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Pascal Elbé, artiste engagé

 

Pascal Elbé, artiste engagé

 

 

Dans « Le fils de l'autre », à l'affiche mercredi, Pascal Elbé se trouve au cœur du conflit israélo-palestinien. Il conçoit sa carrière d'acteur, de scénariste et de réalisateur comme un engagement civique.

Avez-vous accepté de tourner « Le fils de l'autre » parce que vous retrouviez Lorraine Lévy après « Mes amis, mes amours » ou l'avez-vous fait par rapport à l'enjeu politique de ce film ?
C'était évidemment agréable de partager un nouveau moment avec Lorraine Lévy. Mais j'ai été surtout attiré par le scénario qui pose la question de la filiation et de la transmission. Cette histoire de ce gamin qui découvre que ce ne sont plus ses parents, qu'il n'est plus juif, que d'un seul coup il se retrouvait Palestinien, ennemi d'Israël est vertigineuse et ubuesque. On pourrait appeler ce film aussi « La conscience de l'autre ». A partir du moment où on prend conscience de l'autre, si on accepte de prendre sa place, le chemin est à moitié fait. Quand j'ai su ensuite qu'Emmanuelle Devos que je connais bien interpréterait ma femme et que le tournage aurait lieu en Israël, tout était réuni pour que j'accepte.

Ce film n'aborde-t-il pas aussi la question de l'identité
et de la tolérance ?

Oui c'est un film sur l'identité. Il pose les questions : « Qui sommes-nous ? » et « Comment naît-on ? ». Il ne faut jamais se renier mais cela ne veut pas dire de ne pas accepter l'autre mais au contraire chercher à le comprendre.

Le rôle de ce militaire israélien qui découvre que son fils n'est pas le sien a-t-il été écrit pour vous ?
Non même si Lorraine Lévy me l'a rapidement proposé. Il ne faut jamais écrire pour un comédien mais pour un personnage.

Comment vous êtes-vous préparé ?
En connaissant déjà bien Israël et en allant ensuite m'entretenir avec des officiers de l'armée israélienne. Mais on ne se prépare pas plus que cela. Quand on rentre dans l'uniforme, on est déjà différent. Et, après, sur un tournage, vous êtes dans l'écoute quand vous jouez en face de vos partenaires. Il n'y a pas à se préparer, juste à être ouvert, à écouter et après vous trouvez la voie en étant aidé par la réalisatrice bien sûr. Il faut savoir se mettre à nu en n'ayant pas d'idées préconçues mais en se laissant porter.

Etant d'origine juive, avez-vous mieux cerné le personnage ou était-ce un travail comme un autre ?
C'est un travail comme un autre mais j'avais une sensibilité, un regard qui étaient un peu plus aiguisés sur le problème. Cela fait partie de ma culture, de mon itinéraire. J'ai une lecture différente en tant que juif.

Pensez-vous que le conflit entre Israël et la Palestine puisse un jour être résolu ?
Les solutions existent. Mais on n'est pas prêt d'arriver à leur mise en pratique. C'est un conflit qui me touche de près en tant que juif mais on ne peut saisir la complexité et la nuance de ce débat qu'en allant sur place. En France ou en Europe, on a une lecture trop simpliste. Le conflit ne se résume pas à un affrontement entre David et Goliath. La solution existe sur le plan individuel mais pas au niveau des masses. On touche au domaine politique. Là je n'ai pas beaucoup d'espoir. Je ne vois pas comment la paix verra le jour dans les deux ou trois prochaines années.

Vous vous exprimez en hébreu dans le film. Le parlez-vous couramment ?
Non, je l'ai appris. Je parle mieux arabe qu'hébreu car je suis d'origine nord-africaine sépharade.

Vous jouez un père. Avez-vous transmis vos propres sentiments en ce domaine ?
Pas consciemment mais, comme j'ai trois enfants, j'ai tendance à être paternaliste ou chef de tribu sur un tournage.

Quelles valeurs souhaitez-vous transmettre à vos enfants ?
J'essaie d'apprendre à mes enfants les notions d'amour et de respect. Quand vous les aimez, vous les apprenez à s'aimer. Et un jour, ils aimeront l'autre. Et, à travers l'amour, on apprend le respect. Vous leur apprenez aussi à respecter votre femme. Comme cela, ils apprendront à respecter les femmes. Si vous vous respectez vous-même, ils vont apprendre à se respecter pour respecter l'autre.

