Malaita aux iles Salomon: «les gens se font tatouer le drapeau israélien»
Caroline Lafargue
Le journaliste américain Matthew Fishbane rentre des Iles Salomon, où il enquêtait sur les croyances selon lesquelles le Temple du Roi Salomon aurait en fait été construit sur... Malaita.
Elles portent le nom du Roi juif. Au XVIème siècle, les explorateurs espagnols partis du Pérou, sous le commandement d'Alvaro Mendana, espéraient trouver ces îles à qui la rumeur prêtait «un souverain avec un collier en or, qui se déplaçait sur une chaise en or, mangeait dans de la vaisselle en or, adorait une idole en or».
C'est ce que raconte Chepo, un Indien du Pérou. Le 7 février 1568 la flotte de Mendana arrivait en vue de la première des futures îles Salomon, Santa Isabel. Le conquistador croyait que tout l'or qui avait servi à construire le Temple du Roi Salomon en Israël provenait de ces îles. Il espérait aussi y trouver le trésor du Roi Salomon, évoqué dans le Bible. Mais sans succès.
Aujourd'hui, pour des raisons bibliques, tout autant qu'économiques et surtout, géopolitiques, ce lien entre les Iles Salomon et Israël n'a jamais été aussi intense.
Le journaliste américain Matthew Fishbane vient de rentrer de Malaita, la deuxième plus grande île des Salomon, où il a fait une enquête sur les israélolâtres locaux :
«J'ai rencontré Franck Diafae, du village de Fuondo, au nord de la capitale provinciale. Il se considère comme le gardien d'un site archéologique, qui, selon lui, contient des preuves que des Juifs sont arrivés sur Malaita il y a près de 2700 ans. C'est une ethno-théologie assez élaborée. Il est sûrement le plus convaincu de la présence de Juifs sur l'île. Il n'a aucune preuve scientifique, archéologique de ce qu'il avance, mais il y croit dur comme fer. Et j'ai entendu des histoires similaires dans d'autres villages de Malaita. C'est normal que les Salomonais soient si sensibles aux Juifs, parce que chez les Salomonais comme chez les Juifs, la lignée des ancêtres, la filiation transmise par l'histoire orale, jouent aussi un rôle central. Ils ont une affinité naturelle.»
Sur Malaita, tout comme Franck Diafae, certains habitants croient qu'ils sont des descendants de tribus israéliennes et que le temple du Roi Salomon a en réalité été construit sur leur île.
«Franck m'a emmené visiter son site archéologique, où selon lui se trouvait le Temple du Roi Salomon. Ce qui est vrai, c'est que c'est bien un site archéologique, il y a des pierres partout. Il faut faire 4 heures éprouvantes de marche dans la jungle pour y arriver. Il y a clairement eu des habitants sur ce site. Mais aucun archéologue ne l'a examiné, mais c'était fascinant de voir que Franck était convaincu que ce site avait un passé mythologique.»
Mais au-delà de la religion ou de la mythologie, ce sont des enjeux bien contemporains qui nourrissent ce lien fantasmé entre Malaita et Israël. Israël qui a un consul honoraire à Honiara, est devenu un donateur important dans la régionm et compte bien obtenir le soutien et la voix des Salomon quand il y a un vote à l'ONU sur la question de la Palestine. Parfois il y a quelques couacs, comme en novembre dernier quand les Salomon ont voté avec la majorité des pays de la planète pour l'octroi d'un statut d'observateur de la Palestine à l'ONU.
«Ce que j'ai trouvé à Malaita, c'est plutôt un christianisme évangélique. Mais ce qui intéressant, c'est de voir comment la diplomatie israélienne a récupéré ce mouvement, comment elle a fait fond sur ces croyances. Quand on arrive sur Malaita, on voit des drapeaux israéliens partout, les gens se tatouent le drapeau israélien, ils l'ont dans leurs voitures, dans leurs camions, comme une sorte d'icône en fait, c'est sûrement du à l'influence d'une des églises dissidentes de l'Eglise Evangélique des Mers du Sud, menée par Michael Maeliau, un chef très charismatique, qui a des idées très personnelles sur le christianisme évangélique. Mais les Israéliens sont intelligents, ils ont tout de suite compris qu'ils pouvaient se servir de ces croyances pour devenir un pays donateur incontournable et obtenir le soutien des Iles Salomon pour pousser leurs pions sur l'échiquier géopolitique, pour des tas de raisons.»
Matthew Fishbane, journaliste américian de retour de Malaita, répondait aux questions de Campbell Cooney sur Radio Australie.
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