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Le ciel continue de s'assombrir pour les agents de voyages

 

Le ciel continue de s'assombrir pour les agents de voyages

 

Le secteur de la vente de voyages a globalement résisté aux turbulences qu'il a traversées l'an dernier. 2012 commence avec des réservations en retrait pour la vente de forfaits touristiques, alors que le marché du voyage d'affaires s'annonce difficile.

 

Le secteur de la vente de voyages a finalement résisté aux turbulences de 2011 mais l'année qui vient de commencer s'annonce autrement plus sportive : tels sont, en résumé, les données et témoignages que l'on pouvait recueillir à l'occasion des 5èmes Rencontres des Métiers du Voyage et du Tourisme, organisées à Marrakech par le Syndicat National des Agents de Voyages (SNAV).

Premier constat, l'activité a été somme toute correcte l'an dernier, tant pour le voyage d'affaires, souvent prépondérant chez les distributeurs indépendants, que pour la vente de produits touristiques, en dépit -pour cette dernière -des incidences du « printemps arabe », de l'attentat de Marrakech, et de la catastrophe de Fukushima, mais aussi d'une conjoncture de moins en moins favorable en cours d'année.

Pour autant, l'heure est loin d'être à l'euphorie. Le groupement coopératif AS Voyages, poids lourd du secteur (1.210 agences adhérentes) -issu il y a deux ans du mariage des réseaux Afat et Selectour -estime à 2,6 milliards d'euros son volume d'affaires pour 2011, contre ...2,55 milliards un an auparavant. Dans le détail, il a surtout profité d'une hausse de 4,1% de son pôle billetterie, qui représente 60% de son volume de facturations et qui est essentiellement tourné vers la clientèle Affaires. Quant à son activité tourisme/loisirs, elle a bénéficié d'une « petite croissance » mais « liée à l'augmentation des points de vente (une soixantaine, NDLR) », souligne son co-président, Jean-Pierre Mas. Par ailleurs, le bilan est contrasté avec un volume d'affaires en retrait de 4% pour la saison d'été, alors qu'il avait crû de 8% pour l'hiver. Sans surprise, l'état des lieux est également contradictoire selon les destinations avec notamment une chute des ventes sur l'Egypte (-60%), la Tunisie (-40%), et le Maroc (-25%). Autre groupement important d'indépendants (environ 600 points de vente), Tourcom a également été porté par sa billetterie d'affaires en croissance de 10%, avec un volume d'affaires avoisinant le milliard d'euros, la hausse étant de 8% à 9% pour le pôle tourisme-loisirs, à 600 millions. Mais la progression n'a été que de 4% pour la revente de forfaits des tour-opérateurs. « En période de crise, constate son président, Richard Vainopoulos, mieux vaut être distributeur que producteur. On a plus de souplesse pour faire des reports ». En outre, en se tournant vers une clientèle haut de gamme depuis quelques temps, Tourcom s'est doté d'une capacité à mieux résister aux aléas, observe-t-il. Une évolution qui se combine d'ailleurs avec une demande pour des forfaits sur-mesure, un service certes encore marginal pour le groupement (16 millions d'euros) mais en pleine explosion (+ 80%).

Second constat, 2012 ne s'annonce pas sous les meilleurs auspices. Le premier baromètre mensuel d'activité mis en place par Atout France -le bras séculier de l'état en matière de tourisme - pour la vente de produits touristiques montre en effet que décembre a été mauvais en matière de réservations dans les agences avec un recul de 2% du nombre de clients et de 4,5% en termes de recettes par rapport à décembre 2010. Seule la France, premier lieu de séjour des Français, tire son épingle du jeu avec des hausses de 7,2% en trafic et de 5,7% en revenus, tirées par le regain de fréquentation confirmé pour les Antilles et la Réunion (avec notamment et respectivement une augmentation de 29% et de 65% en nombre de passagers). A contrario, le moyen-courrier accuse un recul d'un peu plus de 15%, l'impact du « printemps arabe » étant toujours sensible : l'Egypte, pour laquelle l'hiver constitue la haute saison, accuse un retard de 71% en trafic par rapport à décembre 2010. Pour le Maroc et la Tunisie, la chute est de 21% et de 51% respectivement.

Un an après le début des bouleversements politiques en Afrique du Nord, cette tendance négative devrait toutefois être mécaniquement corrigée dès la mi-janvier du fait d'un effet de base favorable. Reste à savoir si celui-ci s'accompagnera d'un rebond réel. Or, la séquence électorale à venir est de nature, comme à l'accoutumée, à affecter les ventes et les départs du printemps. En outre, le nouveau ralentissement économique annoncé voire une récession pèserait sur la consommation des ménages, tout comme sur le voyage d'affaires.

Les grands acteurs de ce secteur s'attendent déjà à une année difficile. Le directeur général d'American Express Voyages d'Affaires, Eric Audoin, pronostique une croissance de 1% en moyenne sur l'ensemble des segments de marché, après 5% l'an dernier, son homologue de Carlson Wagonlit Travel (CWT), Bertrand Mabille, parle quant à lui de « 0% au mieux ». En conséquence, la bagarre devrait être rude sur le marché des PME, considéré comme moins volatile que celui des grands comptes, et sur lequel les réseaux d'indépendants restent bien placés à condition d'être technologiquement bien outillés.

Avec leurs deux grands marchés potentiellement en repli, les agents de voyages vont devoir faire le dos rond. Chez AS Voyages, on fait d'ailleurs état de « budgets très prudents ». « Si l'activité est plate, on sera content », déclare même son directeur général, Philippe de Saint Victor. Autre exemple, Sophie Le Guyon, la patronne de Cora Voyages, le pôle voyages du groupe de distribution (17 agences + activité Internet) s'attend à une année « compliquée » après un exercice 2011 à l'étale avec un volume d'affaires de 17,6 millions d'euros pour 50.000 clients.

Or, le secteur, toujours bousculé par l'essor du commerce électronique en dépit d'importants travaux d'adaptation -les grands réseaux d'indépendants ont aujourd'hui une stratégie « multi-canal » -, apparaît déjà fragilisé. « Depuis deux ans, distributeurs et producteurs (de voyages, NDLR) ont perdu 4.000 emplois », rappelle le président du SNAV, Georges Colson. Signe des temps, ce dernier mène des discussions avec les pouvoirs publics en vue de reconduire le dispositif permettant de mieux rémunérer les salariés lors de période de chômage partiel. Une mesure à laquelle non seulement des « petits » mais aussi « beaucoup de groupes » ont recours, observe Georges Colson.

Mais la véritable menace n'est peut être pas conjoncturelle ni vraiment tangible à ce stade. Le secteur s'achemine en effet vers une nouvelle donne avec l'arrivée de Google dans l'univers du voyage.

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