LES LARMES D’UNE MAMAN
PAR
THÉRÈSE ZRIHEN-DVIR
Les larmes de ma maman ressemblent à des perles fines qui roulent doucement sur ses joues parcheminées. Les années de dur labeur et de solitude ont eu raison de sa forte personnalité, de son caractère et surtout de sa détermination. Et c’est devant son regard hagard et fatigué que je me souviens de ses larmes.
Il y eut des larmes de joie, quand je naquis, m’avait elle raconté, puis il y eut d’autres larmes plus amères, celles de la déception, celles de la tristesse, celles d’un amour qui n’a pas survécu à l’érosion du quotidien.
Mais celles dont elle parlait le plus, c’étaient ces larmes de tendresse, de celles que l’on voit briller au coin de l’œil, et qu’on écrase furtivement, simplement pour conserver une façade plus équilibrée, moins émotive et vulnérable. Il y eut bien sûr des larmes de colère, lorsque l’enfant que j’étais ne réussissait pas à intercepter ses signes de détresse devant son incapacité de répondre à toutes mes demandes, de me guider pour mieux contrer les caprices de l’enfance, la fièvre de la compétition et le feu de l’exhibitionnisme. Ma mère n’était pas pauvre, mais elle n’était pas riche non plus. Elle possédait une autre richesse, plus subtile, plus raffinée qui ne me suffisait pas devant celles que se sort avait mieux nanties.
Il y eut aussi des larmes causées par mon ingratitude, mon manque d’appréciation, et surtout ma cécité face à ses efforts inhumains… Et c’est bien leur souvenir qui me déchire le cœur aujourd’hui. Comment n’avais-je pas vu ses luttes qui commençaient aux premières lueurs de l’aube et ne cessaient que lorsque la fatigue avait eu raison d’elle ?
Il m’a fallu attendre ma maturité pour mieux la comprendre, pour me pencher sur ses belles mains que le labeur avait rendues noueuses et osseuses et les baiser humblement. Il m’a fallu attendre de devenir mère pour mieux apprécier sa valeur et sa présence bienfaitrice dans ma vie. Ce ne fut qu’à ce moment que j’avais réalisé ses sacrifices, son dévouement, ses privations… Elle s’était immolée pour nous ouvrir la voie d’une vie meilleure, pour nous offrir ce qu’elle n’avait jamais reçu. Comment n’avais-je pas vu à travers ses renonciations, sonamour imbattable pour nous, ses enfants ?
Ses plus grandes joies étaient lorsque je rentrais de l’école, les bras chargés de prix en fin d’année. Lorsque bravache, elle lançait les mots qu’il fallait m’asséner pour gentiment m’aider à descendre de mon piédestal. « C’est surement une erreur… Un cancre comme toi, ne peut pas avoir autant de prix ? » Puis elle riait comme personne ne pouvait le faire, en me serrant dans ses bras et en me baisant le front…
« Tu es le plus beau cadeau de ma vie » me murmurait-elle tendrement à l’oreille.
Et c’était moi qui à cet instant précis, avais les larmes aux yeux… C’était moi qui venais enfin d’apprendre combien je comptais pour elle.
C’était alors ma mère… Mais c’est aussi toutes les mères de ce monde. Peu importe leur couleur, leur race et leur religion. Une mère est toujours une mère, qui comme le pélican, ouvrira de son bec son ventre pour nourrir ses petits.
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