LE VRAI SENS DE SOUCCOTH
Souccoth, sous les branchages de la paix
Par Philippe Haddad
Souccoth - fête de Cabanes- clôture le cycle des trois fêtes de pèlerinage et invite le juif à sortir de « sa demeure fixe pour vivre une semaine dans une demeure provisoire ». A travers ce rite, le citadin sédentaire retrouve, un tant soit peu, la dimension nomade de ses ancêtres hébreux. Par-delà cette spécificité cultuelle, la tradition rabbinique met en évidence la dimension universelle que recèle cette solennité « écologique ».
Quatre commencements pour une année :
Le Talmud[1] présente quatre Rosh Hashana, quatre débuts d'année situés le long d'un cycle liturgique et agricole. Sans entrer dans les détails techniques, retenons l'idée que notre calendrier insiste sur la notion de commencement plutôt que sur celle de fin. Point de fêtes de fin d’année dans le judaïsme, mais des inaugurations de temps. Au plan de la pensée religieuse, ces renouvellements invitent la conscience du croyant à se renouveler dans le service de Dieu. Recommencer à étudier, recommencer à prier, recommencer à s'engager dans la communauté, recommencer à aimer, autant de défis permanents pour la foi.
A l'analyse de ce découpage, nous distinguons deux périodes : celle qui va du 1er nissan au 1er tichri, et celle qui s'étend du 1er tichri au 1er nissan.
Temps d'Israël et temps universel :
La première période exprime le temps propre d'Israël, depuis la sortie d'Egypte (naissance physique du peuple) jusqu'au don de la Torah (naissance de l'entité politique). A la lumière de l’enseignement de nos sages, la seconde période a ceci de particulier : elle interpelle l'universel. Ce fait surgit de façon manifeste lors des solennités de tichri : Rosh Hashana, anniversaire de la création d'Adam et Eve ; Kippour où le repentir d'Israël se conjugue avec celui de Ninive (Jonas), quant à Souccoth, il était au Temple ce moment de joie, où les cohanim sacrifiaient soixante-dix taureaux pour les soixante-dix nations nées à Babel. Le coup de génie du calendrier juif, qui dénote une authentique vision universelle, est d'alterner tous les six mois, le temps singulier d'Israël et celui des peuples de la terre. Plutôt que de remettre à zéro les compteurs de l'histoire, la naissance de « la royauté de prêtre » convoque à une plus grande vigilance éthique à l'égard de l'humain.
La pluie de bénédiction :
Cette dimension universelle de la fête de Souccoth ne s’exprime pas uniquement par le sacrifice des soixante-dix taureaux[2], mais le huitième jour, nommé Chémini Atséreth[3], nous demandons la pluie pour le monde entier. Bien que nous suivions les saisons du pays d’Israël, notre prière se manifeste à l’égard de l’humanité tout entière, sans distinction de peuple. Ici encore, le particularisme juif ne peut s’entendre que dans cette vocation de porteur de bénédiction pour « les familles de la terre »[4].
Une solennité messianique :
Le prophète Zacharie, l’un des derniers prophètes, révèle une autre dimension de Souccoth : cette fête deviendra, à la fin des temps, une solennité pour toutes les nations. Il faut relire le chapitre quatorze du prophète[5], où Zacharie décrit tout d’abord un terrible conflit mondial qui se déroulera à Jérusalem. Le vainqueur de ce combat sera Dieu Lui-même, reconnu « roi sur toute la terre. »
Après le déluge du feu des armes, une ère de paix débutera, et Souccoth soulignera cette fraternité universelle. De même que la fête de Pessah proclama la liberté d’un peuple, la fête de Souccoth marquera la naissance d’une humanité libérée de sa violence. La colombe de la paix aura enfin un lieu où se nicher, à l’ombre d’une maison aux rameaux verdoyants, évoquant la tente d’Abraham.
Notre planète ressemble, dit-on, à un village planétaire, mais pour l’heure trop de logis sont encore repliées sur leurs propres revendications. L’espérance d’Israël n’est pas de croire qu’un jour l’humanité deviendra juive, mais qu’un jour les hommes vivront l’amitié des cœurs sous les branchages de la Paix.
[1] Début du traité Roch Hachana.
[2] Depuis la destruction du Temple, nous nous acquittons du culte antique par la lecture de la Torah concernant ces sacrifices.
[3] Huitième (jour) de clôture.
[4] Genèse XII, 1 à 3.
[5] Texte lu durant la fête de Souccoth.
http://irpourdemain.over-blog.com/pages/Le_vrai_sens_de_Souccoth-9185.html
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