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LES PROCHAINES GUERRES D'ISRAËL Par Jean CORCOS

LES PROCHAINES GUERRES D'ISRAËL Par Jean CORCOS

 

 

Dimanche 19 octobre, mon émission comprenait une interview par téléphone avec mon invité vivant en Israël. Il s'agissait de Stéphane Juffa, rédacteur en chef de l'agence indépendante Metula News Agency. J'avais eu le plaisir déjà de l'avoir comme invité il y a environ deux ans, le sujet  de notre entretien était alors«Peut-on éviter une guerre avec l'Iran ?».

 

 

Les sujets de sécurité sont trop graves pour en parler de façon superficielle, au détour d'une ou deux questions en les noyant dans le reste ; or son site est une des meilleures sources francophones pour les matières militaires, et j'ai été à nouveau particulièrement impressionné par les précisions qu'il donnait sur la nouvelle guerre de Gaza. Nous avons évoqué bien sûr cette confrontation avec le Hamas,  mais je souhaitais surtout que, à la lumière de ce conflit, nous parlions des dangers qui menacent Israël, peut-être dans un très proche avenir.

 

Guerres asymétriques

Première question posée à Stéphane Juffa à propos de la guerre avec le Hamas : on a dit que c'était un nouvel épisode des «guerres asymétriques» que mènent les démocraties occidentales contre les diverses milices islamistes dont fait partie cette organisation palestinienne. Beaucoup d'analystes, y compris dans la presse israélienne, ont écrit qu'on ne les gagne jamais ; qu'en pensez-vous ?

Mon invité devait d'abord rappeler qu'effectivement, c'est ce qu'on apprend dans les écoles de stratégie du monde entier, et cela à la lumière de toutes ces guerres, depuis celle contre les Boers en Afrique du Sud qui fut la premier conflit contre une «guérilla». Il a dit cependant qu'il hésiterait à utiliser ce concept dans le cas de la dernière guerre de Gaza, par opposition par exemple avec la guerre contre le Hezbollah en 2006. Le Hamas avait de l'artillerie légère (les mortiers), lourde (les roquettes), des bases, des camps d'entrainement ; il y avait certes une disproportion en matière d'effectifs avec Tsahal, et au niveau de la sophistication de l'armement ; et là, effectivement, le conflit était asymétrique.

 

Buts stratégiques

J'ai évoqué ensuite le trouble qui a gagné l'opinion israélienne à la fin de cette guerre. Il semble que le flou dans les buts stratégiques du gouvernement israélien a beaucoup joué ; on a eu l'impression d'une cacophonie totale entre les ministres. Or il y avait une façon très simple pour Bibi Netanyahou de bien placer le curseur en démontrant, par avance, que le Hamas ne gagnerait pas, il suffisait de dire : «Khaled Mechaal réclame la levée du blocus et la création d'un port et d'un aéroport sans aucun contrôle pour pouvoir importer librement des armes sophistiquées de l'Iran, et il ne l'obtiendra pas».

Pourquoi une si mauvaise communication ? Stéphane Juffa a répondu en faisant un simple rappel sur la direction des opérations pendant la guerre. Oui, l'ambiance était mauvaise au sein du cabinet, les ministres ne s'adressaient même pas la parole ; et la décision finale de cessez-le-feu n'a été prise que par le premier Ministre et son chef d'État-Major, sans consulter le cabinet restreint. Cette mauvaise ambiance demeure, les ministres ne s'aiment pas entre eux ; ils n'ont pas les mêmes vues en matière internationale et ils ne sont ensemble que parce que ce gouvernement n'est qu'une coalition d'intérêts entre partis politiques, qui savent qu'ils risquent de perdre beaucoup en cas d'élections anticipées.

 

Leçons stratégiques

Nous avons ensuite évoqué les leçons stratégiques de ce conflit. J'ai rappelé bien sûr le succès impressionnant du «Dôme de fer», les missiles anti-missiles israéliens ayant intercepté plus de 90 % des roquettes du Hamas risquant de tomber en zone habitée. Il y a cependant deux autres menaces stratégiques qui ont été plus difficiles à contrer. D'abord les tunnels offensifs ; Tsahal était au courant, mais le renseignement militaire semble avoir été pris de court car on ne savait pas qu'ils étaient tellement sophistiqués et qu'il y en avait des dizaines. Ensuite, les bombardements d'artillerie par des mortiers à courte portée, qui ont tué beaucoup de monde juste à la frontière : est-ce qu'on ne risque pas, à une échelle bien plus grande, d'avoir ces menaces à la frontière du Liban ? 

