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LE DOSSIER SECRET DE L’AFFAIRE DREYFUS ENFIN CONSULTABLE

Le "J'accuse" d'Emile Zola

 

LE DOSSIER SECRET DE L’AFFAIRE DREYFUS ENFIN CONSULTABLE

 

 

Près de 120 ans après le début de la célèbre affaire Dreyfus, le service historique du ministère de la Défense met à la disposition des internautes le dossier secret assemblé par les services de renseignement de l’époque, et sur la base duquel les juges militaires condamnèrent Dreyfus en décembre 1894.

C’est sur demande de trois historiens que le service historique du ministère de la Défense a décidé de mettre en ligne un ensemble de pièces mythiques et ayant joué un rôle clé dans la construction de l’accusation et la condamnation du capitaine. Le dossier secret est désormais consultable dans son intégralité sur le site du SHD. En 2007, s’intéressant de près au cas de ce militaire accusé à tort d’espionnage, Pierre Gervais, Pauline Peretz et Pierre Stutin demandent à avoir accès à l’original du «dossier secret», conservé précieusement depuis plus d’un siècle mais jamais rendu public intégralement. Ce fichier a été constitué, et nourri pendant cinq années, par des militaires du Service de statistiques, le service des renseignements de l’époque. Ce «dossier secret», dont la défense de Dreyfus n’a pas eu connaissance a bien été utilisé par les juges du Conseil de guerre pour accabler Alfred Dreyfus, pourtant innocent. Les hommes du Service de statistiques y avaient consigné de nombreuses preuves de l’espionnage des deux attachés militaires pour lesquels Alfred Dreyfus était soupçonné de travailler, l’Italien Panizzardi et l’Allemand von Schwartzkoppen. Un dossier qui dépassait bien évidemment le cadre légal.

Le but des trois auteurs était, comme nous l’a expliqué Pauline Peretz, maître de conférences en histoire à Nantes et chercheuse à l’EHESS, de «reconstituer la narration sous-jacente à l’accusation que les pièces du dossier secret de 1894 permettaient de construire». Le travail a été long et difficile pour les auteurs du «Dossier secret de l’affaire Dreyfus»*, qui ont dû reconstituer, à partir de la version finale du dossier, les premiers éléments datant de 1894: «Il a été très difficile de retrouver parmi les 400 cotes, ce qui correspond à plus de 1000 documents, ceux qui étaient initialement présents dans le dossier secret, utilisés pour le procès de décembre 1894. Il s’agissait de retrouver, parmi ces pièces, la dizaine qui composait ce premier dossier.» Et ainsi de comprendre comment Alfred Dreyfus, dont il n’était absolument pas fait mention dans ce dossier, a pu se retrouver accusé.

A L’ANTISÉMITISME S’AJOUTE L’HOMOPHOBIE

Et parmi ce nombre réduit de pièces disponibles en 1894, les historiens ont repéré plusieurs lettres issues de la correspondance des attachés militaires italien et allemand, qui «mêlaient systématiquement espionnage et érotisme». Panizzardi et Schwartzkoppen entretenaient en effet une liaison homosexuelle, «des pratiques sexuelles qui étaient tolérées à Paris, mais tout de même considérées comme condamnables par les codes bourgeois de l’époque», poursuit Pauline Peretz. «On a voulu se demander ce que faisait cette correspondance homo-érotique dans le dossier secret de l’affaire Dreyfus, se demander quelle accusation les personnes qui dirigeaient le service des Statistiques ont voulu construire à charge contre Dreyfus.»

D’après Pierre Gervais, Pauline Peretz et Pierre Stutin, c’est un amalgame haineux qui a fait d’Alfred Dreyfus un accusé: «En raison des parallélismes formels existant entre judaïsme et homosexualité, il n’est pas impossible que ces similarités aient pu conduire les juges du Conseil de guerre de 1894 à penser, sur la base des pièces qu’on leur présentait à huis clos que, puisque Dreyfus était juif, il avait bien pu tremper dans ce milieu louche.» «En l’absence de preuves contre Dreyfus, le Service des statistiques a voulu construire une présomption forte: suggérer que Dreyfus était associé à des espions aux mœurs jugées comme déviantes, en introduisant pièces homosexuelles dans le dossier secret», conclut l’historienne.

* «Le Dossier secret de l’affaire Dreyfus», de Pierre Gervais, Pauline Peretz et Pierre Stutin, aux éditions Alma. Et leur site Internet: www.affairedreyfus.com.

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