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La Tunisie menacée par une «crise de la soif»

La Tunisie menacée par une «crise de la soif»

Mounir Souissi 

 

 

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Coupures d'eau, barrages à sec, végétation assoiffée: la Tunisie a connu un été difficile en raison d'un important déficit pluviométrique, une pénurie qui a renforcé les tensions sociales dans plusieurs régions défavorisées du pays.

En août, le ministère de l'Agriculture affirmait que la situation pouvait devenir «catastrophique» s'il ne pleuvait pas d'ici la fin de l'été, mais depuis, les quelques orages ont été largement insuffisants pour réalimenter les nappes phréatiques et les barrages, comme celui de Sidi Salem, près de Béja (nord).

Terre de transition entre les climats méditerranéen et désertique, la Tunisie est de longue date considérée comme un pays particulièrement concerné par les problèmes hydrauliques.

Mais cette année, les précipitations -qui sont de loin la principale ressource hydrique du pays- sont en baisse d'environ 30%, souligne auprès de l'AFP le secrétaire d'État chargé des ressources hydrauliques et de la pêche, Abdallah Rabhi.

Du fait de cette sécheresse, les pertes agricoles atteignent près de deux milliards de dinars (plus de 800 millions d'euros) en 2016, d'après l'Union tunisienne de l'agriculture et de la pêche, le principal syndicat du secteur.

Depuis la mi-mai, plus de 700 coupures d'eau ont en outre été recensées par les autorités.

Officiellement, elles durent de quelques heures à trois jours. Mais Alaa Marzouki, de l'Observatoire tunisien de l'eau, assure que certaines régions de l'intérieur connaissent des coupures «de près d'un mois».

Son ONG met en garde contre «un soulèvement de la soif» dans ces zones défavorisées, où existent déjà de vives tensions sociales.

Cet été, plusieurs manifestations de protestation d'habitants en colère, ont été rapportées par des médias locaux.

«Nous souffrons», explique à l'AFP Mabrouk, un habitant de la région de Gafsa (sud-ouest), l'une des plus pauvres de Tunisie. «Nous avons acheté une citerne d'eau pour notre consommation et celle de nos animaux. Nos demandes à l'État sont restées sans réponse, alors on attend qu'il pleuve, grâce à Dieu».

Face à la sécheresse persistante, même le ministère des Affaires religieuses a appelé à des prières «pour la pluie».

Avec le déficit de pluviométrie, la trentaine de barrages du pays, qui servent à l'irrigation des terres agricoles et l'approvisionnement en eau potable, affichent des niveaux de remplissage alarmants.

Fin août, leurs réserves étaient inférieures de 40% à celles de l'an dernier à la même période, selon des chiffres de M. Rabhi.

Certains, comme celui de Nabhana à Kairouan (centre), sont totalement à sec.

Pour celui de Sidi Salem, «la diminution est de 50%», explique le chef de site, Cherif Gasmi. «Il faut remonter à 1993-1994 pour retrouver un tel niveau de sécheresse».

«Si la pluie ne tombe pas d'ici fin septembre (...), nous devrons alors puiser dans la réserve stratégique du barrage et c'est une situation très dangereuse», confie-t-il.

Le niveau des puits profonds fournissant les régions sans barrages a aussi baissé, dans certains cas de 25%, a indiqué Mohamed Dahech, PDG de la Société nationale d'exploitation et de distribution des eaux (Sonède).

Comme parallèlement, la consommation d'eau de la population augmente (4% par an en moyenne), la Sonède a exhorté les Tunisiens à se montrer plus économe.

Mais pour Alaa Marzouki, c'est surtout l'agriculture qui devrait faire des efforts: ce secteur consomme chaque année 80% des ressources en eau, contre 14% pour les ménages, 5% pour l'industrie et 1% pour le tourisme, selon des chiffres officiels.

«L'État n'a pas mis au point les stratégies nécessaires», accuse M. Marzouki, déplorant notamment «la vétusté des canalisations».

Les autorités reconnaissent que ce dernier point entraîne de 10 à 30% de pertes.

Mais si la Sonède n'a pas les moyens d'entretenir ou renouveler les canalisations, c'est en raison des factures impayées -d'usagers privés comme publics-, qui ont atteint quelque 60 millions d'euros en 2016, rétorque son PDG.

Pour répondre à la crise, le nouveau gouvernement tunisien assure que plusieurs projets de barrage, bloqués depuis la révolution de 2011, ont repris et prévoit la construction de trois usines de dessalement d'eau de mer dans le sud du pays pour un coût d'un milliard de dinars (400 millions d'euros).

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