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Peur de Chucky ?

Chuck Hagel est-il l’instrument de la vengeance d’Obama ?

 

Peur de Chucky ? (info # 010901/13) [Analyse]

Par Stéphane Juffa © Metula News Agency

 

Ceux qui s’imaginaient que le différend personnel et conceptuel qui sépare Binyamin Netanyahu de Barack Obama allait se terminer avec la victoire du dernier nommé aux élections présidentielles américaines n’avaient visiblement pas saisi la profondeur de leur controverse.

 

Ils n’avaient pas non plus identifié à quel point ces deux personnalités sont butées et orgueilleuses, atteintes par une inaptitude effrayante à actionner le levier de la marche arrière. Un peu à l’instar des molosses incapables de desserrer les mâchoires quand ils ont mordu une proie.

 

Dernier épisode en date de la guerre des deux chefs, la nomination par le pensionnaire de la Maison Blanche, lundi dernier, d’un nouveau ministre de la Défense (Secrétaire à la Défense) particulièrement hostile à l’Etat d’Israël.

 

Chuck Hagel – le nouveau ministre en question – représente le choix du président en vue du remplacement de Leon Panetta au Pentagone. Pour que son entrée en fonction soit validée, Hagel doit encore obtenir l’aval du Sénat, où les Démocrates jouissent d’une fragile minorité, mais où certains d’entre eux, à l’instar du New-Yorkais Charles Schumer, ont fait part de leur réticence face au candidat proposé par son président.

 

En fait, depuis sa nomination, Hagel – lui-même un ex-sénateur Républicain (1996-2008) et vétéran du Vietnam -, passe le plus clair de son temps à clamer son soutien indéfectible à Israël face aux critiques qui lui sont adressées dans ce sens.

 

"Il n’existe pas l’ombre d’une évidence pour affirmer que je suis anti-israélien", plaide l’intéressé, parfaitement conscient de l’empathie quasi-unanime dont jouissent l’Etat hébreu et son 1er ministre au Capitole. Dans un quotidien de son Nebraska natal, Chuck vient de répéter que son passé ne portait que les traces de son "soutien sans équivoque et total en faveur d’Israël", et que les voix de ceux qui le mettent en doute sont marquées du sceau de la "calomnie et des distorsions".

 

On aimerait bien le croire, cela apaiserait nos nombreuses craintes, mais on n’y arrive pas. En fouillant dans son dossier, on trouve d’étranges initiatives et de non moins étranges commentaires. On note ainsi l’insistance de Hagel pour ouvrir un dialogue avec l’Iran et des milices terroristes comme le Hezbollah et le Hamas.

 

On tombe sur l’expression de son "scepticisme" quant à l’efficacité des sanctions contre l’Iran et même son refus d’en voter certaines.

 

En chinant un peu, on s’aperçoit qu’il ne croit pas en une frappe militaire contre Téhéran, même si toutes les autres tentatives visant à le faire renoncer à sa bombe atomique échouent. Et on ne trouve pas plus d’une poignée d’élus, dans les deux chambres confondues, pour soutenir ce point de vue.

 

Chuck Hagel dénonce aussi fréquemment la façon qu’Israël (Netanyahu) a de traiter les Palestiniens. Certes, à la Ména nous critiquons aussi l’inaction du cabinet actuel dans le domaine d’un règlement du conflit avec l’AP et l’absence de tout projet de sa part pour parvenir à un compromis durable. Mais nous ne sommes pas certains que ce sont ces mêmes préoccupations qui animent le probable futur ministre de la Défense US.

 

Car en 2006, il avait employé le terme rarement usité de Lobby juif, qui est incontestablement très actif sur les rives du Potomac, mais pas plus que le lobby saoudien, celui des producteurs de pétrole, des vendeurs d’armes à feu ou des constructeurs de voitures.

 

Lors de cette interview peu inspirée, l’ex-sénateur du Nebraska avait également tenu à préciser qu’il était "loyal aux Etats-Unis et non à Israël". Naturel et légitime aussi, mais sous la vaste coupole des deux chambres washingtoniennes, 95% des sénateurs et des représentants sont convaincus qu’il s’agit de la même loyauté, les deux alliés partageant, sur tous les principes fondamentaux, les mêmes intérêts.

 

Hagel peut bien rétorquer qu’ "il n’a jamais pris part à un vote qui aurait pu causer le moindre tort à l’Etat hébreu", dans la capitale fédérale, des professions de foi de ce genre sont absolument insuffisantes à vous faire passer pour un ami d’Israël.

