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La communauté juive de Tunisie doit-elle craindre la révolution du Jasmin ?

 

La communauté juive de Tunisie doit-elle craindre la révolution du Jasmin ?

Par Astrid Ribois 

La révolution du Jasmin est-elle un danger pour la communauté juive de Tunisie ? Si elle vivait en toute quiétude sous le régime du Président déchu Zine el-Abidine Ben Ali, il semble qu'elle attende désormais de voir comment évoluera la situation pour se prononcer sur un départ. Plusieurs familles ont déjà préféré quitter le pays pour Israël.

Israël doit-il s'attendre à voir davantage de familles qui, à l'exemple des 20 Tunisiens juifs ayant procédé à leur aliyah (émigration des Juifs en Terre Sainte) lors des émeutes, décideraient de quitter la Tunisie pour s'installer au sein de l'Etat hébreu ? Face aux événements, les Juifs tunisiens semblent ne pas savoir à quoi s'en tenir et restent pour l'instant dans l'expectative.

Composée de quelques 110.000 âmes il y a soixante ans, la communauté juive de Tunisie a largement décru au cours des dernières décennies pour ne compter à ce jour plus que 1500 personnes.

Tout à fait intégrée parmi la population musulmane, cette communauté distingue en son sein trois catégories, selon le journaliste Jacques Benillouche. ''La première catégorie et la plus importante se situe à Djerba''. Ne comptant pas moins de 1000 résidents, elle se compose ''essentiellement de commerçants qui se révèlent être très peu impliqués dans la vie politique tunisienne. Confirmant leur totale intégration, M. Benillouche souligne que les Juifs de Djerba ''ne parlent qu'arabe et hébreu, chose qui aurait été impensable il y a quelques décennies'' lorsqu'ils parlaient le plus souvent français. Les Juifs de Tunis sont quant à eux en grande majorité ''des industriels qui ont une situation très aisée et qui collaborent essentiellement avec les institutions pour des raisons financières'', explique M. Benillouche. Enfin il reste ''les retraités n'ayant aucune descendance et devant vivre dans des maisons de retraites dans le dénuement le plus complet''.

Paradoxalement, si la communauté juive de Tunisie est totalement intégrée, elle ne s'implique peu ou pas dans la vie politique du pays. Si elle a été très peu médiatisée lors des récents événements, c'est sans doute parce qu'elle ne se sent pas réellement solidaire de la cause des Tunisiens. ''Les Juifs de Djerba sont totalement en dehors du mouvement'', souligne M. Benillouche. Par conséquent très peu de Juifs prennent part aux manifestations et attendent plutôt de voir évoluer la situation. Liés au milieu des affaires ou alors étant trop âgés, les Tunisiens juifs semblent donc désolidarisés du mouvement de contestation qui a amené les plus démunis à se soulever contre le pouvoir en place incarné par Ben Ali. Les Tunisiens juifs ''sont confiants dans l'avenir, car ils ont l'habitude de collaborer avec les Arabes'', précise M. Benillouche, évoquant le remaniement du gouvernement.

La parfaite intégration de cette communauté pourrait s'avérer problématique dans un pays où la population, qui a réussit à renverser le pouvoir, veut en finir avec les vestiges de l'ancien régime. Déjà vingt personnes ont quitté le pays pour rejoindre l'Etat hébreu et entamer leur aliyah. Le risque pour les Juifs viendra au moment où leurs inquiétudes – la prise du pouvoir par les islamistes – se concrétiseront. Comme le souligne M. Benillouche, les islamistes sont pour le moment en dehors de la vie politique: ''Ils ne veulent pas intervenir ouvertement. Mais ils attendent le bon moment. La Tunisie va faire face à d'importants problèmes financiers. Le tourisme, qui fait vivre l'économie du pays, sera gravement touché. Le nouveau gouvernement tunisien risquera donc de tomber pour des raisons économiques, en ne tenant pas ses promesses à l'égard du peuple''. C'est à ce moment précis qu'ils essaieront de séduire la population pour espérer prendre les rênes du pouvoir.

Conscients de ce risque, les Tunisiens rejettent pour le moment cet islamisme. ''Ceux qui se battent contre le pouvoir aspirent à être libre, relève M. Benillouche. Et ils savent qu'ils perdront cette liberté si les islamistes s'imposent sur la scène politique''. D'autre part, le journaliste précise que l'armée tunisienne est acquise aux idées démocratiques, contrairement à la police qui a réprimé violemment les manifestants. ''L'armée est la garante de la démocratie en Tunisie et du combat contre les islamistes''.

Pour l'heure la communauté juive ne semble pas menacée. Seuls ceux qui ont été liés au pouvoir pourront subir des sanctions, principalement de type économique, mais aucune menace n'a pour le moment été proférée à l'encontre de la communauté juive. Le Conseil représentatif des institutions juives de France confirme d'ailleurs dans un communiqué qu'aucune ''attaque ni vexation (n'a été commise) à l'égard de la communauté juive et nous n'avons pas de signe alarmiste''. Cependant J. Benillouche souligne que la situation dans la capitale tunisienne est très différente par rapport aux régions plus au sud du pays ''où l'islam est davantage introduit. S'il y avait des problèmes à l'encontre des Juifs, explique-t-il, ils seraient essentiellement dus aux dirigeants de la communauté juive, qui contrairement aux époques précédentes, s'est très impliquée dans le gouvernement Ben Ali''.

La non-participation ne signifie pas pour autant l'opposition au soulèvement du peuple. Les Juifs de Tunisie sont au contraire enthousiastes, comme le témoignent les réseaux sociaux tels que Facebook et autre Twitter. Ils n'ont d'ailleurs subit aucune menace lors de la révolution de Jasmin. C'est notamment ce qui fait de cette révolte une particularité dans le monde arabe. Selon l'écrivain Marko Koscas, c'est ''la première fois qu'un soulèvement ne prend pas Israël et les Juifs comme prétexte. Pour une fois, les Juifs ne sont pas accusés. Ils se soulèvent pour la liberté de vivre et de respirer. Finalement, les Tunisiens se soulèvent pour devenir des occidentaux comme les autres''.

Il est donc peu probable qu'un départ massif des Juifs de Tunisie ait lieu dans les mois à venir. ''Les quelques familles qui ont décidé d'organiser leur aliyah ont probablement quitté le pays du Jamsin par choix, conclut M. Benillouche. Les événements n'ont sans doute fait que précipiter leur décision.''

[www.guysen.com]
 

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