monde
Que tu es la Femme bien aimée
Que tu es notre mère, ma mère ?
Bob Ore Abitbol
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