Le DJ de Kadhafi

Au début de l’année, Noy Alooshe, DJ juif de Tel Aviv, s’est rendu célèbre en remixant un discours de Mouammar Kadhafi. Résultat : près de 10 millions de vues sur Internet et un écho considérable dans le monde arabe.

A 32 ans, Noy Alooshe pourrait être un Israélien comme les autres. Pourtant, ce jeune DJ, qui habite le quartier branché de Florentin au Sud de Tel Aviv, est aujourd’hui une star... Une star d’Internet ! La raison : en février 2011, il a remixé l’un des discours les plus effrayants de l’ex-guide lybien. Le top départ d’une feuilleton insolite en plein Printemps Arabe.

"Voilà ma vidéo, nous montre Noy. J’ai téléchargé le discours, et après j’ai ajouté la musique ! Kadhafi dit qu’il ira chercher ses opposants "ruelle par ruelle" (en arabe : "zenga zenga"). Au départ, je ne savais pas qu’il disait ça ! J’entendais juste répéter des mots comme "bayt bayt" ("maison par maison"), "dar dar" ("foyer par foyer"), "zenga zenga". Pour moi, ça sonnait bien et je me suis dit : Oh ! Un tube !”

Réalisé en une nuit dans son petit appartement, Zenga Zenga fait immédiatement le tour du web, atteignant en quelques jours plusieurs millions de vue. Dans les pays arabes en particulier, Kadhafi et la danseuse endiablée, rajoutée par Noy de part et d'autre de l'écran, font un tabac. Des dizaines de versions bis de Zenga Zenga sont postés par les internautes. La chanson de Noy est utilisée par les opposants au régime syrien, par des rappeurs égyptiens, par une danseuse du ventre libanaise ! Devant cette vague d'enthousiasme, les médias internationaux, de CNN à Reuters, en passant par Al-Arabiya, sollicitent Noy pour des interviews. Chose impensable jusque-là, le DJ juif de Tel Aviv est devenu une icône de la jeunesse arabe ! Au sommet de sa gloire, Noy est même invité à se produire pendant un festival au Maroc - proposition qu'il déclinera pour des raisons de calendrier.

En cette fin d'année, les choses se sont nettement calmées pour Noy. Finies les sollicitations de la presse et les soirées sans fin à échanger avec les jeunes internautes arabes. Le DJ profite désormais de sa notoriété. Un succès bâti avec 2 amis, patrons d’une agence de communication. "Noy a fait mieux pour l’image d’Israël dans le monde arabe que des milliers de réunions et de sommets, explique Lior Sasson, son cousin. Pourquoi ? Parce qu'il est quelqu’un qui a touché les gens, alors qu’il devait être a priori leur pire ennemi !" Son ami Daniel Winer poursuit : "Nous avons eu des contacts avec des Egyptiens, des Jordaniens et avec toutes sortes de pays que nous ne connaissions pas. Donc, la politique c’est pour les politiciens, mais les gens c’est les gens ! Et les gens peuvent s’entendre !"

Grâce à son succès, Noy travaille maintenant dans le studio le plus réputé d’Israël. En ce mois de novembre 2011, il ajuste les dernières notes d'un tube écrit pour Glen Vella, un chanteur maltais qui représentait l'île de Malte au dernier concours de l'Eurovision !

Comment fonctionne Noy, mélomane au talent certes discutable mais véritable "machine à tubes" ? D’où tire-t-il son inspiration ? D’abord de sa ville Tel Aviv, un espace de liberté et de tolérance dans un pays en éternel conflit. "Je pense que Tel Aviv est vraiment une grosse bulle si on compare avec le reste d’Israël, raconte le DJ. C’est dans cette ville que tout se passe ! La culture, la musique, la télévision... Ici, les gens peuvent vivre comme ils veulent. Souvent d’ailleurs, ceux qui ne sont pas de Tel Aviv ne comprennent pas que nous vivions ainsi, alors que la situation est mauvaise dans le pays."

Pas fâché d’avoir goûté à la célébrité, aussi éphémère soit-elle, Noy Alooshe poursuit aujourd'hui sa route, quelque part entre sa musique, le web et la nuit de Tel Aviv… Il continue surtout d'exploiter un très bon créneau : remixer l’actualité internationale, et il pourrait bien faire mouche à nouveau !