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Lettre à mon ami (e) juif (ve) de France

Lettre à mon ami (e) juif (ve) de France

 

 

Hasard du calendrier et de l’actualité, je me retrouve à Paris pour vivre, en à peine 48 heures, un double coup de semonce : la tuerie perpétrée au musée juif de Belgique et l’arrivée du FN en tête des élections européennes avec 25% des suffrages. 

 

Mon séjour débuté lundi dernier avait commencé sous les meilleurs auspices. Depuis mon arrivée, slalomant entre deux averses, je cours les boutiques et enchaîne les rendez-vous avec mes copines pour reprendre nos conversations pleines de vannes et de rires comme si on s’était quitté hier.

 

Hier, après avoir appris la tragédie du musée juif à Bruxelles, il m’a fallu des efforts surhumains pour me tenir au programme d’activité prévu pour occuper ma fille aînée. Groggy, sonnée, j’ai retrouvé la torpeur dans laquelle m’avait plongée le drame de Toulouse. Ce matin, je lis dans la presse « fusillade ». J’ai mal à mon métier quand je vois mes confrères utiliser ce terme  pour parler d’un tireur fou qui vide son chargeur dans le hall d’entrée d’un musée sur des touristes et du personnel. 

 

Aujourd’hui, je pense à Shira et Ayelet, les deux filles du couple d’israélien tué. Je pense à ceux qui ont dû pénétrer dans leur chambre d’hôtel pour boucler leurs valises, je pense à ceux qui vont placer leurs cercueils dans la soute d’un avion El Al. Je repense à ma grand-mère qui répétait souvent – même hors contexte  - « va où tu vas, meurs où tu dois ». Je pense aux autres victimes. à cette bénévole de 50 ans et à ce jeune homme de 23 ans. à leurs familles, leurs collègues, leurs amis. 

 

Et je pense à toi, juif de France. Toi que je n'ai pas vu à la manifestation hier devant l'ambassade de Belgique ( mais qui t'en blâmerait ... ), toi qui encaisses chaque nouvel acte antisémite comme une gifle, toi qui ne reconnais plus la France où tu as grandi, celle que tu as aimée. toi qui est ici mais qui regarde vers ailleurs.

 

Je pense à toi, aux efforts que tu dois faire pour épargner à tes enfants l’insécurité, l’antisémitisme. Je pense à tes espoirs déçus, à tes colères. Je te revois  dans les années 80’, ta bande de potes bigarrée à faire pâlir d’envie une pub Benetton. Trois décennies plus tard, tu mets l’homogénéisation de tes relations  amicales sur le compte  de la vie, le mariage, les enfants. Tu as grandi sur les bancs de l’école de la République mais tes enfants sont à Yavné. Tu mets ton bulletin dans l’urne mais tu n’y crois plus ou si peu. Tu penses à l’Alyah mais rien n’est simple.

 

 Je vis en Israël depuis 10 mois. Je suis partie après Toulouse parce que je ne pouvais plus vivre en France comme si de rien ne s’était passé Je l’ai fait pour mes filles, pour qu’elles ne vivent plus jamais ces moments de désarroi devant les images diffusées en boucle par les chaînes infos. Je continue de penser que mourir aujourd’hui en Europe parce qu’on est juif est une aberration. A ceux qui me rétorquent qu’Israël n’est pas un pays sûr je réponds qu’y mourir là-bas parce qu’on est juif a du sens.

 

Je repars dans une semaine en Israël. Une fois là-bas, ma famille me manquera, mes amis aussi. Mais je penserais aussi à toi, toi le juif de France, celui qui a une bonne situation et qui se dit qu’il ne peut pas tout lâcher pour l’inconnu, celui qui galère pour joindre les deux bouts. Je ne te juge pas. Je ne t’en veux pas de croire encore que les juifs ont un destin en Europe, une place. Moi je n’y crois plus. En Israël, j’ai ravalé ma fierté en bossant pour 30 shekels de l’heure. Je voulais essayer, me frotter à cette dure réalité salariale qui fait que la femme de ménage gagne en moyenne 20 shekels de plus que moi en dépit de mes études et de mon expérience. Je n’en tire aucune gloire juste la certitude que ceux qui ont les moyens devraient venir sans se poser de question quitte à perdre en niveau de vie et que ceux qui galèrent ont tout intérêt à venir galérer ici.  

 

En Israël, j’ai rencontré toutes sortes d’olims. J’en ai rencontré certains qui avaient fait leur alyah

pour leurs enfants

par émouna,

par sionisme

pour changer d’air,

pour changer de vie,

par nécessité,

par idéal,

 

Encore une fois, si tu décides de rester je ne te juge pas mais je suis triste de te voir vivre encore dans la peur ou au mieux dans l’inquiétude. En t’attendant, ou pas, je continuerais de penser à toi, de m’inquiéter de ton sort et de me soucier de ton bien-être car en toi il y aura toujours, malgré la distance, un peu de moi.

 

Publié par Virginie Guedj-Bellaiche

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Moi je pense aux enfants de ces juifs et juives de France , qui se maries avec des chrétiens , en pensant echappers a leurs judeité . Je dis qu ils se trompent . Demain ils seront montrer du doigt par leurs BONS amies , et pour eux ils sera trop tard .

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