Stéphane Juffa a relevé qu'il parlait de son bureau, à 400 mètres de la frontière du Liban, et il raconté que beaucoup d'habitants de Metula se réveillent la nuit en pensant entendre le creusement de tunnels. Pour lui, la nature des sols et de la topographie rendent beaucoup plus difficiles la construction de tels tunnels à partir du Sud Liban. Par ailleurs, un simple grillage séparant les deux pays, une offensive non souterraine est tout à fait possible, bien qu'une opération locale par des tunnels soit aussi possible, en d'autres points de la frontière. Faute de temps, mon invité n'a pas parlé de la mise au point d'une réponse aux bombardements par les mortiers.

Toujours à propos d'un futur conflit avec le Hezbollah, j'ai d'abord posé le posé le problème de la puissance de feu de cet ennemi sur un plan quantitatif : les 8 batteries du «Dôme de fer» ont évité le pire, seulement pour le Hezbollah on évalue à 100.000 son stock de missiles, alors qu'il n'était que d'environ 10.000 pour le Hamas. Mon invité a tout de suite réagi en soulignant un point important : il ne faut pas confondre roquettes et missiles. Le Hamas ne possédait pas de missiles, mais seulement des roquettes. Une roquette, c'est une fusée qui n'est pas douée d'intelligence. D'après mon interlocuteur, il en aurait lancé quelques 4.500 ; c'est l'arme terroriste par excellence, destinée à tuer le maximum de personnes en étant envoyée grossièrement vers des agglomérations. Les missiles, en revanche, sont dotés d'un système de guidage, et ils sont beaucoup plus dangereux car ils changent de trajectoire pour atteindre leurs cibles : le Hezbollah est capable ainsi de toucher toutes les parties du territoire israélien.

 

Destructions stratégiques

En réaction, j'ai évoqué de mon côté tout ce qui pouvait être détruit en cas de conflit : dégâts sur l'aéroport Ben Gourion, qui serait paralysé ; destructions de bases aériennes ; destruction d'infrastructures stratégiques, comme des centrales électriques, des usines de dessalement d'eau de mer. J'ai aussi parlé des charges explosives de certains de ces missiles, on parle de 250 kilos ce qui permettrait de détruire un bloc d'immeubles d'après mon invité : le public israélien connait-il vraiment ces menaces ?

Stéphane Juffa a d'abord répondu en rappelant qu'Israël avait toujours été menacé, depuis sa naissance. L'arsenal du Hezbollah est bien inférieur à celui d'une armée arabe comme celle de la Syrie. Contrairement à Israël, il ne possède pas d'artillerie, pas de chars, pas d'aviation. Surtout, il faut considérer au niveau stratégique une guerre dans sa globalité : on ne peut pas empêcher l'ennemi d'avoir des moyens pour nuire, mais ce qui compte au final c'est le résultat ; si on considère la dernière guerre avec le Hamas, l'ennemi a été capable d'envoyer des roquettes jusqu'à la fin, mais - d'après mon invité - il ne lui en restait qu'un millier au moment du cessez-le-feu, donc ce fut une défaite militaire écrasante. Le Hezbollah «risque de disparaître» à l'issu de la prochaine guerre, mais mon invité a tout de même dit qu'Israël - et singulièrement la zone frontalière où il vit - passerait par des moments très durs ; des infrastructures seraient détruites, et surtout la Metula News Agency évalue le nombre de tués entre 250 et 5.000, civils comme militaires.

 

Faute de temps, hélas, nous n'avons pas vraiment  évoqué la guerre potentielle avec un autre ennemi potentiel, le fameux «Daesh» ou Califat islamique. La frontière syrienne s'est réchauffée, les islamistes du Front el Nosra ont chassé les casques bleus,  il y a eu  plusieurs incidents graves où des drones puis un avion syrien ont été abattus par des missiles Patriot. On a l'impression cependant que l'ennemi prioritaire pour Israël reste l'axe chiite, l'alliance Iran-Hezbollah-Syrie. Or de plus en plus de voix se font entendre en Occident pour dire que «l'ennemi de mon ennemi étant mon ami», il ne faut plus considérer cet axe comme une menace. Quelle est l'évaluation stratégique d'Israël ?

 

Stéphane Juffa a confirmé ce que tous les analystes du pays pensent : la menace principale c'est l'Iran, qui possède des missiles balistiques, une marine, une industrie d'armement, un très bon niveau technologique, peut-être demain un armement nucléaire. Même s'il faut contrer l'Etat Islamique, les alliés occidentaux de l'État hébreu doivent bien réaliser que là est le principal danger.

 

Lien pour entendre l'émission sur Judaïques FM :

http://www.judaiquesfm.com/animateurs/3/corcos-jean.html

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