Mor Karbasi : La Tsadika

Venue de la scène londonienne, la jeune chanteuse israélienne Mor Karbasi perpétue le ladino, la langue des juifs exilés d'Espagne au xve siècle, et son répertoire traditionnel. Là où sa compatriote Yasmin Levy en souligne les accents les plus tragiques, elle-même en incarne la facette lumineuse, voire étincelante sur ce troisième album, le plus abouti de tous. Moins pop, portée par un vibrato impétueux qui nous saisit de bout en bout, sa haute voix claire y jaillit avec une véhémence inégalée, sur des tempos plus speed et les rythmes ardents d'Andalousie.

Car on retrouve les intonations flamencas, la fièvre gitane, jusque dans ce morceau où son chant rappelle les voix blanches bulgares. L'exaltation du fado, aussi. Mais également, et c'est ce qui rend ce disque original, des couleurs arabes très marquées. Renouant avec son ascendance marocaine, Mor Karbasi rend ainsi hommage à une héroïne juive marocaine décapitée en 1834, en exhumant des chansons séfarades méconnues. Ses mélismes orientaux, qui sonnent même comme du raï sur le groovy Molinero, trouvent leur juste place entre des polyphonies a cappella et une reprise un peu fondante de Because, des Beatles. Le tout chatoie au gré d'une instrumentation éclectique mais sobre. Avec piano, basse électrique, un soupçon de trompette, quelques cordes (guitares, oud, mandoline, vièle kamanché...) pour la touche lyrique, elle fait du ladino une musique contemporaine.