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La farce iranienne

Un dindon normal

La farce iranienne (info # 013003/16)[Analyse]

Par Stéphane Juffa © MetulaNewsAgency

 

Aujourd’hui et demain, le président-trompe l’œil de la "République" Islamique d’Iran, Hassan Rohani, aurait dû se trouver en Autriche afin d’y signer quelques mirobolants contrats d’achat de biens et d’équipements. Il a cependant informé ses hôtes à la dernière minute qu’il annulait son déplacement "pour des raisons sécuritaires". A Vienne, dans l’ancienne capitale de l’Empire austro-hongrois, les services du Président Heinz Fischer ont annoncé ignorer de quelles raisons sécuritaires il était question.

 

En fait, Rohani était envoyé en Autriche par le "guide suprême" et unique de la satrapie chiite, Ali Khamenei, pour tenter de débloquer la levée des sanctions économiques qui les frappent ; des sanctions qui, aux termes de l’accord signé en juillet dernier entre Téhéran et les grandes puissances, auraient, en grande partie à tout le moins, dû disparaître à la mi-janvier.

 

Mais elles sont toujours en place, ce qui irrite les Iraniens au plus haut point, sans que personne ne soit capable de leur fournir une explication compréhensible. Heinz Fischer, mis sous pression par les ayatollahs, comme tous les chefs d’Etat qu’ils rencontrent, pour qu’il fasse bouger les choses, a avoué, à la télévision iranienne avant la visite prévue, "que le processus de levée des sanctions avait commencé", mais qu’ "il ne pouvait pas prédire combien de temps cela prendrait".

 

Toujours sur la chaîne Irib, Fischer a ajouté : "La levée des sanctions dépend de toute la communauté internationale et il est impossible de prédire quand cela interviendra dans les faits". Il a dévoilé une lapalissade en expliquant que "son pays ne peut à lui seul annuler les sanctions, non plus que l’Union Européenne, mais qu’il appartenait à toute la communauté internationale de le faire", entendez par là, que l’on attend le feu vert de Washington. Il a terminé son intervention en "espérant que toutes les parties restent engagées par l’accord nucléaire afin que toutes les sanctions soient levées en temps voulu".

 

Traduit de la langue diplomatique, cela signifie que l’Autrichien espère que les Perses ne réinitialisent pas leur programme nucléaire, uniquement voué à des applications militaires, pour la raison qu’ils ne reçoivent pas l’unique contrepartie face à leurs restreinte, non plus qu’une date prévisionnelle, même approximative, pour la libération de leurs cent milliards et plus, gelés dans les institutions bancaires occidentales.    

 

En réalité, les Européens aimeraient bien recommencer à commercer avec l’Iran en libérant les avoirs qu’ils retiennent, mais ils craignent des représailles de la part des Etats-Unis, qui persistent à imposer des limitations draconiennes sur les échanges avec les banques et les sociétés iraniennes.

 

A l’occasion du Nouvel an perse, le Grand leader Khamenei est sorti personnellement de son antre, très courroucé, pour affirmer publiquement que "les Américains ne respectent pas les engagements qu’ils ont pris lors de la conclusion de l’accord", argumentant qu’ "ils n’ont levé les sanctions que sur le papier, mais que, par des voies détournées, ils empêchent la "République" Islamique d’atteindre ses objectifs". Il faut bien le lui concéder, sur ce point au moins, le Guide suprême a parfaitement raison.

 

Dans les faits, il est victime de ce qu’on pourrait appeler un retour de manivelle ; car s’il est vrai que les Yankees, qui ne pipent rien à la mentalité moyenne-orientale, ils se sont fait rouler dans la farine par Mohammad Zarif lors des négociations en vue de l’accord, Khamenei apprend à ses dépens que les Iraniens, à leur tour, ne comprennent rien au mode opératoire en vigueur à Washington.