Quels sont vos critères quand vous choisissez un rôle ? Doit-il être engagé comme celui que vous tenez dans « Le fils de l'autre » ?
Je le choisis par rapport à l'émotion qui s'en dégage à la lecture du scénario. Il peut y avoir des films engagés qui sont plus des tracts politiques. J'aime quand un film a un fond en soignant la forme. Pour qu'un message puisse passer, il faut faire appel à la dramaturgie, à l'émotion. Mais un film trop sentimental ne me parlerait pas plus. Je choisis aussi un film en fonction de l'aventure humaine, de la personne qui va me diriger. Mais le moteur, c'est d'abord le scénario et ensuite mon rôle. Mais il m'est arrivé de refuser un très beau personnage dans un film que je n'aimais pas. Cela ne suffit pas un beau rôle. Il faut qu'il soit dans une belle histoire.

Votre engagement personnel en tant qu'acteur se situe-t-il au niveau de l'interprétation ou dans des actions dans la vie sociale et politique ?
Mon engagement intervient quand j'écris des histoires et quand je les réalise. Il ne s'exprime pas en m'affichant avec tel ou tel homme politique. Dans le cinéma, nous sommes des saltimbanques, des clowns et nous amenons à une prise de conscience par des histoires. Ma conviction se situe d'abord dans le domaine intime. Et, ensuite, je fais passer mes convictions par mon métier, par les choix d'acteur parfois, et de scénariste et de réalisateur maintenant.

Allez-vous tourner un second long métrage après « Tête de Turc » ?
Oui. Je viens d'en finir l'écriture. Il sera différent dans le fond mais identique dans la démarche : je l'ai écrit en me documentant. Je le réaliserai au mois d'octobre entre la France, Israël et la Guyane.
« Il est plus difficile de jouer une comédie qu'un drame »

Quel thème aborderez-vous ?
Ce film qui s'appellera « Le maître du jeu » parlera de la manipulation à travers le cas d'un escroc qui existe vraiment. Je n'ai pas fait l'éloge de l'arnaque. J'ai essayé de comprendre pourquoi on se laisse manipuler.

Vous avez tourné beaucoup de comédies au début de votre carrière. Là, avec Lorraine Lévy, vous avez tour à tour joué dans une comédie puis un drame. Avez-vous un genre de prédilection ?
Oui. Je suis fan de comédies qui est pour moi un genre absolu, le plus noble. Il est plus difficile de jouer une comédie qu'un drame. Il est plus facile de faire pleurer. Aujourd'hui, on me propose plus de drames mais j'aimerais revenir à la comédie. Entendre le rire du public vous rembourse de tous vos efforts.

Vous avez été dirigé par une femme ? Est-ce différent d'un homme ?
Je ne fais pas de différence. C'est avant tout le regard et le talent d'un cinéaste, qu'il soit homme ou femme. En revanche, la sensibilité d'une femme m'intéresse dans l'écriture.

Comment êtes-vous venu à ce métier ?
C'est venu tardivement. Un artiste a une hyper sensibilité qui ne lui permet pas d'affronter le quotidien comme une personne lambda. Ce métier a été pour moi une façon d'être dans une sorte de bulle. Ce n'est pas pour cela qu'il faut être déconnecté de la réalité mais ce métier vous permet de vous extraire d'une certaine réalité. J'ai fait ce métier pour apprendre à vivre peut-être.

Avez-vous des projets comme acteur ?
Le romancier Bernard Villot qui va faire son 1er long métrage comme réalisateur m'a proposé un film sur l'autisme, un « Rain man » français. Je suis parrain d'une association pour l'autisme. Ma femme travaille dans ce secteur à Reims où elle se rend tous les mercredis et le jeudi matin. Quand je fais un film, j'essaye toujours d'apprendre. En France, on a tendance à stigmatiser l'autre quand il est différent de nous. Il y a peu d'équipements pour les autistes en France. Les parents sont très démunis. Je vais aussi sans doute faire « Chacun sa gueule » avec Cécile Telerman avec qui j'ai déjà tourné deux fois. Elle a écrit une fable très drôle entre deux voisins.

Reviendrez-vous au théâtre qui représente vos racines ?
Je vais y revenir car je me sens très bien au théâtre : j'adore la contrainte quotidienne d'y aller, j'aime l'esprit de troupe, le combat au jour le jour pour attirer le public. La proximité avec la troupe et le public me manque. Mais j'attends d'être séduit par une pièce. La réalisation me prend maintenant beaucoup de temps.

Propos recueillis par Fabrice Littamé

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