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Le rachat des prisonniers : un commandement suprême

 

Le rachat des prisonniers : un commandement suprême

par Jean-Marie Allafort

 

 

Le rachat des prisonniers est un commandement de la Tora. Les Sages de Loi lui ont conféré une signification hautement morale touchant jusqu’au fondement même du judaïsme. L’accord signé entre Israël et le Hamas pour ramener un seul captif au sein de son peuple est à comprendre comme un acte hautement religieux même s’il est accompli par un gouvernement composé majoritairement de non pratiquants. Le rachat des captifs est un commandement profondément ancré dans la conscience collective du peuple juif. Le prix exorbitant que les Juifs ont dû payé au cours de leur douloureuse histoire pour libérer les captifs est au-delà du "raisonnable" comme l’est aujourd’hui l’accord avec le Hamas qui échange Guilad Shalit contre 1027 prisonniers (la majorité des terroristes) qui ont causé la mort de 599 personnes innocentes.

Déjà dans le livre de la Genèse on raconte qu’Abraham a risqué sa vie pour libérer son frère Loth : "Dès que celui-ci apprit la capture de son frère, il mit sur pied trois cent dix-huit de ses vassaux, liés de naissance à sa maison. Il mena la poursuite jusqu’à Dan…" (Gn 14, 13-16). Dans le livre des Nombres, les fils d’Israël partent en guerre pour libérer les prisonniers des mains du roi d’Arad (Nb 21, 1-3). Un autre cas célèbre est celui de la libération des captifs aux mains des fils d’Amalek par le roi David et ses compagnons (1 Samuel 30, 3-30).

Selon Maïmonide, l’un des plus grands décisionnaires de la Loi qui a vécu au 12ème siècle, le commandement du rachat des captifs trouve son assise dans 7 versets de la Tora dont le célèbre verset : "Tu aimeras ton prochain comme toi-même". Dans le Mishné Tora, Maïmonide explique : "Il n’y a pas de commandement plus grand que le rachat des prisonniers parce que le captif est celui qui a faim, soif et nu et que sa vie est en danger. Celui qui n’accomplit pas ce commandement transgresse 7 commandements de la Tora" (Mantanot Haanyim 8, 10). Le maître espagnol écrit plus loin, se basant sur la mishna du traité Guittin, que le rachat des captifs est directement lié à la notion de rédemption du monde.

Un texte ancien de l’époque talmudique donne une telle importance au commandement du rachat des captifs qu’il n’hésite pas à statuer que l’on doit vendre un rouleau de la Tora s’il le faut pour l’accomplir : " Si l’on ne se dépêche pas d’assurer la délivrance d’un prisonnier on est considéré comme ayant versé son sang. On vendra un rouleau de la Tora pour racheter un prisonnier" (Tosefta, Baba Bathra 8, b).

Au cours du Moyen-âge et dans les siècles suivants, les communautés juives ont souvent payé un lourd tribu pour libérer leurs prisonniers des mains des gentils dans des circonstances souvent dramatiques. Les décisionnaires ont multiplié les lois et recommandations pour encadrer juridiquement ce commandement.

Depuis la création de l’Etat d’Israël, la libération des prisonniers est régulièrement d’actualité. Cet acte, considéré comme hautement moral, est une manifestation plus que symbolique de la solidarité profonde du peuple et du destin commun partagé. Les grands décisionnaires juifs d’Israël comme le grand rabbin de Tsahal Shlomo Goren, le rav Shaoul Israéli ou le leader spirituel du Shass et ancien grand rabbin Ovadia Yossef ont toujours statué pour la libération des captifs même si le prix à payer devait être très lourd et même s’il fallait relâcher des terroristes avec du sang sur les mains. Ce commandement, qui en apparence affaiblit Israël, fait sa force morale et spirituelle.
De ce fait, la libération de Guilad Shalit n’est plus l’affaire privée d’une famille mais bien celle de tout un peuple pour qui la vie et la liberté recouvrées sont des valeurs suprêmes religieuses.

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