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Les amis juifs du pape

Les amis juifs du pape

 

Le dialogue et la mémoire de la Shoah

Le pape François a salué amicalement des rabbins présents à l’audience générale du mercredi place Saint-Pierre, et parmi eux, l’ami de longue date, le rabbin argentin Abraham Skorka, de Buenos Aies, avec lequel il a écrit un livre et qui a, à sa demande, préfacé le livre du cardinal Jorge Mario Bergoglio sur sa vie.

Le Mouvement des Focolari organise en effet à Castelgandolfo (10-13 juin) un symposium réunissant 12 personnalités juives de différents pays et 15 chrétiens sur le thème de l’ « Imitatio Dei » – l’Imitation de Dieu -, comme « concept biblique central et fondement d’une vision de l’homme en tant qu’être essentiellement relationnel, dont la dimension spirituelle doit être considérée en même temps que sa dimension physique, sociale, historique », indiquent les organisateurs, avec ce titre: « Juifs et chrétiens ensemble pour approfondir la dimension spirituelle du dialogue ».

Lors d’une rencontre avec la presse, au siège de Radio Vatican, aux côtés de Amelia Uelmen, de la Forham University (New York) et de Roberto Catalano, du Center pour le dialogue interreligieux des Focolari, quatre rabbins ont souligné la méthode de dialogue mise en oeuvre par ce symposium. Et ils ont fait certaines confidences sur leur rencontre amicale avec le pape.

Le rabbin Abraham Skorka a souligné l’importance d’un dialogue qui permettre de se mettre à la place de l’autre, « dans les chaussures de l’autre » – pour « développer notre capacité d’empathie », pour chercher à « savoir qui est l’autre, à le comprendre », et qui conduise jusqu’à « aider l’autre », créer des situations où l’on peut parler sans barrières. C’est ce qui s’est passé leurs de la rédaction de son livre avec le pape: aucun sujet difficile n’a été écarté, ni la situation en Argentine et les années de la dictature, ni le conflit palestino-israélien, le rôle de Pie XII pendant la Shoah.

La mémoire de la Shoah

Il a rapporte que lorsqu’il travaillait au livre avec le pape et un journaliste qui enregistrait les conversations et mettait ne ordre ensuite le dialogue, ils ont chacun été frappés par un deuil. Le cardinal Bergoglio a vu mourir un frère, le rabbin, son beau-père, le journaliste sa maman. Un jour, le cardinal demande au journaliste: « Comment va ta maman? » « Elle est décédée », lui a répondu le journaliste. Le rabbin a vu le cardinal fermer les yeux, se recueillir sans un mot: il dit avoir vu à ce moment une vraie empathie, une vraie proximité silencieuse à la douleur de l’autre, en même temps que la prière silencieuse pour la défunte et sa famille. Il dit avoir appris quelque chose sur la mort avec le pape Bergoglio, et espère avoir aussi laissé « quelque trace » dans le coeur du pape.

Interrogé par Zenit sur transmission de la mémoire de la Shoah, il a répondu : « Le drame de la Shoah a été un drame juif, c’est le peuple juif qui l’a souffert. Mais il doit rester absolument dans la mémoire de l’humanité. Pour qu’il ne se produise plus, ni avec les juifs, ni avec personne. C’est une exigence. Quand, dans le livre, le pape François – alors l’archevêque de Buenos Aires Bergoglio – analyse le thème de la Shoah, il l’analyse, il en parle comme s’il était juif! Parce qu’il dit: il y a eu beaucoup d’horreurs, de drames énormes, au XXe siècle et dans l’histoire, mais la Shoah a une dimension spéciale dans l’horreur. Et c’est ce qu’un juif pourrait dire; parce que seulement tour le fait qu’ils étaient juifs on a tué des enfants, des bébés. Il n’y avait pas moyen de fuir; il n’ai avait pas de haine plus terrible que cet assassinat systématique, cette destruction, cette fabrique de la mort, pour le simple fait d’être juif. Et on pourrait dire bien davantage, de l’unicité de la Shoah. Ce n’étais pas seulement détruite les vivants. On a aussi détruit les cimetières. Il s’agissait de détruite le présent, l’avenir et le passé, de gommer les juifs de l’humanité. Et ce dialogue [avec le pape] nous a rapproché, par une grande affection. Il a une grande empathie envers nous les juifs. »

