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Le port de la kippa déconseillé à Marseille ? Juif pratiquant, je refuse de me cacher

Le port de la kippa déconseillé à Marseille ? Juif pratiquant, je refuse de me cacher

 

 

 
Par 
Marseillais

 

 

LE PLUS. Le président du Consistoire israélite de Marseille a "incité" les juifs de la ville à "enlever la kippa dans cette période trouble, jusqu'à des jours meilleurs". Une recommandation faite au lendemain de l'agression d'un professeur juif. David, Marseillais pratiquant, porte la kippa pour se rendre à la Synagogue et lors de ses prières. Il comprend cette incitation mais regrette la manière dont elle a été faite.

Édité par Barbara Krief

 

J’habite dans le 12e arrondissement de Marseille et je suis juif pratiquant. Comme toute la communauté marseillaise, j’ai entendu la recommandation du président du Consistoire israélite de la ville, Zvi Ammar, qui veut nous inciter à "enlever la kippa dans cette période trouble, jusqu'à des jours meilleurs". Je comprends son intention mais je regrette son impulsion.

 

En ce qui me concerne, je vais continuer à porter ma kippa, pas plus ni moins qu’avant, mais je serai plus vigilant. Je vais trouver le juste milieu entre faire comme si de rien n’était et paniquer totalement.

 

Le président du Consistoire manque de légitimité

 

Cependant, plusieurs choses me gênent dans la recommandation du président du Consistoire. Tout d’abord, j’ai du mal à lui reconnaître la légitimité de proférer ce conseil. J’aurais préféré que ce conseil soit prodigué par le grand rabbin de Marseille ou, au moins, après concertation ou en accord avec lui. Là, j’ai le sentiment que le président a agi seul.

 

A son manque de légitimité vient s’ajouter un trop plein d’impulsivité. Selon moi, sa décision n’est pas réfléchie et, même si elle l’était, elle survient trop tôt. L’agression à la machette d'un professeur juif à Marseille est un événement d’actualité grave qui, ne fait pas partie de notre quotidien. Je pense qu'il n'est pas judicieux de réagir tout de suite, à chaud. Comme il l'a fait. 

 

J’ai aussi trouvé maladroit qu’il nous conseille radicalement de ne plus porte notre kippa. Qu’entend-il par-là ? Qu’il nous faut l’avoir dans la poche ? Et que se passe-t-il si elle en tombe ? Pourquoi ne pas nous avoir conseillé de rajouter un chapeau ou une casquette par-dessus. De la garder, mais de la rendre moins visible ?

 

Je porte la kippa, mais je reste discret 

 

Il faut dire que la kippa, je ne la porte pas par esthétisme ou par provocation. Je prie tous les matins et avant chaque repas, je fais le shabbat, je vais à la synagogue et je mange cacher. Dès que je prie ou que je me rends dans un lieu de culte juif, je mets ma kippa.

 

C’est un moyen de sentir qu’il y a une force au-dessus de moi. Cette force, c’est Dieu. Même un petit bout de tissu ferait l’affaire. C’est ce qu’il représente qui compte.

 

Je ne cherche pas à ce que cela se voit ou à avoir un certain look.Je suis brun, ma kippa est noire. C’est discret et ça me convient parfaitement. Parfois même, je me contente d’un chapeau ou d’une casquette.

 

Et même quand je n’ai pas ma kippa sur moi, il me suffit d’y penser pour sentir la supériorité et la présence de Dieu. D’ailleurs, je suis avocat et pour des raisons professionnelles, je ne la porte pas quand je plaide ou quand je suis avec un client. Je suis donc tout à fait raisonné et mesuré dans l’utilisation que j’en ai. Je ne suis pas prêt à la cacher systématiquement ou à m’en passer pour autant. Mais je veux bien faire de concessions.

 

Kippa sur la tête, je me suis fait traiter de "Sale juif, assassin"

 

Je ne me sens pas spécialement en danger à Marseille lorsque je porte ma kippa. Bien sûr, je suis plus à l’aise dans certains quartiers que d’autres. Lorsque je me balade dans le mien, le 12e qui est plutôt tranquille, je me sens relativement en confiance. Lorsque je traîne un peu dans d’autres coins, il m'arrive d'être moins à l’aise.

 

Je n’ai jamais eu peur et je ne me suis jamais fait agresser. Par contre, je me suis déjà fait traiter de « sale juif» parce que je me baladais dans la rue avec ma kippa posée sur la tête.

 

C’était il y a à peine un an, alors que je me promenais dans la rue, une voiture a ralenti à mon niveau et j’ai entendu un homme dire en ma direction : "Sale juif, assassin". Je n’ai même pas été choqué ni effrayé, ça m’a simplement rendu triste.

 

J'ai de la peine pour celui qui m'a insulté 

 

En y repensant, j’ai même eu de la peine pour cette personne. Je ne sais même pas quelle était son origine ou sa religion et ça n’a pas vraiment d’importance. Tout ce qui compte, c’est qu’aujourd’hui, dans ma ville, on m’insulte parce que je suis juif.

 

J’ai vite relativisé, je me suis dit que je n’avais tué personne et que ce monsieur ne connaissait pas la fréquence de mes douches, il peut donc bien me traiter de "sale juif assassin", il n’y a qu’un seul des trois qualificatifs qui me correspond. Et celui-là, il ne me procure aucunement de la gêne et encore moins de honte. 

 

Finalement, cette recommandation est une petite victoire pour les agresseurs. Ils ont réussi à semer la peur et même à faire ôter à certains juifs de Marseille leur kippa. Je suis d’accord avec le grand rabbin de France lorsqu’il parle de "ne pas renoncer". A ce stade, c’est un rapport de force et une confrontation entre la liberté d’exercer son culte et la menace d’être agressé pour ses croyances. Si nous perdons cette lutte, nous nous mettons directement en danger.

 

Propos recueillis par Barbara Krief

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