 

A Genève, Lausanne et Vienne, l’été dernier, les négociateurs de la dictature chiite ont certes eu beau jeu de ridiculiser John Kerry en vidant l’accord d’une grande partie de son sens, notamment en conservant la totalité de leurs centrifugeuses, en empêchant les inspecteurs de l’AIEA d’avoir un libre accès à leurs installations nucléaires et d’enquêter sur leurs activités passées dans le domaine de la recherche nucléaire à des fins militaires, de ne pas inclure leur programme de développement de missiles balistiques dans le traité, de ne pas provisionner la libération des Américains innocents détenus à Téhéran, et d’interdire que l’accord inclue toute mention quant à l’amélioration du respect des droit de l’homme dans leur dictature.

 

Ils étaient contents. On se rappelle le sourire moqueur de Zarif sur le balcon de son hôtel suisse ; c’était presque trop facile, il avait saisi que l’Administration Obama, pour des raisons politiciennes, avait absolument besoin d’annoncer la signature de l’accord à n’importe quel prix, et l’Iranien exploita cette faille jusqu’à la lie.

 

Depuis la signature du traité et jusqu’à l’échéance de la mi-janvier, aucune amélioration des relations entre l’Iran et les USA n’était intervenue, contrairement à ce qu’escomptait Washington : Khamenei répétait à l’envi que l’Amérique restait plus que jamais le Grand Satan, et on continuait, sur les boulevards de sa capitale, à brûler le Stars & Stripes en hurlant "Mort à l’Amérique". Mieux encore, les Gardiens de la Révolution arraisonnaient puis humiliaient des commandos-marins de la Navy en plein milieu du Golfe arabo-persique. Et puis on a multiplié les tirs d’essai de missiles balistiques, à grands frais de publicité, en invoquant, face aux critiques des Occidentaux, que les engins testés étaient inadaptés pour l’emport de bombes atomiques.

 

Pour enfoncer le clou, on a demandé au troupier de service, le Brigadier Général Amir Ali Hajizadeh, le chef de l’armement aérospatial de l’Armée iranienne, de pousser la provoc en déclarant : "Même s’ils construisent un mur autour de l’Iran, notre programme de missiles ne s’arrêtera pas", et d’ajouter : "Ils tentent d’effrayer nos officiels avec des sanctions et des invasions. Cette crainte est notre plus grande menace".

 

On a aussi prié le président potiche Rohani, le clown "réformateur" du régime, de compléter l’enchère en ajoutant : "Nous poursuivrons tous les efforts afin de renforcer notre défense, ce qui participe de notre politique stratégique".

 

La théocratie chiite a feint d’ignorer la Résolution 2231 du Conseil de Sécurité appelant l’Iran à ne pas se livrer à la moindre activité relative aux missiles capables de transporter des charges nucléaires. C’est la "République" Islamique qui avait insisté afin que la question des missiles n’entre pas dans l’accord de juillet, et elle en subit désormais le contrecoup. Il y a, dans cette résolution, plus de choses qu’il n’en faut pour permettre aux Américains de retarder sine die le déblocage des sanctions, non seulement de leur part, mais également chez leurs partenaires.

 

La junte théocratique dispose en théorie de deux solutions : la première consiste à dénoncer l’accord de l’été et à se remettre à produire de l’uranium hautement enrichi. Mais cela entraînerait automatiquement l’annulation du traité par les 5+1, ou par la partie significative d’entre eux, et ramènerait sur le tapis et avec une vigueur redoublée l’éventualité d’une action militaire de l’Amérique ou de ses turbulents alliés israéliens et arabes, qui n’attendent que cela pour en découdre avec les ayatollahs.

 

Pour ne rien arranger des affaires des Perses, Barack Obama, le président opposé par principe à toute intervention militaire mais aussi à sa propre armée, est devenu un canard boiteux en cette année électorale. Aussi, s’il ne prend pas les dispositions qui conviennent face à une éventuelle dénonciation de l’accord sur le nucléaire, on peut compter sur ses successeurs pour le faire à sa place, en particulier sur Donald Trump, évidemment.

