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PLONGEE DANS LE HIGH-TECH DE TSAHAL AVEC LES GENERAUX PLASMA, Par Jacques BENILLOUCHE

 

PLONGEE DANS LE HIGH-TECH DE TSAHAL AVEC LES GENERAUX PLASMA

 

Par Jacques BENILLOUCHE

 

 

En Israël, il n’y a pas de plus secret que Tsahal et il n’y a pas de plus frileux que l’armée. Et pourtant, en exclusivité, l’armée a ouvert les portes du saint des saints, par deux fois, dans une base secrète à l’abri des regards, dans l’antre de la communication, dans le nœud du système qui conditionne la défense d’Israël parce qu’il relie toutes les bases militaires et tous les régiments en opération avec l’Etat-Major opérationnel.

 

Nous ne sommes plus à l’âge de pierre de la guerre mais dans l’univers où la haute technologie est reine, où les soldats sont des génies et où les officiers les rois du clavier d’ordinateur. Pour les railler, on les avait appelés les «généraux plasma» parce qu’ils faisaient la guerre collés à leur écran d’ordinateur. Les réseaux informatiques deviennent le champ de bataille de l’avenir et ils servent à la fois de systèmes de défense aussi bien que d’attaque dans une guerre virtuelle.

 

L’armée n’aime pas communiquer mais un journaliste, qui écrit pour un public français critique et pour un site qui a des accointances avec le Washington Post, mérite une exception rare. A l’heure où les rumeurs d’une intervention contre l’Iran s’accentuent, le rôle des services sensibles de l’armée reste primordial et leur accès rare.

 

Au cœur du C4I

 

Durant ma première visite, un capitaine m’escortait mais il attirait la suspicion des contrôles militaires car un homme en uniforme parait plus suspect qu’un journaliste qui ne s’aventurerait pas dans une base secrète sans autorisation. J’ai été introduit au cœur de la structure C4I (Command, control, computers, communications & information) commandée par le général de division Ami Shafran qui me reçut en compagnie du général de brigade Nahum Baslo, responsable des effectifs, et de la générale de brigade Ayala Hakim, responsable des services informatiques Lotem, qui comprend le centre Mamram (abréviation hébraïque de Center of Computing and Information Systems).

 

Ce centre héberge les meilleurs professionnels mondiaux de logiciels de haute technologie qui essaiment ensuite dans les services sensibles de l’armée. Les meilleurs sont ensuite envoyés à l’unité 8200 , composée de plusieurs milliers de soldats qui travaillent pour les services de renseignements dans l’analyse des communications et pour le décodage des données ennemis cryptées. Le nom du général de cette division n’est pas autorisé à la diffusion.

 

Nouvelle guerre des étoiles

 

 

L’armée avait tenu à nous expliquer sa guerre des étoiles à l’échelle humaine. Le but de cette entité C4I, nouvellement créée, est de permettre d’associer toutes les structures de Tsahal pour agir comme une force unique comprenant à la fois l’armée de terre, l’armée de l’air et la marine à des fins d’efficacité. Les informations sont recueillies, analysées et intégrées à un processus d’aide à la décision de l’État-Major et des différentes branches de l’armée israélienne.

 

Les forces sur le terrain se déplacent dorénavant avec des appareils de communications sophistiqués, reliés par satellite au centre de commandement général et à toutes les unités sur le terrain. Ces matériels nouveaux sont capables de capter toutes les communications, même téléphoniques, à plusieurs kilomètres de leur lieu d’installation et d’enregistrer les images du lieu des opérations.

 

Les généraux «plasma» se déplacent avec leur matériel pour avoir une vision complète du champ de bataille afin de diriger les mouvements des troupes en fonction des positions de l’adversaire. Toutes les informations du terrain et les communications ennemies sont retransmises instantanément et analysées pour aider à la décision. Les troupes au sol gagnent en efficacité et en sécurité puisque l’ensemble des risques est mesuré en temps réel tandis que le système est prévu pour limiter les pertes humaines. Les satellites militaires d’observation complètent les données terrestres.

