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La France des Justes : une question d’identité nationale

 

La France des Justes : une question d’identité nationale

 

Par Nicole Guedj, ancienne ministre et présidente de la Fondation France Israël

 

En 1995, à son entrée à l’Élysée, le Président Jacques Chirac prononçait le discours historique du Vel d’Hiv dans lequel il reconnaissait le rôle de l’État français dans la déportation et l’extermination des Juifs de France. « Il est, dans la vie d'une nation, des moments qui blessent la mémoire, et l'idée que l'on se fait de son pays », affirmait-il avant d’appeler l’ensemble de nos concitoyens à ne jamais oublier.

 

À l’issue de son second mandat, la culpabilité laissant place à la fierté, le Président a mis cette fois en lumière l’histoire des Justes parmi les Nations en les faisant entrer au Panthéon. Il ne s’agissait pas de nier le douloureux passé de la France de la collaboration, mais bien de rendre hommage à celles et ceux qui, dans notre pays, se sont opposés à la barbarie nazie au péril de leur vie. « Il y a les ténèbres. Mais il y a aussi la lumière. […] Des milliers de Françaises et de Français, qui sans s'interroger, font le choix du bien. Quel courage, quelle grandeur d'âme il leur a fallu ! ». Ils furent des milliers, citadins et paysans, ouvriers, religieuses, fonctionnaires, commerçants… à ne faire aucun compromis dès lors qu’une vie humaine, serait-elle celle d’un Juif, était mise en danger.

 

Ces 3 478 « Justes parmi les Nations », à ce jour reconnus et distingués par Yad Vashem, incarnent les valeurs de la France des Lumières, de celle des droits de l’homme. Ces forts de l’ombre, ces valeureux de l’ordinaire, ont désobéi avec héroïsme, ravivé les couleurs de la République. Souvenons-nous que trois quarts des Juifs de France ont échappé aux rafles, aux arrestations, à Gurs ou à Auschwitz…

 

Ainsi, parce qu’ils aimaient trop la liberté, Jeanne et Roger Voinot refusaient qu’elle soit ravie à Rachel Kokotech, 11 ans. Sans autres questions ou états d’âmes, ce couple de boulangers installé dans un petit village de l’Yonne, la recueillirent et l’éduquèrent durant trois ans comme leur propre fille.

 

Parce que pour lui, toutes les vies se valaient, Camille Mathieu, gendarme en poste au camp de Drancy, sauva deux familles, les aidant à s’échapper et les hébergeant chez sa mère à Lignières (Cher). En 1943, Camille Mathieu sera révoqué pour avoir fait transiter des lettres aux internés.

 

Parce que même si elles ne priaient pas le même Dieu que les enfants de la colonie d’Izieu, les sœurs de la Maison d’Annernasse (Haute-Savoie) firent preuve de charité et de fraternité, en protégeant 40 petites filles juives que Renée Pallares, scout de France, avait conduites jusqu’à elles.

 

C’est l’histoire de cette France-là qu’il nous faut transmettre en exemple aux plus jeunes. Celle des Thomas qui ont fait libérer les Rosenthal, des Gazel qui ont abrité les Herszaft, des Hebras qui ont caché les Blum dans leur cave, des Pavot qui ont procuré des faux papiers aux Boros…

 

Ce sont ces destins entremêlés qui ont participé de notre identité française faite de nuances et de diversité. Nous nous interrogeons aujourd’hui sur l’ADN de notre Nation, mais les Justes avaient déjà répondu en prouvant que les différences pouvaient s’estomper pour laisser triompher l’humanité.

 

À la veille du 70ème anniversaire de la Rafle du Vel d’Hiv, au lendemain de la journée de commémoration de la Shoah, la flamme de cette France des Justes est toujours vivace. Elle témoigne de l’héritage de ces héros dont la mémoire s’élève comme un rempart face à de nouvelles atteintes à la dignité.

 

Note :

1) La Fondation France Israël a conduit, du 17 au 22 avril, en Israël, une délégation de vingt petits-enfants de Justes parmi les Nations, parmi lesquelles les descendants des familles citées dans cette tribune.

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