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Les Juifs sont-ils toujours en France ?, par Shmuel Trigano

 

Les Juifs sont-ils toujours en France ?, par Shmuel Trigano

 

 

Tout n’a-t-il pas déjà été dit en matière de traitement du conflit du Proche Orient par les médias français et plus largement européens ? On observe à nouveau, avec la récente opération à Gaza, la récurrence d’un scénario habituel.

Pour l’observateur d’un certain âge, qui a connu l’évolution des choses depuis la guerre des six jours, il ne fait aucun doute que l’atmosphère entourant Israël (et les Juifs, plus profondément) a totalement changé, et c’est un euphémisme.

L’inimitié, le manque de fair play, la distorsion des faits depuis 12 ans ont déjà été démontrés et déconstruits systématiquement. Mais cela continue, au point de sembler devenir la règle. Il n’y a quasiment aucun lieu dans lequel un Juif (pourvu qu’il ne soit pas « en phase terminale », selon la formule de R. Drai) puisse reconnaître son point de vue sur les événements.

Les médias reflètent le point de vue arabe sur la situation et adoptent, plus précisément, la propagande de guerre des Palestiniens, une propagande à destination de l’Occident qui est leur principale arme contre Israël mais aussi les Juifs. Ses retombées sur ces derniers en Europe en sont le témoignage éloquent. Ce n’est un secret pour personne que pour porter cette propagande s’est constitué un impressionnant dispositif mondial de désinformation et d’activisme sous le patronage de l’Autorité palestinienne et du Hamas, relayés dans le monde occidental par des centaines d’associations sympathisantes. Mais peut-on parler des médias seulement quand la France présente un plan de cessez le feu « franco-qatari » ? Et pas « européen » …

On pourrait trouver normal que le point de vue arabe occupe toutes les scènes d’un pays arabe dans une opinion où l’antisémitisme le plus violent fait des ravages. Mais en France ?

La France épouse-t-elle à ce point l’opinion de sa population d’origine arabo-musulmane ?

Et cette population est-elle devenue si importante et décisive que les médias adoptent son opinion « spontanément » (quoique cela soit difficilement crédible) ?

Nous pouvons prendre comme exemple paradigmatique un récent reportage de France 2 pour prendre la mesure du phénomène aujourd’hui.

Décryptage d’une scénette télévisuelle

Ce reportage de la journaliste Sama Soula, produit quelques jours après que les canons se sont tus, durant la semaine du 19 novembre 2012, nous fait pénétrer dans une famille de Gaza, clairement qualifiée de « grande famille » (c’est dire son poids politique et donc partisan), dans l’intimité de laquelle on nous montre les portraits de ses membres tués dans le conflit qui oppose les Palestiniens à Israël au fil de plusieurs générations. Des témoignages de jeunes enfants sont avancés qui demandent « pourquoi les Juifs nous tuent et nous empêchent d’avoir un Etat ? ». Le reportage se termine sur l’expression d’un esprit de revanche et de vengeance d’un jeune adolescent. En somme, la caméra braque son focus sur l’innocence, l’enfance, la tragédie sanglante, la famille, l’absurde.

Il faut cependant rappeler la façon dont ce « reportage » est introduit en soulignant le ton théâtral affecté de David Pujadas qui dirige l’attention des téléspectateurs sur la disparité du nombre de victimes en appuyant oralement sur le nombre de victimes palestiniennes (plus d’une centaine) pour l’opposer aux quelques victimes israéliennes, afin de suggérer lourdement le scandale que cela représente, et sans prendre en considération le nombre de soldats du Hamas inclus dans ce nombre, installant ainsi en bloc les Gazaouis dans la position des victimes et des faibles. Peut-être aurait-il mieux valu qu’il y ait plus de victimes juives ? On ne saura jamais rien des prodiges technologiques mis en œuvre par Israël pour éviter de tuer des civils. On aura oublié que Gaza est aux mains d’un mouvement totalitaire et dictatorial qui terrorise la population autant qu’il cherche à terroriser les Israéliens. On ne saura pas rien de cette organisation terroriste qui a pris possession d’un quasi-Etat, capable de bombarder Israël de 1500 missiles en une semaine, et qui a installé son quartier général à l’hopital Al Shiba, utilisant les civils, les mosquées, les écoles, les stades pour y dissimuler ses rampes de lancement. On ne saura pas que, pendant le séjour de Sama Soula (qui dormait sans doute ce jour-là ou était trop déprimée par l’interdiction du Hamas faite aux journalistes étrangers de quitter Gaza), elle a exécuté, sans procès, des Palestiniens « suspectés » de collaboration avec Israël et dont les cadavres ont été traînés par ses sbires dans les rues de Gaza, à la traîne d’une mobylette. De tout cela les téléspectateurs français n’ont rien su, ni des enfants de 6 ans portant des armes dans les rues de Gaza et ainsi de suite. Le discours cinématographique purement émotionnel et impressionniste l’a emporté sur l’information et les faits.