 

En revanche, Chuck avait refusé de cautionner des propositions de loi proposées par les amis de Jérusalem. Il s’en défend aujourd’hui, en demandant, sous la forme rhétorique : "En quoi cela faisait-il avancer le processus de paix ?". Et d’ajouter : "Ce qui est dans l’intérêt d’Israël est de l’aider à trouver une manière pacifique de vivre avec les Palestiniens".

 

C’est là que ça se met déjà à grincer. Dans l’entourage de la coalition de droite aux affaires dans la Cité de David et Salomon, on déteste que d’autres définissent à notre place ce qu’est notre intérêt, même si cela provient de la part d’amis. Et on répète à qui veut l’entendre que l’enfer est pavé de bonnes intentions.

 

Que voici une déclaration qui sonne mal aux oreilles de Netanyahu et de Lieberman. Ils souhaiteraient voir au Pentagone un grand ami de leurs thèses, qui soutienne activement les principes de la "ligne rouge" dans le face-à-face avec la "République" Islamique et qui "nous les lâche" avec les Palestiniens, et la personne proposée par Obama professe précisément le contraire de ces positions.

 

Mais à quoi pouvaient-ils s’attendre à Jérusalem, lorsqu’ils ont fait le pari raté de favoriser presque outrageusement l’élection du candidat Républicain Mitt Romney aux présidentielles ? Quand Netanyahu avait quasi-exigé d’Obama qu’il endosse publiquement un ultimatum à l’adresse d’Ahmadinejad et de Khamenei ? Lorsque, après avoir essuyé un énième refus de la Maison Blanche, Bibi avait tenté de le dépasser par l’intérieur en présentant son dessin de la grenade allumée à l’Assemblée générale. Comme si le Zimbabwe, la Micronésie, la Moldavie, l’Ouzbékistan ou même la France pouvaient faire peur aux ayatollahs.

 

Que d’erreurs dans les appréciations. Le 1er ministre me fait un peu penser à Béchar al Assad et sa clique, lorsque ceux-ci se persuadent, décollés de la réalité, qu’ils sont en train de gagner la guerre et qu’ils n’ont besoin de l’aide de personne pour y parvenir. Ils évoluaient déjà dans ce mirage lorsqu’ils prirent la décision d’éliminer l’ex-1er ministre libanais Rafic Hariri. Pour aucun résultat concret, parce qu’ils sont alaouites et que les alaouites peuvent tout se permettre, pour montrer à "un vieux fossile" qu’on ne quitte pas les al Assad, pour faire un exemple.

 

C’est cet assassinat inutile qui signa l’arrêt de mort de leur dynastie, qui se maintenait au pouvoir depuis 1963 et qui pouvait encore y demeurer durant trente ou cinquante ans, dans un environnement plutôt tranquille.

 

A Jérusalem, Netanyahu peuple la zone E1 dans l’intention de rendre impraticable la solution à deux Etats ; il exige d’Abbas de revenir à la table des négociations sans conditions, refusant de considérer les avancées qui furent réalisées durant deux ans d’intenses pourparlers avec l’AP. Il drague les électeurs dans les milieux edennistes et chez les partisans du Grand Israël, tournant ostensiblement le dos aux formations du centre et de centre-gauche.

 

Il croit lui aussi qu’il possède la capacité d’infléchir Washington par sa simple volonté. Il se comporte comme si Israël pouvait vivre sans amis, tentant de faire croire que, quoi que fasse l’Etat hébreu, par cause d’antisémitisme atavique, les autres nations refuseront de reconnaître son droit.

 

Le 1er ministre oublie simplement que son pays dépend totalement du bon vouloir de Barack Obama pour les quatre ans à venir ; et qu’à force de multiplier les paris et de les perdre, à la place de gouverner, il va bientôt se heurter à un mur. Un mur autrement plus élevé que toutes les barrières de sécurité posées les unes sur les autres, dont il entoure progressivement Israël. Ensuite, il fera dresser un rideau au-dessus de ces murs pour nous donner l’impression, non seulement que nos voisins ne peuvent pas nous envahir, mais que, de plus, puisqu’on ne les voit pas, ils n’existent pas.

 

A moins que Bibi soit devenu edenniste et qu’il se soit convaincu que le ciel remplace la pensée rationnelle et les décisions stratégiques qui font mouche.

 

Mais qu’il s’empresse d’envoyer le ciel sur Washington, si c’est le cas, pour ne pas commettre l’erreur supplémentaire de croire, l’espace d’une seule seconde, que les amis d’Israël voteront contre la nomination de Chuck Hagel à la Défense. Parce que les Américains sont effectivement américains et pas israéliens.  

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