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LA NAISSANCE DE LA STAR DES FROMAGES D’ISRAËL

 

LA NAISSANCE DE LA STAR DES FROMAGES D'ISRAËL.

A force de mélanges, de dosages, le « cottage israélien » est né. La star des fromages blancs. Incontournable !

Par
Mati Ben Avraham

Au cours des années cinquante du siècle dernier, Israël Stauber, jeune ingénieur, est envoyé par Tnouva (1) en stage de formation d’une année aux Etats-Unis. Il en revint avec une idée en tête : adapter et améliorer un fromage blanc granuleux qui l’avait séduit. Ses premiers essais n’impressionnèrent guère les dirigeants de la coopérative. « C’est quoi, ces grumeaux ? », « Et puis, c’est trop acide. » Mais l’homme était têtu. A force de mélanges, de dosages, le « cottage israélien » est né. La star des fromages blancs. Incontournable ! Les concurrents – Strauss (2), puis Tara (3) n’ont pu que s’aligner et sortir un produit similaire. La coupe de 250 gr, avec la maisonnette au toit rouge, est tout simplement demeurée indétrônable (la recette demeure secrète, logée dans un coffre)… Y toucher, la mettre hors de prix, c’est comme si l’on s’attaquait à une légende dorée.

Et depuis une semaine, le pays est en ébullition. Pensez : en six ans, l’unité a pris 51% de mieux, passant de 4,82 à 7,29 shekels. Et si au Caire ou à Tunis, Face Book a rassemblé les énergies pour réclamer l’instauration de la démocratie, ici le réseau social a mobilisé les consommateurs (plus de cent milles adhésions en quelques jours) contre un crime de lèse-majesté, ou presque. Du coup, ministres des Finances, de l’Industrie et du Commerce, commissions parlementaires des Finances, de l’économie ont jugé bon de faire entendre leurs voix. Un mangeur de cottage est aussi un électeur, non…

Mais qui est donc responsable de cette flambée de prix ? Et que faire ? Le débat est épique. Tout le monde se renvoie la belle. Les solutions pleuvent, mais se contredisent. Pointés du doigt, les géants de la distribution se défaussent sur les laiteries – Tnouva, Strauss et Tara. Celles-ci accusent les producteurs de lait, soit les kibboutz et moshav. Ces derniers renvoient à l’augmentation du prix des matières premières sur le marché mondial. Et tous, unanimes, accusent le gouvernement d’avoir renchéri les coûts par des hausses intempestives : dérivés du pétrole, électricité, eau, gaz… Il est question de nommer une commission d’enquête pour en avoir le cœur net !

Les solutions. Le ministre des Finances, Yuval Steinitz envisage d’ouvrir le marché du lait à la concurrence internationale. Il réclame donc de son collègue du Commerce et de l’Industrie, Shalom Simhon, d’autoriser les importations du lait et de ses dérivés. « OK, a répondu celui-ci, mais à vous d’abord de réduire les taxes douanières qui flottent entre 100 et 200%, ce qui rend la concurrence inopérante ! » Sans oublier un détail de taille : la cacherout. Danone et Yoplait sont bien présents ici, mais parce que fabriqués sur place, avec du lait israélien. Et certains fromages français ou hollandais sont bien aux étalages des grandes surfaces, mais à regarder de plus près, on découvre sur les boites la mention : fabriqué avec du lait israélien ! Partant, importer du lait et des produits laitiers frais, sans avoir été soumis à l’approbation des autorités rabbiniques compétentes, c’est tout simplement risquer la chute du gouvernement et des élections législatives anticipées. Alors, direz-vous, cacherisez. Oui, mais la procédure est longue. Et le consommateur israélien manque de patience quand il s’agit quand il s’agit d’un produit qui l’accompagne depuis son enfance et qui scande la croissance de ses enfants.

Selon d’aucuns, pour ce faire, il suffirait de revenir en arrière, soit rétablir le contrôle des prix sur le Cottage et autres fromages blancs. Du reste, n’est-ce-pas en 2006 qu’il a été levé sur ces produits ? Et puis, de nombreux produits laitiers ne sont-ils pas toujours soumis au contrôle des prix. Une solution que les tenants du libre marché rejettent avec dédain. Alors ? Attendons. Pour l’heure, la grande distribution a lancé une vaste campagne de séduction : 2 cottages pour le prix d’un, afin de contrer la consigne de boycott du produit lancée sur Face Book.

(1)C’est en 1926 que Tnuva a été créée, en tant que coopérative, à l’initiative des kibboutz et moshavim pour la commercialisation du lait et des fruits et légumes frais. Le 7 janvier 2007, le Fond d’investissements Apax a acquis 56% des parts, le groupe Meir Shamir 20,7% et le groupement des Kibboutz 20,3%. Le groupe pèse 1, 25 milliard de dollars. Il est en position de monopole, avec quelques 70% des parts du marché laitier. Tnuva est accusée, par ses détracteurs, d’avoir accéléré la hausse des prix, entraînant Strauss et Tara dans son sillage.

(2)Strauss, c’est d’une certaine façons, un conte de fée. Tout a commencé à Naharya, en Galilée occidentale, avec l’arrivée des immigrants juifs d’Allemagne. En 1935, dans sa cuisine, Hilda Strauss fabrique des fromages pour arrondir les fins de mois du ménage. Puis c’est devenue une laiterie familiale. Aujourd’hui Strauss pèse plus d’un milliard de dollars. Les laitages, toujours, mais encore du chocolat, la glace, la confiserie…

(3)Tara, la dernière née des laiteries israéliennes, s’en est venue titiller Tnuva et Strauss, dominante l’une le marché des laits et fromages, l’autre celui des yaourts. Témoignant de ténacité, la nouvelle coopérative a réussi a prendre 7% des parts du marché. Comme l’avait souligné Jacques Bendelac il n’y a guère, « le monopole Tnuva-Strauss s’est transformé en un cartel à trois ». Exit la concurrence !

Note : Il ya un 4ème acteur sur le marché : le Kibboutz Yotvata. Partie en 1962 avec quatre vaches, la laiterie dispose aujourd’hui de 700 têtes et récolte également le lait produit par les kibboutz Yahel, Lotan et Ketura. Longtemps confinés à Eilat, les produits Yotvata se retrouvent aujourd’hui sur l’ensemble du pays. Yotvata s’est accaparé 63% du marché des boissons laitières et 49% de celui du lait fortifié. Aux dires des spécialistes, son lait l’emporte sur ses concurrents quant à sa qualité.

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