 

Mesure permanente du danger

 

En dehors des périodes de conflit, les informations sont analysées par les militaires de Mamram pour fournir en données les services de renseignements qui suivent précisément les déplacements des effectifs ennemis à l’intérieur de leur pays. Les satellites militaires israéliens évoluent dans le Moyen-Orient pour tout voir, pour tout espionner et pour mesurer les risques d’attaque. C’est ainsi que les informations sont captées par les israéliens avant qu’elles ne soient connues par les chancelleries. Une partie de ces informations secrètes est souvent communiquée à quelques éléments choisis de la presse, dans le cadre de la politique de communication de l’armée, «la hasbara». Il s’agit en fait aussi bien d’une politique d’information et de transparence que d’une volonté éventuelle d’intoxication des médias et des pays ennemis.

 

J’avais fait part de mon étonnement devant cette volonté de s’ouvrir aux médias avec le risque d’éventer certains secrets. Plusieurs motivations ont été soulevées. Il s’agit d’abord de mettre en garde l’ennemi que toute tentative d’attaque contre Israël serait suicidaire puisqu’il est surveillé en permanence. Les communications échangées entre militaires étrangers sont répercutées auprès de l’État-Major. Les mouvements de troupes et les déplacements des missiles stratégiques hors de leur silo sont épiés par de jeunes soldates rompues à l’observation sur leurs écrans de contrôle. Le remplissage éventuel des missiles à combustible liquide est détecté à l’origine et visionné instantanément sur des satellites qui envoient leurs images aux officiers chargés de mesurer le risque potentiel.

 

Il s’agit aussi de rassurer la population que l’armée veille sur elle et que certaines rodomontades lancées par l’iranien Ahmadinejad butteraient sur une défense implacable. Il s’agit enfin de déstabiliser les terroristes qui se trouvent sur la liste noire d’Israël, Hassan Nasrallah le chef du Hezbollah en particulier, puisqu’il est en permanence surveillé, épié et espionné au point de le contraindre à vivre en permanence terré dans un bunker et d’en changer régulièrement après un voyage caché dans un coffre à voiture.

 

Sélection dès le lycée

 

La qualité de ces jeunes officiers ne manquait pas d’étonner et leur sélection constituait une énigme. J’avais demandé et obtenu une deuxième visite qui m’a été accordée le 4 août 2011 pour comprendre le système éducatif de l’armée capable de susciter l’émergence de petits génies. Le colonel responsable de leur formation a expliqué que les jeunes sont repérés dès le lycée et que les surdoués sont pris en main par l’armée qui leur donne des cours supplémentaires pour les familiariser très jeunes avec la haute technologie. La sélection s’effectue au fur et à mesure pour ne garder que l’élite de l’élite.

 

En classe de terminale, ils intègrent la Gadna , en préparation militaire, et nous avons rencontré ceux, des gamins encore, qui avaient été admis à suivre les activités de Tikshuv qui leur permettront d’être enrôlés dans le corps d’armée C4I. Ils acquièrent alors une expérience professionnelle et pratique en combinant l'utilisation d'équipements et de formation sur le terrain, et l'exploitation des systèmes informatiques de pointe dans le champ de bataille numérique. Ils apprennent les outils de commandement et de leadership, l'instruction dans les systèmes informatiques, les logiciels pour les systèmes d'exploitation et l'utilisation des langages informatiques de pointe. L'objectif est de créer un régiment d’officiers et de soldats professionnels en technologie de réseaux.

 

Durant leur préparation, où ils portent déjà l’habit militaire pour les motiver et les encourager, il sont éduqués sur les valeurs de l'armée israélienne et participent à des activités de terrain et des exercices de simulation au cours desquels ils apprennent à exploiter les équipements utilisés par le Corps des C4I, tels que les ordinateurs Palm, les radios bidirectionnelles, et les équipements de navigation GPS. Certains d’entre eux seront intégrés à l’unité spéciale, dépendant directement du premier ministre, chargés de mener la guerre cybernétique contre les installations nucléaires iraniennes en pénétrant les systèmes et en prenant leur contrôle.

 

Le virus Stuxnet avait provoqué une telle pagaille dans les centres nucléaires que l’occident avait placé l’État d’Israël parmi les leaders mondiaux de l’intrusion dans les systèmes informatiques de l’adversaire. Mais parallèlement à cette action offensive, ces petits jeunes génies travaillent à parer aux représailles iraniennes éventuelles en améliorant le système de défense informatique israélien. Pour un stratège militaire occidental «le succès israélien constitue une véritable avancée historique dans l’Histoire militaire de l’Humanité, du même ordre que le lancement de la bombe atomique américaine sur Hiroshima». 

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