L'antisémitisme psychique
Aujourd'hui, c'est un antisémitisme psychique qui agit et tue, celui qui pénètre tellement les esprits qu'il est inaccessible au raisonnement et passe par-dessus la nationalité, l'intégration sociale ou la culture d'origine de ses "pratiquants".
L'antisémitisme, ce chromosome fondamental de l'anti-humanisme, n'a pas la même signature selon les époques, et donne ainsi l'impression que l'on assiste à la mutation d'un même gène défectueux, à l'évolution d'un même bacille qui nous oblige à réviser sans cesse nos thérapeutiques. Il n'en est rien : les divers antisémitismes ne se succèdent pas, ils se sédimentent. Les plus anciens sont moins visibles, mais ils servent de socle aux derniers avatars, d'autant plus virulents qu'ils sont récents.
Il y a un antisémitisme religieux, fondé jadis sur la haine envers ceux qu'on accusait d'avoir crucifié le Christ -tué en fait par les Romains : ses adeptes oublient à la fois la primauté du pardon formulée par l'Evangile et la volonté exprimée par Dieu lui-même de racheter les fautes de l'Homme par le sacrifice de Son fils.
Cet antisémitisme qui se veut chrétien est donc doublement antichrétien. "N'oublie jamais que Jésus était juif", répétait à son fils, pour le détourner de toute tentation antisémite, la mère de François Mitterrand. Il y a un antisémitisme idéologique, construit par de nombreux intellectuels, parmi lesquels plusieurs Français. L'affaire Dreyfus en est, dans notre pays, le plus spectaculaire révélateur, puis le nazisme en devient, en Europe, le syncrétisme et l'absolutisme, qui place l'extermination des juifs au coeur de sa politique d'Etat.
Il y a un antisémitisme économique, de jalousie cupide. Il y a un antisémitisme géopolitique maquillé en antisionisme, nourri à partir de 1947 par les tensions au Proche-Orient et repris depuis par tous les courants islamistes qui gangrènent la région, au gré des conflits où s'implique l'Occident.
Une haine de conviction
Aujourd'hui, c'est un antisémitisme psychique qui agit et tue. Attention, psychique ne veut pas dire psychiatrique et, deDieudonné aux terroristes, ce ne sont pas des fous qui le pratiquent. L'antisémitisme psychique, c'est celui qui pénètre tellement les esprits qu'il est inaccessible au raisonnement et passe par-dessus la nationalité, l'intégration sociale ou la culture d'origine de ses "pratiquants". Il ne s'agit pas d'un rejet par déduction ou rabâchage, fruit de tel embrigadement politique ou de tel envoûtement fanatique, mais d'une haine de conviction, d'éducation -"d'instinct", même, disent-ils pour faire croire que c'est "naturel" et disculper leur famille ou leur mentor.
Les antisémites agissent par réflexe et non par réflexion : à l'ère d'Internet, leur cerveau a l'antisémitisme en pièce jointe. Destortionnaires d'Ilan Halimi aux frères Kouachi, de Mohamed Merahà Amedy Coulibaly, ils sont difficiles à combattre et -soyons lucides- impossibles à "déradicaliser".
C'est pourquoi appeler ce péril "islamo-fascisme" n'est pas satisfaisant. Il est à la fois moins organisé que le fascisme et ses foules, et pire que lui dans sa détermination antijuive. Surtout, il a réussi, par-delà le cortège noir des djihadistes anonymes, à pénétrer les individus et à leur faire croire à leur destin, à l'héroïsme du tueur de juifs. Inventé avec le 11 Septembre, ce quart d'heure warholien islamiste est l'ennemi public n°1.
En revanche, et par conséquent, nous ne sommes pas en 1933. Nulle part en Europe un pouvoir installé ne met sa machine d'Etat au service de la persécution des juifs. Certes, les actes antisémites augmentent, mais les gouvernements européens agissent tous comme il le faut, et presque tous autant qu'ils le peuvent.
En France, la peur pousse les juifs au départ vers Israël, un pays plus exposé encore, mais où l'esprit national est plus vigoureux. Mais la peur est mauvaise conseillère : contre l'antisémitisme psychique, la ligne de front est partout, et d'abord ici, en ce moment. C'est donc ici et maintenant qu'il faut protéger et riposter, ici et maintenant qu'il faut résister. Toute la nation doit se mobiliser.
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