Dans le livre en effet, un chapitre entier 13 pages) est consacré à la tentative hitlérienne d’anéantir le Peuple juif, à l’Holocauste. Le pape y dit ceci: « La Shoah … a une particularité. Je n’entends pas dire par là qu’il s’agisse d’un génocide de première importance, et que les autres passent au second plan. Mais il est certain qu’elle révèle une particularité: la construction d’une idolâtrie contre le peuple juif. La race pure et le surhomme sont les idoles sur lesquelles le nazisme s’est édifié. Il ne s’agit pas seulement d’un problème géopolitique: c’est aussi une question religieuse et culturelle. Chaque juif tué fut une gifle au Dieu vivant au nom des idoles. » Il dit sa lecture – avec répugnance – du livre de Rudoph Höss, préface par Primo Levi: « Commandant à Auschwitz ». Et  commente: « La froideur avec laquelle cet homme décrit ce qui s’est passé à Auschwitz est un signe clair du caractère diabolique de ces événements. » Plus encore, il explique l’anesthésie de la conscience:  » Le diable s’est manifesté à travers des idoles capables de rassurer la conscience humaine » (Le ciel et la terre, édition italienne, Mondadori, 2013, pp. 161-162).

Heureux de vous voir, ici!

Le rabbin Mario Burman, argentin également, a rapporté que quand le pape l’a reconnu, il lui a dit: « Je suis heureux de vous voir ici! » Le rabbin lui a répliqué du tac au tac: « C’est nous qui sommes heureux de vous voir, ICI! » Il a cité le regretté rabbin Leon Klinicki et sa vision du dialogue, la première étape étant en quelque sorte le dialogue du « thé », mais on reste chacun soi-même, le dialogue en change par les interlocuteurs: une somme de deux dialogues ne quelque sorte. La deuxième étape est une étape de croissance de la confiance  et puis le dialogue débouche sur un vrai échange qui change les interlocuteurs, les fait se rencontrer. C’est ce qu’il appelle faire prendre un « virage » au dialogue.

Il a cité en exemple la célébration du « semer » pascal en dehors du cadre familial pour permettre à d’autres, notamment des prêtres et des séminaristes de savoir ce que les juifs célèbrent quand ils célèbrent leur « liberté ». C’est important pour des personnes qui ensuite auront une chaire ou prêcheront. Il a souligné l’importance de l’action du cardinal Bergoglio à Buenos Aires et qu’il puisse maintenant élargir son expérience à toute l’Eglise, au monde. 

Le rabbin Rafael Hodara, de Montevideo a fait observer qu’une confraternité judéo-chrétienne exige en Uruguay depuis 1958,  à l’initiative d’un rabbin, de deux prêtres catholiques et d’un pasteur protestant. Il travaille pour l’organisation juive Bnai Berith, fondée en 1843, mais présente dans le pays depuis 76 ans. Il souligne que le travail de dialogue permet d’aborder le chrétien sans les blocages dus à l’identification avec l’époque de l’Inquisition, et pour le chrétien le juif sans les préjugés séculaires, mais avec la volonté de connaître les traditions respectives. 

« Nous avons un patrimoine commun, nous avons une racine commune: après deux mille ans d’affrontements, il faut faire connaître ce que nous avons en commun. Nous devons faire connaître qu’il n’y a qu’un seul Dieu, que nous sommes ses enfants, ce qui fait notre fraternité: nous sommes frères, enfants du même Père », insiste le rabbin.

Le rabbin Eric Tsvi Blanchard, de New York, parfait francophone, a souligné qu’au moment où le pape s’était approché de leur groupe, derrière eux, une maman voulait présenter son petit enfant au pape, le lui faire bénir, mais le service d’ordre la retenait. Puis le pape l’a vue, a fait signe au service de sécurité, a pris l’enfant dans ses bras. Le rabbin raconte avoir vu « tout l’amour du pape  se déverser sur cet enfant »: « cet homme est capable d’un énorme amour », a-t-il conclu.

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