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La recette Loubavitch pour ramener les étudiants juifs à la religion

La recette Loubavitch pour ramener les étudiants juifs à la religion

 

 

Sur le comptoir à l’entrée, un grand saladier déborde de kippas. A côté, des "téfilin" sont à la disposition des visiteurs. David, 18 ans, saisit ces deux petites boîtes noires contenant des passages de la Torah et enroule sur son bras et son front les lanières, qui permettent de les fixer. Ce matin-là, le jeune étudiant en médecine n’a pas eu le temps de faire sa prière et vient « rattraper » ce devoir de pratiquant dans l’unique « Chabad on Campus » de Paris, un local 100% juif ouvert il y a un an par le mouvement Loubavitch dans un quartier étudiant de la capitale. Debout à l’entrée du restaurant aux couleurs pastels et au mobilier épuré, insensible au brouhaha de ses congénères attablés pour déjeuner, étudier ou jouer aux cartes, David achève sa prière silencieuse puis va commander un repas à moins de 5 euros.

Développé depuis des années sur les vastes campus universitaires des Etats-Unis, le concept qui allie restauration « kasher pas chère » et lieu de vie juive, s’installe progressivement en France. Un second local vient d’ouvrir ses portes sur le plateau de Saclay, où se concentrent de nombreuses écoles et formations scientifiques. « L’objectif est d’apporter aux étudiants de culture juive les valeurs morales du judaïsme », reconnaît sans détours Mendel Arnauvre. Ce jeune père de famille loubavitch de 26 ans, portant, comme le veut la tradition, longue barbe et chapeau noir, gère le local parisien. En sus des pizzas, des sandwichs, des plats préparés, d’un photocopieur et de chargeurs de téléphone en usage gratuit, le mouvement religieux propose donc des cours de talmud, de yiddish, d’hébreu, des ateliers de pensée juive ou de droit civil juif.

Stratégie de maillage du territoire

Une bonne partie des 120 personnes qui passent en moyenne chaque jour, fréquentent l'endroit pour des raisons prosaïques. Au sous sol, dans une salle calme réservée à l’étude, où des bureaux vides attendent de futurs ordinateurs, Nina, Liana et Marine, trois amies étudiantes en droit reconnaissent venir là « pour manger kasher tous les jours et réviser au calme ». Même motivation chez Lise Bachmeyer, habituée des lieux depuis la rentrée. « Avant je devais apporter un Tupperware de chez moi et je déjeunais dans mon amphi ». Mais pour cette jeune pratiquante aux yeux bleus, l’endroit comble aussi sa « recherche » sur la foi et les valeurs juives. Et la réputation « orthodoxe », voire « rigoriste », des tenants du lieu ne l’effraie pas. «Les Loubavitch sont plutôt ouverts et ne jugent pas les gens en fonction de leur pratique religieuse ou des vêtements qu’ils portent ». « On trouve ici un cadre familial, sans bourrage de crâne », assure aussi Levana Cohen, une étoile de David visible sur son décolleté.

Le mouvement Loubavitch, connu pour son judaïsme décomplexé, sa vocation à ramener à la pratique religieuse les juifs qui en sont éloignés, poursuit ainsi en France sa stratégie de maillage du territoire et de présence auprès des jeunes. Après les crèches -dont le financement public suscite de manière récurrente des polémiques à Paris-, les établissements scolaires, les centres aérés, où sont accueillis des enfants juifs aux niveaux de pratique divers, il était « logique » que les Loubavitch s’intéressent aux étudiants, estime-t-on au siège français du mouvement.

Don anonyme de 13 000 euros

Populaire au-delà des cercles orthodoxes pour sa présence dans les lieux les plus improbables, le mouvement Loubavitch cultive cette « ouverture » et sa stratégie d’implantation tous azimuts. « Grâce à eux j’ai pu manger kasher à Chypre ou à Hong Kong", témoigne Benjamin Chemla, responsable de l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) à l’université Paris-I, qui se félicite de l’ouverture d’un lieu "accessible de 7H30 à 20H ou de l’organisation de repas de shabbat pour les étudiants juifs, notamment les étrangers" esseulés dans la capitale. « Récemment, pour shabbat on était 20 de huit nationalités », sourit M.Arnauvre.

Le mouvement des Loubavitch vit en grande partie de la collecte de dons privés, qu’un système « à l’américaine » a professionnalisée depuis une dizaine d’années. Chaque année, un diner de gala, animé par un orchestre de dix-huit musiciens, et réunissant plus de 1500 personnes, dont l’ambassadeur d’Israël en France, les représentants de toutes les institutions juives de France et pléthore de femmes portant perruque, selon la tradition orthodoxe juive, rapporte entre 700 000 et un million d’euros au mouvement ; soit près de 10% du budget total, selon des responsables. Cette année, des donateurs anonymes ont versé 13 000 euros pour soutenir le développement des deux « Chabad on campus ». En échange, ils ont reçu des objets rituels « en argent massif ».

Stéphanie Le Bars

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