 

De plus, aux Etats-Unis, il existe traditionnellement une disparité importante entre les décisions politiques prises par la Maison Blanche et leur mise en pratique, qui dépend de la bonne volonté d’une myriade de fonctionnaires, qui, s’ils veulent mettre les bâtons dans les roues de la politique présidentielle, pratiquent avec une efficacité redoutable. Or, à ce niveau, que l’on ait des sympathies Démocrates ou Républicaines, on a en commun la détestation du régime iranien et de l’accord dégradant conclu à Lausanne.    

 

L’autre solution qui s’offre à Khamenei est celle d’attendre patiemment la levée graduelle des sanctions, en rongeant son frein et en montrant patte blanche.

 

Il n’en existe pas de troisième, et pour l’Iran, outre le fait de s’exposer à des pressions militaires, le grand souci se situe dans la situation catastrophique de son économie. On comptait sur une amélioration fulgurante de l’état des finances avec la levée des sanctions, mais elle ne vient pas. Lors, on reste plongé dans son marasme.

 

Et la "République" Islamique est un pays pauvre, à peine mieux loti que ceux qui se trouvent en voie de développement. Avec un PIB nominal de 549 milliards de dollars pour 80 millions d’Iraniens, on obtient un PIB par habitant de 5 300 dollars (chiffres du Fonds Monétaire International [FMI]). A titre de référence, le PIB d’Israël s’élève à 300 milliards, soit 35 000 dollars par habitant. Soit un Produit Intérieur Brut pour l’Iran qui est moins du double de celui de l’Etat hébreu, mais pour une population dix fois plus nombreuse.

 

Téhéran a beau détenir la 4ème réserve de pétrole de la planète et la 2ème de gaz naturel, pour le moment, il extrait avec peine 1.5 millions de barils/jour, qu’il doit toujours négocier en-dessous du cours du marché à cause des sanctions qui le frappent.

 

Khamenei annonçait pouvoir rapidement rénover son infrastructure d’extraction et d’acheminement du brut, et élever sa production à 4 millions de b/j, voire à 4.5 millions, mais il est en train de déchanter. D’abord, parce que l’argent dont il a besoin demeure bloqué, ensuite, parce que l’on ne se trouve plus en période de ruée vers l’or noir, loin s’en faut. On est même en époque de trop plein, avec des cours désespérément bas pour les producteurs, et un marché engorgé. Dans ces conditions, complétées par un environnement politique défavorable au commerce, les sociétés spécialisées dans la recherche et le forage, dont un grand nombre sont américaines, ne se bousculent pas au portillon.

 

Avec un prix du Brent cloué au-dessous des 40 dollars, la recherche de nouveaux gisements est à peine rentable, et l’on voit que des pays autrement plus accueillants que la dictature chiite, à l’instar d’Israël, rencontrent les plus grandes peines du monde à intéresser des sociétés de forage à partager leurs risques dans des termes contractuels décents ; ce, même lorsqu’il s’agit d’exploiter des champs gaziers déjà identifiés.

 

Bref, même en augmentant sensiblement sa production de pétrole et de gaz, l’Iran n’est pas près de devenir un eldorado. Et en attendant, c’est un pays miséreux, où on manque de tout, avec un marché domestique limité à 80 millions de clients potentiels, eux-mêmes ne disposant que de moyens très réduits.

 

Ce qui nous amène à nous poser des questions quant à l’engouement quasi hystérique des sociétés industrielles pour le marché iranien. Et l’on peut déjà affirmer que cet enthousiasme est terriblement disproportionné, voire qu’il fleure le ridicule.

 

Nous nous sommes par exemple penchés sur le contrat du siècle avec Airbus, portant sur l’acquisition de 128 appareils [communication Airbus]représentant un prix catalogueannoncé de 27.5 milliards de dollars.

