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Les Tunisiens, leur identité plurielle et leur nouvelle constitution

 

Les Tunisiens, leur identité plurielle et leur nouvelle constitution

 

 

 

 

 

Rachid Barnat écrit - Nous n’avons pas besoin d’inscrire dans notre constitution une identité tronquée «arabo-musulmane» en omettant notre origine berbère et tous les métissages qui ont jalonné l’histoire de notre pays.

Je ne comprends pas pourquoi certains s’obstinent à faire croire à l’existence d’un «monde arabe» «arabo-musulman» ? Où sont passés les Berbères d’Afrique du nord, les Nubiens de l’Egypte, les Phéniciens de Carthage, les Touaregs d’Afrique subsaharienne, sans parler des Noirs d’Afrique : Soudanais, Ethiopiens, Sénégalais, Maliens... ou les Asiatiques : Pakistanais, Afghans...

Est-ce parce qu’ils partagent une religion commune qu’ils sont pour autant tous devenus arabes ? Cette appellation de «monde arabe» ou «arabo-musulman», est réductrice et trompeuse et n’engendre que confusion dans les esprits des gens... qu’entretiennent malheureusement beaucoup de médias par paresse intellectuelle.

La question identitaire est une supercherie électoraliste

Pourtant la Tunisie fut terre chrétienne même judéo-chrétienne avant que les musulmans venant d’Arabie n’envahissent l’Afrique du Nord. Confond-on la Hollande avec la France parce que les deux sont de culture chrétienne ? Confond-on la Belgique avec la France parce que les deux sont francophones ? Alors pourquoi devrait-on confondre la Tunisie avec l’Arabie Saoudite, parce que les deux sont de cultures arabe et musulmane ?! Que chaque nation soit identifiable par son histoire particulière. Autrement, où sont passés nos Berbères, nos ancêtres les Phéniciens fondateurs de Carthage... Les Romains, les Byzantins... Que sont devenus les Andalous ? Et les Turcs de l’empire ottoman dont la Tunisie faisait partie ? Que fait-on de leur culture ? Puis les Français et leur culture ? Que fait-on des Tunisiens de confession juive et ceux de confession chrétienne ? Que fait-on des Tunisiens agnostiques ou athées ?

Il faut que les partis religieux cessent de nous bassiner avec leur identité arabo-musulmane qui n’est qu’une supercherie électoraliste pour mieux nous placer sous la houlette de celui qu’ils espèrent installer Grand Calife de tous les musulmans : le roi Ibn Saoud !

L’identité de la Tunisie est PLURIELLE : multiculturelle mais aussi multiconfessionnelle !

Que les aventuriers cessent donc de rêver à une hypothétique renaissance d’un califat de l’âge d’or en la personne du roi Ibn Séoud, issu d’une tribu connue pour sa violence ! Autrement quelle commune mesure lui trouve-t-on avec les dynasties omeyyade ou abbasside qui font tant rêver ces «romantico-nostalgiques» d’une histoire qu’ils n’ont pas vécue ? Pour cela, ils voudraient nous faire croire que l’histoire de la Tunisie commence et s’arrête à la présence arabe depuis l’invasion des Bani Hilal ! Il faut rappeler que c’étaient des hordes de bédouins arabes que les souverains moyen-orientaux au 11e siècle pour s’en débarrasser, ont orientées vers l’Afrique du Nord, pour réprimer les Zirides berbères, mais aussi pour sévir, piller et transformer une région connue comme «le Pays Vert» («Tounis Al Khadhra» = Tunisie, la verte) couverte de forêts en terres désertes ou semi-désertes par l’arrachage systématique de tous les obstacles rencontrés sur leurs chemins, à savoir les arbres et les forêts, étant eux-mêmes bédouins habitués au désert.

Bourguiba et l’exception tunisienne

Les nostalgiques du califat veulent d’un calife comme le veut la tradition salafiste, gardien des lieux saints de l’islam. Mais cette règle salafiste veut aussi qu’il soit Quraychite, originaire de la tribu du prophète. Savent-ils que leur choix se porte sur un «gardien» qui n’est ni Quraychite et encore moins issu de la tribu du prophète ?

Savent-ils aussi que c’est un usurpateur puisqu’il a chassé le roi Hachémite ancien gardien des lieux saints ? Et savent-ils qu’Ibn Séoud a été installé par les Américains et les Anglais, contre un deal : exploitation du pétrole ? Ou leur oubli n’aurait été que monnayé par le monarque Ibn Séoud qui rêve du titre de «Emir El Moumnin» (Commandeur des croyants) ?

Les histoires officielles, les Tunisiens n’en veulent plus ! Le Tunisien est riche et fier de TOUTES les civilisations qui sont passées par son pays ! Il n’éprouve aucun complexe envers aucune d’elles ! Elles ont toutes contribué à sa spécificité.

La Tunisie par sa position géographique et par son histoire n'a pas vocation à être rattachée au monde dit «arabo-musulman». C’est ce qu’avait déjà compris Bourguiba qui a toujours cherché à nous rapprocher davantage de l’Europe avec laquelle nous avons beaucoup plus d’histoire commune qu’avec le monde dit arabo-musulman. La Tunisie c’est Carthage, mais aussi l’empire romain qui avait façonné les deux rives de la Mare Nostrum... D’autres civilisations sont passées par la Tunisie, comme les Vandales, les Byzantins... Jusqu’à l’arrivée des Arabes puis des Andalous et des Turcs et enfin des Français. D’ailleurs à la libération, Bourguiba a beaucoup œuvré pour marquer l’exception tunisienne et sa différence d’avec le monde arabe.