La pratique habituelle de l’interview de ces reportages obéit d’ailleurs à un modèle fixe : Il propose une « story », un récit personnalisé dans lequel on nous présente un individu que l’on nomme et que l’on montre en situation de sa vie courante pour que le téléspectateur puisse s’identifier à lui. Sauf que seuls les Palestiniens bénéficient de cette humanisation. Dès qu’il s’agit d’Israël, les prises de vue sont distanciées : on voit des tanks, des soldats, un bus explosé ou l’inénarrable Enderlin, la plupart du temps debout devant une institution de pouvoir israélienne (le côté « inhumain » d’Israël) ou, suivez mon regard, devant la Cour suprême à Jérusalem. Le téléspectateur ne saura pas grand chose de ce que vivent un million de personnes sous la menace et le tir de missiles depuis de nombreux mois. Il ne saura quasiment pas qu’il y a des personnes en Israël avec leur histoire. Il faut que la « soldatesque » leur fasse écran ! C’est bien le signe qu’Israël est devenu dans le regard du journaliste français un mythe lointain que l’on ne prend plus la peine d’interroger. Quant au témoignage des Palestiniens, il semble frappé d’amnésie ou plutôt c’est le cas de Sama Soula qui devrait faire référence à la réalité : exit l’immense responsabilité depuis un siècle des leaders palestiniens sur la situation dans laquelle ils sont, exit leur refus (violent dans le cas du Hamas) de l’existence d’Israël même. Rappelle-t-elle qu’Israël s’est retiré de Gaza pour se voir déclarer la guerre aussitôt, au nom d’un islam suprématiste, que la population est aussi responsable de ses dirigeants qu’elle a d’ailleurs célébrés pour leur « victoire » dans les rues de Gaza ?

On peut penser que la journaliste ait une fibre personnelle qui la pousse à adopter l’ethnocentrisme de ses interviewés ou à y faire écho. Cette fibre, par contre, Enderlin ne l’a pas. C’est même le contraire de l’empathie qu’il illustre. Et ainsi en est-il en général des Juifs invités sur les plateaux de télévision : on est sûr qu’ils se livreront à une critique d’Israël. A la fin de cette petite scénette théâtrale et fabriquée de toutes pièces, Pujadas revient en appuyant sur le mot « vengeance » avec une mimique qu’on ne sait comment qualifier : Ironique ? Cynique ? Jouissive ? Car il montre un sourire en coin en même temps … On ne sait plus s’il veut mimer une réprobation (pour se protéger de toute critique) ou relever le fait, mais pour quoi dire ? On ne le saura pas.

Les conséquences

Cette mise en scène des événements est extrêmement grave pour la sécurité des Juifs français. On peut dire que ce soir-là 100 Merah, candidats à la « vengeance » et au meurtre des Juifs se sont levés en France.

Si cet état de fait constitue un harcèlement moral ambiant qui intime à l’opinion juive le silence ou le repliement sur soi, ses retombées sécuritaires sont bien plus graves.

A quoi servent en effet les dispositifs policiers du gouvernement si la source qui alimente la haine coule toujours ?

Le scénario accusatoire d’Israël est à l’œuvre, prêt avant même l’événement. Il fournit aux antisémites un prétexte « moral », confirmé par l’assentiment télévisuel, assentiment public (de surcroît sur une chaine dite « nationale »). Il ouvre la voie au désordre public.

A quoi jouent les journalistes ? Est ce qu’ils pensent ainsi calmer le ressentiment de cette population ? En le canalisant sur les Juifs ? On renvoie souvent les Juifs à la République. Mais je ne vois pas ici la République. Elle a perdu toute réserve, toute impartialité.

Les Juifs eux aussi ont le droit de s’attendre à ce que leur opinion soit représentée par les médias, sauf qu’à l’ère de la « discrimination positive », soit dans un âge post-républicain, ils soient, eux, négativement discriminés du fait de leur faible quota démographique.

Source : Copyright © Israël Flash

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