 

On sait, certes, qu’aucune compagnie aérienne ne paie jamais le prix affiché, qui ne sert qu’à soigner l’effet d’annonce d’Airbus et de Boeing, et que les gros contrats se négocient entre 40 et 65 pour cent du prix catalogue, les plus gros discounts étant réservés aux sociétés low cost (dont la commande se limite à un seul type d’appareil) ainsi qu’aux transporteurs aériens jouissant auprès des fabricants d’un statut privilégié.

 

Les Iraniens n’appartenant à aucune de ces deux catégories, on peut raisonnablement imaginer qu’ils obtiendraient un rabais de 50 pour cent sur les prix publiés. Il resterait tout de même 13.7 milliards de dollars à débourser. Lors, on sait que sur le marché des avions de transport, le prix d’achat d’un avion ne représente que 15 pour cent de son "coût total de possession" sur 20 ans. Cela représente pour l’Iran encore 78 milliards à trouver, et c’est toujours sans calculer le prix d’exploitation et le faible pouvoir d’achat des passagers potentiels des compagnies aériennes perses.

 

Au-delà de la vente des avions à proprement dite, Airbus entend signer un contrat supplémentaire pour la mise à niveau de l’infrastructure aéronautique iranienne, du contrôle aérien, de l’assistance pour les opérations au sol et vol, pour l’harmonisation de sa réglementation aérienne, l’enseignement au niveau technique et académique, l’encadrement des fonctions d’entretien et de réparations, ainsi que dans le domaine de la coopération industrielle.

 

Au bas mot, le coût de 92 milliards sur 20 ans pour les Iraniens devrait encore doubler, ce, alors qu’ils ne disposent pas du premier Rial nécessaire à l’achat du premier pneu du premier Airbus.

 

Si l’on considère que les représentants de la junte et les hommes d’affaire iraniens signent des contrats à tire-larigot, totalisant des centaines de milliards de dollars d’engagements, que le régime continue le développement de son armement – notamment de centaines de missiles balistiques -, achète des missiles en Russie et des chasseurs-bombardiers par dizaines en Chine, finance la guerre en Syrie, en Irak, au Yémen et le Hezbollah au Liban, et se doit d’entretenir et d’approvisionner ses immenses installations nucléaires, on doit en déduire que l’Iran passe son temps à signer des chèques en blanc.

 

Le pays dispose certes de grosses réserves de combustibles fossiles, mais qui se trouvent à des années de la solvabilité, bien plus que les fournisseurs sont capables d’attendre.

 

A ce stade de nos observations, nous sommes en mesure d’affirmer que la course au trésor des industriels étrangers en Iran, de même que le léchage des pieds des ayatollahs par les dirigeants occidentaux, le basculement des intérêts nationaux des Etats sunnites vers la junte théocratique chiite, les alliances militaires dangereuses avec les Perses, le dédain affiché pour la neutralisation du projet nucléaire militaire des ayatollahs au travers de l’accord de Lausanne, la réintégration de la diplomatie iranienne dans le giron des forums internationaux, le traitement de la dictature chiite au niveau d’une puissance régionale, le tout, moyennant l’abandon de la population autochtone aux gibets du régime ainsi qu’à l’oppression perpétuelle, sont pour le moins intempestifs.

 

Dans un avenir visible, que les sanctions soient levées ou non – leur montant étant déjà plusieurs fois hypothéqué -, la grande majorité des contrats commerciaux signés ne sera pas réalisée. En revanche, le prix politique terriblement lourd a déjà été payé en totalité et sans la moindre raison sensée.

 

On est en présence d’une formidable faute d’appréciation, causée par les difficultés économiques rencontrées par l’industrie mondiale, la nécessité de présenter des montants de contrats exorbitants aux électorats des pays démocratiques inquiets de leur situation économique, et parl’opportunisme déplacé des décideurs politiques, eux aussi fréquemment soumis à des situations inextricables.

 

Ils ont fait un géant d’un nain, alors que le nain n’est pas même capable de se tenir debout.        

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