Les écrivains judéo-algériens
En ces jours funestes où les haines et les guerres sacrées très sales sont devenues la culture quotidienne, banale, dans le monde arabo-musulman, et afin de lever tout amalgame politico-culturel, j’évoque la littérature judéo-algérienne d’expression française.
Si l’école judéo-algérienne de musique est considérablement connue, par le large public comme par les spécialistes, la littérature judéo-algérienne, quant à elle, demeure totalement méconnue ou tabou.
Le monde de la culture artistique connaît assez bien les génies de la musique et de la chanson à l’image de cheikh Raymond, Reinette l’Oranaise, Lili Labassi, Blond-Blond, Salim Halali, José de Suza, Lili Boniche, René Perez, Maurice El-Medioni, et j’en passe. Une école judéo-algérienne qui a marqué l’histoire de la musique algérienne jusqu’à nos jours.
De l’autre côté, la société littéraire et les gens du livre algériens ne savent rien ou peu de chose sur les écrivains judéo-algériens, à l’image de :
Elissa Rhaïs, de son vrai nom Rosine Boumendil, qui est considérée comme la pionnière de la littérature judéo-algérienne. Elle est née en 1876 à Blida, et décédée en 1940. La première écrivaine algérienne publiée et reconnue en France. Je rappelle quelques-uns de ses titres : Le Café chantant, La Fille des pachas, La Fille du douar, Le Mariage de Hanifa, Enfants de Palestine…
Sadia Lévy, née à Oran en 1875 et décédée en 1951, fut l’une des proches du poète Guillaume Apollinaire. Jean Sénac a témoigné et a reconnu de ce qu’il doit à l’érudition de Sadia Lévy. Elle a écrit quelques titres en collaboration avec Robert Randau, chef du courant littéraire algérianiste, parmi eux un recueil de nouvelles intitulé Onze journées en force.
Jules Tordjman est né à Béchar en 1907 et décédé en 1990, son génie poétique a été salué par Léopold Sédar Senghor et par Emmanuel Roblès.
Maximilienne Heller, de son vrai nom Fénech, est née à Constantine en 1889 et décédée en 1960. Elle est lauréate du Grand prix littéraire de l’Algérie en 1922. Ses écrits sont jugés anticolonialistes.
Jeanne Benguigui est née à Sidi Bel-Abbès en 1922 et décédée en 2003 : son livre Conte de Sidi Bel-Abbès montre son attachement à sa ville natale et à sa riche culture populaire.
Albert Bensoussan est né en 1935 à Alger où il a passé sa jeunesse, professeur au lycée Bugeaud d’Alger (aujourd’hui lycée Émir Abdelkader) jusqu’en 1961. L’Algérie est fort présente dans son œuvre, en particulier l’univers judéo-arabe. Son recueil de nouvelles L’Echelle algérienne évoque avec détails la vie de cette communauté.
Myriam Ben, née Marylise Ben Haïm à Alger en 1928 et décédée en 2001, fut romancière, poétesse, peintre et une voix anticolonialiste. Parmi ses livres à retenir et à lire : Le Soleil assassiné (poésie), Au Carrefour des sacrifices (poésie), Quand les cartes sont truquées (Mémoires), Sabrina, ils t’ont volé ta vie (roman).
Hélène Cixous née en 1937 à Oran fut une grande figure littéraire, critique et philosophique d’aujourd’hui, elle est aussi connue pour ses engagements féministes et anticolonialistes. Elle a écrit une cinquantaine de livres, tous genres confondus, entre autres : Le Prénom de Dieu, Le Jour où je n’étais pas là, Ève s’évade : La Ruine et la vie…
D’autres écrivains et philosophes judéo-algériens sont devenus des légendes et ont toujours l’Algérie dans leur cœur et dans le verbe : Jacques Derrida, né à Alger en 1930, décédé en 2004. Jean Daniel Bensaïd, dit Jean Daniel, né à Blida en 1920, écrivain, journaliste et fondateur du Nouvel Observateur, un militant et grand ami de la révolution algérienne…
Si les écrivains algériens d’expression française d’origine arabe (Mohammed Dib, Malek Haddad, Mostefa Lacheraf) ou d’origine berbère (Mouloud Feraoun, Mouloud Mammeri, Jean Amrouche) ont une place dans les réflexions universitaires, les écrivains judéo-algériens, quant à eux, sont totalement oubliés.
En ce temps de haine et des guerres sacrées sales, et afin de réveiller l’image d’une Algérie plurielle, il faut que nous n’oubliions jamais le chahid Fernand Iveton, ce juif algérien, mort pour l’indépendance de l’Algérie libre. Il a été condamné à mort par la France coloniale et guillotiné en 1957. Il a écrit : « Dans la vie d’un homme, la mienne compte peu, ce qui compte, c’est l’Algérie, son avenir, et l’Algérie sera libre demain ».
Amin Zaoui
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