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La montée de l’islamisme freine la mue de la Tunisie

 

La montée de l'islamisme freine la mue de la Tunisie

Les inquiétudes montent autour de l'islamisme en Tunisie et risquent de perturber le tourisme et le redressement économique du pays. Toutes les tendances sont visées, du parti autorisé Ennahda jusqu'aux salafistes.

Ecrit par

Marie Christine Corbier

 

 

Il faut ramer pour aller à la démocratie », déclarait il y a quelques mois le Premier ministre tunisien, Béji Caïd Essebsi. Il venait alors de prendre ses fonctions et n'excluait pas des « accidents de parcours »sur le chemin de la démocratie, tout en assurant le peuple de sa vigilance. Six mois après la révolution qui a entraîné la chute de l'ancien président Ben Ali - qui affrontait hier un deuxième procès par contumace pour détention d'armes, de stupéfiants et de pièces archéologiques -, la Tunisie a du mal à faire sa mue politique.

Si la date des élections pour l'Assemblée constituante fait désormais consensus - elles se tiendront le 23 octobre -, tout n'est pas réglé pour autant. Un décret-loi important sur le financement des partis politiques, qui sera examiné demain par la Haute Instance chargée des réformes, suscite des débats houleux dans le pays. Si ce texte est confirmé dans les termes actuels, la centaine de partis politiques qui ont fleuri depuis la chute de Ben Ali se verra dans l'interdiction de bénéficier de tout financement étranger, sous peine de sanctions pénales. Le texte interdit également les aides ou dons d'entités morales et plafonne les dons des personnes privées. Les formations politiques historiques comme le Parti démocrate progressiste (PDP) ou le mouvement islamiste Ennahda - légal depuis la révolution -y voient un risque de réduction de leurs marges de manoeuvre. Le projet pourrait constituer un moyen d'affaiblir Ennahda - souvent crédité d'un gros score aux élections -, que d'autres partis soupçonnent de bénéficier de financements étrangers.

La Tunisie évolue en effet dans un contexte de méfiance grandissante à l'égard de l'islamisme. L'attaque, le 26 juin, d'un cinéma de Tunis par des salafistes a renforcé les craintes dans les milieux culturels et associatifs. Samedi, des manifestants, réunis en sit-in devant le théâtre municipal de Tunis, brandissaient des pancartes contre « l'extrémisme et la violence ». Ennahda, de son côté, appelle à faire la distinction entre les différents courants de l'islamisme qui vont d'Ennahda - parti autorisé -aux salafistes - non légalisés. « On en a marre d'entendre répéter la même chose de la part de gens qui pratiquent l'amalgame, regrette un membre du bureau exécutif d'Ennahda, Samir Dilou. Les vrais problèmes de la Tunisie, ce sont la situation sécuritaire et la prospérité économique. »

Sur le premier point, le ministère de l'Intérieur a, vendredi, annoncé un dispositif exceptionnel de sécurité pour la saison touristique de cet été afin de prévenir toute menace d'attentats des radicaux islamistes. Les bus de touristes seront incités à « ne pas aller dans des zones où la sécurité n'est pas assurée ». De quoi retarder encore un peu plus le retour des touristes dans le pays alors que l'économie tunisienne se prépare à la récession, malgré les signes prometteurs récents des bailleurs de fonds internationaux.

MARIE-CHRISTINE CORBIER, Les Echos

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