Quand à l’islam, nous savons que Bourguiba le laïc, pour ne pas fâcher les traditionnalistes religieux, a préféré inscrire dans la constitution que la Tunisie est une «république dont l’islam est la religion», plutôt que d’inscrire «république islamique». Ce qui n’est pas tout à fait pareil.

La double culture et la langue française

Il semble que les nostalgiques du panarabisme de Nasser ou du panislamisme n’ont pas encore tiré les leçons des échecs de ceux qui les ont voulus et les ont expérimentés pour leur peuples : Irak, Syrie, Egypte, Soudan, Libye, Yémen… Sont-ce des exemples à suivre ? Et que dire des pays du Golfe et des richesses «du monde arabe» ? Des peuples spoliés des richesses de leur pays, dilapidées par des «princes nouveaux riches» avides et qui investissent massivement en Occident, plutôt que dans leur pays pour éduquer leur peuple et développer sa créativité : sont-ce des modèles à suivre ? C’est un leurre que de croire que toutes ces richesses bénéficieraient aux peuples du «monde arabe».

Le monde change et l’histoire avance. Il ne sert à rien de ressasser le passé. Or l’époque des grands empires est révolue : tous les empires ont fini par éclater. Ce fut le cas de l’empire ottoman comme de l’empire austro-hongrois puis de l’empire colonial anglais et de l’empire colonial français. Et tout dernièrement de l’empire soviétique. Place donc désormais aux nations !

En ce qui concerne la double culture et la langue française qu’affectionnent beaucoup de Tunisiens, il faut rappeler que l’enseignement voulu par Bourguiba a été le bilinguisme en inculquant aux Tunisiens, sans complexe aucun, la culture française en plus de la culture arabe, y voyant plutôt un enrichissement pour son peuple. Certains ont maîtrisé l’arabe mieux que le français, d’autre l’inverse et bien d’autres, les deux. Alors où est le problème pour créer un ostracisme entre Tunisiens ? Ostracisme entretenu par des gens qui aspirent à effacer tout les acquis bourguibiens dont la double culture, le statut de la femme, la modernité... Il faut cesser donc avec ces complexes vis-à-vis de la France.

L’éducation nationale devient schizophrène avec cette double culture : Zaba, pensant couper l’herbe sous les pieds des islamistes, a décidé de revenir sur le système de la double culture instaurée par son prédécesseur en arabisant l’enseignement et en réduisant l’apprentissage de la langue française à une simple langue étrangère.

Sauf qu’une fois arrivé au niveau universitaire, beaucoup de filières sont enseignées uniquement en français, alors que beaucoup d’étudiants ne maîtrisent pas cette langue, ce qui complique leur formation.

Cela explique par ailleurs, la baisse du niveau général des étudiants formés dans le système public.

Pour échapper à cette «paupérisation» du savoir, les plus nantis orientent leurs enfants vers des écoles et des universités privées qui ont conservé pour la plupart d’entre elles l’ancien système qui a donné ses preuves.

Or on entend certains islamistes jeter le discrédit sur des générations entières formées dans le système éducatif instauré au lendemain de l’indépendance de la Tunisie, allant jusqu’à douter de leur loyauté envers leur pays qu’ils vendront à l’Occident, assurent-ils, et prétendent même qu’ils ne peuvent être fiables pour construire la Tunisie moderne ! C’est faire injure à tout un peuple et à son élite.

Que les grincheux le veuillent ou non, ils ne vont pas réécrire notre histoire en effaçant ainsi notre héritage français ! Je ne vois vraiment pas au nom de quoi veut-on pénaliser les Tunisiens francophones maîtrisant mieux le français que l’arabe ? Ou obliger parfois ceux qui ne maîtrisent pas l’arabe à s’exprimer dans cette langue au point de bégayer parce qu’ils ne trouvent pas leurs mots. C’est le cas dans certaines émissions de TV, où des professeurs et des intellectuels ayant fait toute leur étude en français sont mis en difficulté par les animateurs de ces émissions, au point de les ridiculiser et brider leurs pensées, quand ils les obligent à ne s’exprimer qu’en arabe.

Pour une 2e république laïque

Nous sommes tous Tunisiens avant tout, et ce ne sont pas des complexés de l’arabité à la saoudienne qui vont décider d’exclure les Tunisiens francophones.

Nous n’avons donc nul besoin d’inscrire dans notre constitution une identité tronquée «arabo-musulmane» en omettant notre origine berbère et tous les métissages culturels et ethniques qui ont jalonné l’histoire de notre pays.

Comme dirait aussi le professeur Elyes Jouini : «Nous n’y mentionnerons pas non plus que nous ‘‘respirons’’ !», en admettant que la majorité des Tunisiens est arabophone et musulmane !

C’est aux Tunisiens de franchir le pas pour inscrire, cette fois-ci, dans notre prochaine constitution cette définition : «république laïque» ! Car seule la laïcité permet aux croyants de différentes religions, de différentes confessions, comme aux incroyants et aux agnostiques, de vivre ensemble sans que nul n’ait la tentation d’imposer aux autres la loi de sa communauté.

La laïcité, c’est ce qui sépare la foi de la loi. Les Tunisiens doivent adhérer aux valeurs humanistes et universelles pour ouvrir la voie vers le progrès et l’épanouissement réel des individus, condition sine qua non du progrès.

Or le comité libyen chargé de la transition, assure préparer une constitution pour une république laïque. De son coté le roi Mohamed VI demande une séparation du religieux de l’Etat ! La Tunisie ne peut faire moins, elle qui a une longueur d’avance en la matière, sur ces pays et bien d’autres.

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