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L'esprit du Buena Vista Social Club souffle sur Alger

 

L'esprit du Buena Vista Social Club souffle sur Alger

 

 

 

Le documentaire de Wim Wenders Buena Vista Social Club avait fait connaître dans le monde entier les gloires de la musique cubaine.

Safinez Bousbia, une réalisatrice algérienne de 30 ans, a suivi la même démarche que le réalisateur allemand. Elle a rencontré des vieux musiciens pour les faire parler et jouer le chaâbi, la musique née dans la Casbah d'Alger dans les années 20.

Le chaâbi (populaire en arabe) est un style qu'on peut qualifier de révolutionnaire dans le sens où il a rendu la musique arabo-andalouse, considérée comme savante, accessible au plus grand nombre.

Les premiers fondateurs du chaâbi, El Hadj Mrizek, Cheikh Nador et surtout El Hadj M'hamed El Anka, ont construit ce nouveau style en s'inspirant de la structure de la musique arabo-andalouse, en introduisant de nouveaux rythmes et des textes de la poésie populaire.

Cette musique avait également une dimension politique, car elle a permis à la société algérienne de réapproprier une partie de sa culture, écrasée par la domination coloniale française.

Quand la musique chaâbi est née, ça faisait un siècle que la France occupait l'Algérie.

« Quand on parle du chaâbi, c'est la musique d'Alger, et surtout, surtout, de la Casbah », explique Ahmed Bernaoui, chanteur et joueur de mandole (l'instrument roi du genre).

L'autre particularité de cette musique est qu'elle avait des adeptes aussi bien chez les Algériens que chez les Européens - qu'on appelait les pieds-noirs.

Intitulé El Gusto (mot d'origine espagnole intégré dans le dialecte algérois, signifiant passion, goût, plaisir), le documentaire est l'aboutissement d'un long chemin.

En 2003, la réalisatrice rencontre par hasard le marchand d'une échoppe dans la Casbah, qui lui raconte sa jeunesse et la classe de chaâbi, fondée par El Anka dans les années 50.

Touchée, elle décide de retrouver les anciens élèves de cette classe. Il a fallu deux ans de recherche, puis deux ans de tournage pour terminer le documentaire.

Un disque et des concerts

El Gusto mêle donc les témoignages des anciens musiciens, à Alger, Paris ou Marseille (France), répétitions dans la salle de classe de l'époque, et déambulation dans la basse Casbah.

Renaissent les souvenirs d'une époque où musiciens juifs et musulmans parlaient le même langage, mais aussi les traumatismes et déchirements engendrés par la guerre d'Algérie.

« Étant juif et faisant de la musique arabe, on m'a dit qu'on était en guerre, qu'il ne fallait plus que je chante en arabe, raconte le guitariste pied-noir Luc Cherki. Mais je ne pouvais pas, c'était mon grand kif à moi ».

En plus du documentaire qui sort mercredi en France, un disque a été enregistré en public à Marseille en 2007, lors du concert des retrouvailles entre ces musiciens.

El Gusto a été publié au début du mois et deux concerts les 9 et 10 janvier à Paris accompagneront la sortie du documentaire.

Ils réuniront une bonne partie des musiciens du film, mais d'autres ne seront pas présents, car depuis le tournage en 2006 et 2007, quatre sont morts, et deux tombés gravement malades.

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